La Résistance ne va pas d’emblée de soi dans la population française en 1940. En effet, la rapidité de la défaite a atterré toute la population et l’arrivée aux affaires du maréchal Pétain a contribué à la rassurer. Les premiers résistants agissent donc de manière spontanée et dispersée. Le 17 juin, la fille du président Doumer exécute un sous-officier allemand à Cosne-sur-Loire. Le premier acte de résistance officiel naît à Londres autour du général de Gaulle, envoyé en mission auprès du Premier ministre britannique Churchill, par Paul Reynaud. De retour en France, il apprend la démission de Reynaud et la demande d’armistice et repart aussitôt pour Londres d’où il lance à la radio anglaise, le 18juin, grâce à Churchill, un appel à la résistance : il s’adresse aux gouverneurs des colonies et aux chefs militaires pour qu’ils rejoignent les troupes françaises, rapatriées de Dunkerque, à Londres. L’appel du général de Gaulle n’a connu qu’un impact très faible, peu de Français étant à l’écoute de la BBC, mais de Gaulle est reconnu par Churchill comme le chef des Français qui se battent contre les Allemands. La France libre se dote d’un Comité national français, avec des organes gouvernementaux, et voit se rallier le Tchad et le capitaine Leclerc : une petite armée se constitue donc à l’automne 1940, les Forces françaises libres (FFL)
Dès l’été 1940, les Britanniques organisent des réseaux en France, associant des hommes de l’«Intelligence Service» – les services secrets – à des réseaux déjà installés, et fournissent le matériel (armes mais aussi postes émetteurs). Les Américains font de même à partir de 1943. En métropole, dès l’automne 1940, des résistances fleurissent, portées par trois types de motivation.
- Les premiers veulent poursuivre le combat, malgré l’armistice, là où la guerre continue, hors de métropole. L’action de résistance porte alors sur l’aide au rapatriement de soldats britanniques restés en métropole ou sur la fourniture de renseignements sur l’armée allemande, comme le colonel Rémy avec la Confrérie Notre-Dame, ou le réseau Shelburne, qui regroupe les aviateurs alliés à la gare Montparnasse pour prendre le train jusqu’à Saint-Brieuc, les dote de faux papiers, les répartit chez des logeurs en Bretagne puis les conduit sur la plage près de Plouha où un bateau vient les chercher.
- La deuxième tendance de la Résistance s’oppose à la Collaboration en ce qu’elle porte atteinte aux valeurs chrétiennes, à l’humanisme et à la République. Philippe Viannay fonde ainsi dès l’automne 1940 le mouvement Défense de la France qui diffuse un journal tirant à 5 000 exemplaires.
- La dernière tendance lutte contre un régime, l’État français, assimilé au fascisme. Le travail de renseignement est souvent associé aux opérations militaires, au recrutement et à la propagande. Mais à côté de cette résistance armée, naît une résistance passive, qui s’appuie sur une désobéissance civile, à travers des gestes qui pourraient sembler anodins – écouter Radio-Londres, suivre l’évolution des combats sur une carte...– mais qui sont néanmoins interdits et réprimés, jusqu’à des actions héroïques, tels ces hommes et femmes qui ont sauvé des Juifs des arrestations et des déportations. Sur les 320 000 Juifs résidant en France en 1940, 76 000 ont été déportés, et 2 551 d’entre eux sont revenus, dont aucun enfant. Depuis 1963, le titre de «Juste parmi les nations», la plus haute distinction civile décernée par Israël à des personnes non juives, honore ceux qui ont aidé des Juifs au risque de leur vie et sans demander de contrepartie. 3513 Français ont reçu cette distinction.
Trois orientations politiques sont perceptibles dans la Résistance, même si les frontières entre elles sont perméables. La gauche, dont le spectre politique s’étend des communistes aux socialistes,qui s’oppose politiquement à Vichy. Les nationalistes, ou patriotes, qui sont germanophobes depuis la Grande Guerre. La troisième tendance est fidèle aux valeurs républicaines. Mais ces motifs ne suffisent pas à expliquer l’entrée dans l’engagement résistant, qui dépend aussi du statut social. Les paysans, objets des sollicitudes pétainistes, sont peu résistants alors que les ouvriers – qui sont à la recherche constante de ravitaillement, alors que la production part en grande partie en Allemagne, et qui constituent la première cible du Service du travail obligatoire (STO) à partir de 1943 – rejoignent plus facilement un mouvement de résistance. Mais les classes moyennes ont également joué un rôle important, notamment, et souvent, des hommes d’âge mûr. Les organisations clandestines ont une homogénéité sociale car c’est le milieu professionnel qui est souvent le premier lieu de réaction et certaines professions sont plus sollicitées ou bien voient plus rapidement l’utilité de leur action : les cheminots pour les sabotages par exemple. Il faut enfin prendre en compte la division de la France métropolitaine issue de l’armistice : en zone non occupée, et surtout à partir de 1941-1942, c’est la collaboration de Vichy qui provoque une résistance politique et idéologique, avec des groupes comme Combat, Libération ou Franc-Tireur. Alors qu’en zone occupée, la résistance contre les Allemands s’active beaucoup plus rapidement, avec des groupes comme Libération-Nord, ou le Front national, d’obédience communiste. Il faut rappeler que jusqu’en juin1941 et les débuts de l’attaque allemande de l’URSS, les communistes ne sont majoritairement pas résistants puisque l’URSS a signé un pacte avec l’Allemagne et que les mouvements de résistance sont peu nombreux (à peine 1 % de la population), dispersés et sans grands moyens.
Le tournant capital est réalisé par l’entrée du parti communiste dans la Résistance en juin1941,après l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne. Habitués à la clandestinité, des milliers de militants dévoués apportent les méthodes de la guérilla – attentats, sabotages, appuis sur la population –à tous les groupes de l’armée des ombres. Mais ces derniers étant dispersés, ils n’atteignent pas une totale efficacité. Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir révoqué par le gouvernement de Pétain en novembre1940, prend contact avec les mouvements de la zone sud Libération et Liberté. Il gagne Londres en octobre 1941 pour demander des moyens à de Gaulle. Le Général lui confie alors la mission de créer une armée secrète unifiant tous les mouvements de résistance. Jean Moulin agit d’abord en zone sud, où les mouvements de résistance reconnaissent de Gaulle comme leur chef et acceptent d’unir leurs forces. Un comité de coordination réunit autour de Jean Moulin les chefs des organisations politiques que sont Henri Frenay, chef de Combat, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, chef de Libération, et Jean-Pierre Lévy, chef de Franc-Tireur,ainsi qu’une organisation militaire dirigée par le général Delestraint. Le même succès est obtenu par Pierre Brossolette en zone nord. Le processus de fusion de la Résistance est accéléré par le débarquement allié en Afrique du Nord. Mais des tensions persistent entre les chefs des différents mouvements de résistance et des discussions apparaissent autour d’un projet de parlement clandestin. Pour s’imposer face à Roosevelt et imposer la France libre dans les négociations, de Gaulle s’appuie sur un embryon de représentation nationale regroupant toute la Résistance intérieure, mais aussi des partis et syndicats reconstitués dans la clandestinité mais non résistants. Il charge Jean Moulin de créer le Conseil national de la Résistance et le nomme son seul représentant pour toute la France. De nombreux hommes politiques – Mandel, Herriot, Jeanneney –font savoir à de Gaulle qu’ils sont avec lui.