"La question méridionale"
L’unification italienne n’a été possible qu’avec le concours massif de l’étranger et en particulier de la France. En outre, l’unité a été l’œuvre d’un Édit.
Les patriotes étant essentiellement des citadins, bourgeois et intellectuels, l’idée de nation italienne n’a pas pu s’enraciner dans les massifs. Le processus d’unification a été mal compris en particulier dans le sud de la péninsule par des populations paysannes qui étaient les plus éloignées du Piémont et des héros du Risorgimento, à la fois géographiquement (écart Nord-Sud), socialement (citadins, intellectuels contre paysans, campagnards…) et culturellement (langues).
De fait, le déséquilibre, déjà très sensible avant l’unité, ne fera que se renforcer après l’unité, lorsque le Nord imposera au Sud ses institutions, mais aussi, au niveau économique, les lois de son marché.
C’est à partir de ces années là que dans le Sud de la péninsule commence à se diffuser le « Brigantaggio », c'est-à-dire une révolte des paysans du sud dirigée par des bandes organisées contre un nouvel État qui impose des changements incompréhensibles et négatifs (nouveaux impôts, etc.)
Entre 1871-1875, le Brigantaggio maintient dans le sud un climat de guerre civile. En 1875, l’État italien envoie la moitié de son armée dans le sud et réprime très violemment ces révoltes (7 000 morts, 2 000 fusillés, 20 000 condamnations aux travaux forcés). Cette sévère répression fait parler les historiens de conquête du Sud de la part du Nord et creuse un fossé encore plus profond entre les deux Italie. Les troupes envoyées qui réprimaient les révoltes (troupes formées de piémontais et de soldats, au Nord) entrent en contact pour la première fois avec une réalité radicalement différente de la leur. Dans le sud, il n’y a pas de routes, les bourgs sont isolés au sommet des collines, les paysans vivent dans la misère, leurs maisons se réduisent à la pièce où vivent hommes et animaux. Les jeunes soldats du Nord découvrent la superstition des paysans, leur ignorance, la tyrannie exercée par les barons et les curés, une population totalement analphabète.
Cette Italie archaïque éveille chez les Italiens du Nord, qui l’aperçoive pour la première fois, la surprise mais aussi le dégoût. De l’autre côté, les Italiens du sud découvrent leurs nouveaux compatriotes en ces soldats envoyés pour les massacrer. Ils éprouveront encore plus à l’égard de ces gens du Nord un sentiment de violent rejet. Ce rejet du nouvel État et de ses représentants va avoir des effets négatifs et durables. La répression du Brigantaggio ressert les liens entre populations indignées, blessés et bandits.
Se développent alors des sociétés occultes, lesquelles offrent aux paysans en révolte leur appui contre l’État ennemi et, en contre-partie, ces sociétés leur demandent de voter en faveur de certaines personnes politiques liées à ces mêmes sociétés. Ces sociétés occultes s’insèrent entre le nouvel État italien et la population méridionale. C’est la naissance de la mafia sicilienne, de la Camorra Cauparia, Napoli et Calabria. C’est également le début de ce que l’on va appeler la « questione meridionale » et des problèmes soulevés par l’unification qui
reste encore très sensible pour les Italiens d’aujourd’hui. C’est pourquoi les historiens parlent du Risorgimento comme d’une révolution non accomplie. En effet, le nouvel État italien devra immédiatement tenter de compléter cette unification, notamment sur le plan culturel.