Métropole et colonies
THEME 3 :
LA TROISIEME REPUBLIQUE AVANT 1814 : UN REGIME POLITIQUE, UN EMPIRE COLONIAL
Votre mission : Dans le cadre d'un travail par équipes, vous êtes chargés de réaliser un panneau d'affichage pour une exposition sur le thème "Métropole et colonies (1870-1914)"
Pour mener à bien cette mission, votre premier travail consiste à vous approprier le sujet en lui-même. Ci-dessous, vous trouverez 11 corpus thématiques portant sur la question. Cliquez sur l'onglet correspondant au thème qui vous a été attribué, prenez connaissance des documents puis répondez aux questions préparatoires (qui se trouvent dans votre onglet). Vos réponses sont à déposer sur le PAD.

Théories raciales et hiérarchisation des sociétés coloniales

1) Qu'appelle-t-on le « racisme scientifique » ?

2) Sur quels critères s'appuie la hiérarchisation des peuples ?

3) En quoi le racisme scientifique permet-il de cautionner le processus de colonisation ?

Le principe de "race" humaine dans les manuels scolaires
manuel scolaire de sciences physiques et naturelles de 1893
 
Racisme scientifique et colonisation
Science fondée au XIXe siècle, l'anthropologie nourrit le discours sur l'inégalité de ce que l'on appelle alors les « races humaines ». Cette notion est rejetée par les découvertes scientifiques ultérieures.
« L'étude des Nègres en Algérie et en Tunisie est d'autant plus intéressante que l'avenir de ces deux pays dépend en grande partie d'eux. Dans les régions et saisons très chaudes, eux seuls peuvent braver les ardeurs du soleil. Ils sont fort doux, très gais, un peu enfants. Insouciants, ils vivent volontiers au jour le jour […] Ils sont un peu lents à apprendre une chose, mais quand ils la savent, ils la savent bien et la pratiquent régulièrement. […]
L'Arabe, de prime abord, est le groupe le plus brillant, celui qui séduit le plus. Mais c'est tout extérieur. C'est du clinquant qui perd toute sa valeur dès qu'on l'examine. De tous les fléaux de l'Algérie et de la Tunisie, c'est peut-être le plus terrible. […] Orgueilleux, dominateur, paresseux, bataillard, nomade ou tout au moins habitant sous la tente, toujours mobile, toujours prêt à changer de place, il est l'antipode de notre civilisation. […] Il n'est bon que pour le service militaire. »
Gabriel de Mortillet, « Sur les Nègres de l'Algérie et de la Tunisie », Bulletins et mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, n°1, 1890.
Les "races" humaines
Perot, illustration du livre d'Augustine Fouillée (sous le pseudonyme de G. Bruno), Le tour de la France par deux enfants, éditions de 1904
 
3 minutes... au cœur des zoos humains | ARTE
Original link

Colonisateurs, colonisés et métis en Indochine

De la part de l'homme, l'union avec l'Annamite provient de son désir de se procurer des plaisirs peu coûteux (…), une compagne ou plutôt une servante qui le soignera, ainsi que son intérieur, et s’il est colon (1) ou commerçant, une femme avisée qui lui sera très utile comme intermédiaire avec les indigènes (…). De la part de la femme, l'union vient du désir de se procurer une existence meilleure, avec un peu d'argent. Quelquefois, elle obéit à ses parents (…).

En général, les métis sont le produit d'une sélection du point de vue physique. Les pères sont dans la force de l'âge, exempts de tares physiques qui auraient rendu impossible leur entrée dans l'armée ou leur séjour dans la colonie. Comme on le pense bien, les femmes indigènes choisies comme compagnes sont en grande partie bien portantes, bien faites et agréables, sans cela le choix de l’Européen ne se serait pas porté sur elles (…).

Les métis élevés à la française, bien qu’habiles de leurs mains, ne veulent pas être ouvriers. Ils recherchent le fonctionnarisme et le travail de bureau.

Lieutenant-colonel Bonifacy, « Les métis franco-tonkinois », Bulletin et mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, série VI, tome 1, 1910

(1) Exploitant agricole

Hiérarchisation et ségrégation

A l'époque [vers 1910] Bandiagara (1) était l'une des plus importantes villes. La ville abritait en effet une administration militaire comprenant 10 officiers et sous-officiers français, une administration civile comprenant un commandant de cercle, un adjoint et 6 ou 7 agents civils français. C’est dire l'importance de la présence française dans la ville (…). Les Blancs avaient leurs quartiers d'habitation sur la rive gauche du Yaamé, et les indigènes de Bandiagara sur la rive droite. [Dans] le quartier des Blancs, n'y vivaient que les Blancs eux-mêmes et leurs principaux auxiliaires indigènes : les gardes de cercle (agent chargé de la police) et les tirailleurs (militaires indigènes). Quant aux fonctionnaires civils indigènes et au personnel domestique des Blancs (boys, cuisiniers et autres), ils devaient impérativement regagner chaque soir la ville indigène sur la rive droite du Yaamé.

