Un colonisateur idéaliste ?
Restez en contact constant avec les Noirs. Payez leurs services, achetez leurs vivres, écoutez leurs doléances. Et forcez-vous à comprendre non seulement les mots qu'ils prononcent mais aussi leur mentalité. Étudiez leurs aptitudes, mêlez-vous à leur vie. Dans vos moments perdus, visitez leurs villages, interrogez femmes et enfants, couchez chez eux. Explorez la contrée avoisinante. Pas d'armes, pas d'escorte. Allez seul, accompagné d'un interprète et d’un boy si besoin. N'oubliez pas que vous êtes un intrus qu'on n'a pas appelé.
Note de Brazza à son adjoint Alfred Fourneau, vers 1886
Georges Clemenceau répond à Jules Ferry
Ah ! Si vous voulez des débouchés, cherchez dans cette voie du bon marché de la fabrication et du bas prix des transports. Or, lorsque vous dépensez une centaine de millions en expéditions guerrières, vous ne faites que charger le budget, grever le travail, diminuer le pouvoir d'achat du salaire ; vous augmentez les prix de la fabrication (…). Le travail est grevé par vos impôts de consommation (…).
Races supérieures, races inférieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l’Allemand (…). Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été rapportée ici et qui n'est pas autre chose que la proclamation de la puissance de la force sur le droit (…). Mais n'essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation (…). Mais nous dirons, nous, que lorsqu'une nation a éprouvé de graves, très graves revers en Europe, lorsque sa frontière a été entamée, il convient peut-être, avant de la lancer dans des conquêtes lointaines (…) de bien s'assurer qu'on a le pied solide chez soi.
Discours de Georges Clemenceau à la Chambre des députés, 30 juillet 1885
« Exploration de M. de Brazza 1875-1879. Son traité avec Makoko », Les colonies françaises, cahier n°26, 1892
La résistance à Madagascar
En 1894, la reine Ranavalona III refuse le protectorat français.En 1896, un corps expéditionnaire français,dirigé par le général Gallieni,s'empare de Madagascar qui devient une colonie. La capitale tombe mais les villages alentour refusent l'autorité française.
Des actions de répression dans l’Imerina (1) eurent lieu le 5 mars 1896 : 4 unités mobiles de la compagnie Thévenin devaient cerner Manaritsoa qu’on prétendait être le refuge d'une bande de rebelles. Après le cessez-le-feu, on continua à tirer et de charger à la baïonnette. La répression fut impitoyable (..).
En novembre, je partis à Ambatomanga. Les abords du village étaient jalonnés de piquets surmontés de têtes. Les exécutions se faisaient presque journellement. De fait, il n'arrivait à Ambatomanga que des gens qu’on prenait, soi-disant, les armes à la main, et à qui on coupait la tête, sans interrogatoire et sans aucune forme de procès (…). Maintenant, on voyait dans tout le pays en insurrection, des chefs de bande entraînant la population.
Calixte Savaron, Mes souvenirs à Madagascar, avant et après la conquête, 1885-1898
Une convention de protectoratimposée au roi du Cambodge (1884)
Art. 1er - Sa Majesté le roi du Cambodge accepte toutes les réformes administratives, judiciaires, financières et commerciales, auxquelles le gouvernement de la République française jugera, à l'avenir, utile de procéder pour l'accomplissement de son protectorat.
Art. 2 - Sa Majesté le roi du Cambodge continuera, comme par le passé, à gouverner ses Etats et à diriger leur administration, sauf les restrictions qui résultent de la présente convention.
Art. 3 - Les fonctionnaires cambodgiens continueront, sous le contrôle des autorités françaises, à administrer les provinces, sauf en ce qui concerne l'établissement et la perception des impôts, les douanes, les contributions indirectes, les travaux publics et, en général, les services qui exigent une direction unique et l'emploi d'ingénieur où d'agents européens (…).
Art. 8 - L'esclavage est aboli sur tout le territoire du Cambodge.
Repris dans le recueil des actes du gouvernement cambodgien, Saigon, 1920
Colonies d'exploitation et colonies de peuplement
Il y a 2 catégories principales de colonies, lesquelles se distinguent par des caractères très tranchées : les colonies d'exploitation (…), les colonies de peuplement (…) .Dans les premières, le peuple colonisateur apporte seulement ses capitaux, sa direction politique et économique ; il ne cherche pas à remplacer la race indigène par une immigration de ses propres nationaux ; il respecte et conserve, autant que possible, l'organisation sociale des natifs. Dans la seconde catégorie de colonies, au contraire, le peuple colonisateur cherche surtout à implanter sa race, à créer une société analogue ou même identique à celle de la mère patrie ; il absorbe toute la vie économique du pays, il s’approprie les terres et peu à peu il évince complètement les natifs qui d'ailleurs dans ce genre d'établissement sont peu nombreux, clairsemés et n’ont qu’un embryon de civilisation.