Amadou Hampâté Bâ, Amkoullel, l'enfant peul, Acte Sud, 1991

(1) Ville au sud du Mali

Quand la biologie parlais des "races humaines"
Pendant une grande partie du XIXe siècle, la biologie a voulu classer les humains en différentes races. Retour sur la façon dont est apparu ce racisme scientifique.

(Cet article a été publié dans CNRS Le journal, n° 263, décembre 2011)

« Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il n’y a pas de théorisation ni de hiérarchisation de ce qu’on entend aujourd’hui par race », explique l’historien Éric Deroo, chercheur associé au laboratoire Anthropologie bioculturelle1. En fait, le concept de races est alors lié aux classes sociales : on parle de la pureté du sang bleu de la noblesse qui risquerait d’être contaminé par celui de la vulgaire roture. « Surtout, l’Occident est dominé par une construction religieuse du monde », poursuit le chercheur. Et elle offre une simplicité biblique : tous les individus ont été créés par Dieu et ils disposent par conséquent d’une âme, quelle que soit leur couleur, qui n’est en rien liée à une éventuelle infériorité.

De la vision religieuse…

Bien sûr, l’épisode des Amérindiens découverts avec stupéfaction en 1492 sème le doute : puisque ces êtres étranges ne sont pas mentionnés dans La Cité de Dieu de saint Augustin, sont-ils vraiment humains ? Mais la vision monogéniste, qui considère une origine commune à tous les hommes, tous descendants d’Adam et Ève, tient bon la rampe et exclut tout concept racial biologique. Du côté des savants, on acquiesce religieusement, mais on brûle de comprendre pourquoi l’espèce humaine présente des teintes si variées.

« Au milieu du XVIIIe siècle, Buffon avance, pour sa part, le concept de dégénération selon laquelle l’homme, d’un blanc originel, prend différentes couleurs en fonction du climat sous lequel il habite. Mais cette thèse, certes dépréciative, est exempte de connotation raciale, car le processus est jugé réversible : selon lui, des hommes à la peau noire deviendraient blancs en climat tempéré, précise l’historien Claude Blanckaert. Tout cela vole en éclats quand, lors des grandes expéditions du Pacifique, on découvre de sensibles variations physiques chez les hommes qui habitent une même latitude. » Le climat ou le genre de vie n’explique donc pas tout.

… À la hiérarchisation

On passe alors à une conception qui dominera tout le XIXe siècle, le polygénisme, qui imagine plusieurs couples, et pas seulement Adam et Ève, à l’origine des hommes. « Dès lors, on peut concevoir l’existence de plusieurs humanités différentes », souligne Éric Deroo. La porte est donc ouverte pour que se mette lentement en place une hiérarchisation que l’on somme la biologie d’expliquer. « C’est le siècle de la mesure, rappelle Gilles Boëtsch, directeur du labo­ratoire Envi­ronnement, santé, sociétés2 du CNRS. Volumes des crânes, texture des cheveux, angle facial, tout y passe. Les typologies les plus folles se multiplient, avec parfois des centaines de critères. »

L’angle facial, qui permet d’évaluer l’avancée de la mâchoire, devient une obsession dans les classifications scientifiques du XIXe siècle.
C. PURIG VERLAG VOLKER/BRIDGEMAN IMAGES

Cette obsession scientiste et rationaliste veut pallier le déclin de la vision religieuse et chrétienne du monde, sérieusement écornée depuis la Révolution française : après tout, le roi auquel on a coupé la tête n’était rien de moins que le représentant de Dieu sur Terre ! C’est dans ce contexte qu’émergent, au début du XIXe siècle, les prémices de la théorie de l’évolution, dans lesquelles l’Africain apparaît parfois comme le chaînon manquant idéal entre le primate et l’homme3.

——————————————————————————————————————————————

CNRS Le Journal
Partager

Sur le même sujet : « À l’époque des zoos humains »

Notes
  • 1.Unité CNRS/Université de la Méditerranée/EFS.
  • 2.Unité CNRS/Université Cheikh Anta Diop (Sénégal)/Université de Bamako (Mali)/Centre national de la recherche scientifique et technologique (Burkina Faso).
  • 3.Charles Darwin n’en parle pas dans sa théorie (1859), mais l’idée est apparue avant, au début du XIXe siècle, chez d’autres auteurs comme Jean-Baptiste de Lamarck.