Un million huit cent cinquante mille hommes sont prisonniers de guerre au terme de l’offensive de mai 1940 et un million cinq cent quatre-vingt mille restent en Allemagne durant toute la guerre. S’ils sont gradés, ils sont retenus dans des Oflags(Offizier-Lager) et ne peuvent pas travailler, selon la convention de Genève. Ils occupent leurs journées en lisant, en participant à des conférences qu’ils organisent eux-mêmes, en faisant du sport, de la musique. Ce sont majoritairement des militaires professionnels qui ne pensent qu’à s’évader pour reprendre le combat. Les hommes de troupe, en revanche, sont associés administrativement à des Stalags, et travaillent dans des Kommandos très variés : des fermes, des usines, des boulangeries, des mines parfois. Ils représentent 95 % des prisonniers de guerre. (..) Au cours de l’année 1941, ce sont les difficultés de leurs familles qui apparaissent. Comme les prisonniers de guerre restent des soldats, les familles des militaires de carrière touchent les trois quarts de leur solde et les familles des soldats mobilisés reçoivent une allocation militaire. Mais ces sommes restent insuffisantes,malgré quelques améliorations, et les familles se privent pour envoyer à leur prisonnier des colis alimentaires alors qu’elles n’ont pas de carte de rationnement supplémentaire. Alors que l’idéologie pétainiste glorifie la femme au foyer, 80 % des femmes de prisonniers de guerre travaillent contre 30 % dans la population active. Pierre Laval, en 1942, améliore la vie des familles de prisonniers de guerre puisqu’une nouvelle indemnisation augmente les revenus de 20 % environ. Les prisonniers sont très présents dans la société française : dans les discours du Maréchal – qui les instrumentalise pour faire accepter la Révolution nationale,puis ses échecs – et à travers des galas ou des collectes organisés jusque dans les écoles. Ils interviennent enfin, involontairement, dans la politique de la Relève menée par Laval. En effet, à partir de mai 1942, les autorités allemandes exigent de la main-d’œuvre pour compenser l’absence des soldats allemands envoyés sur le front de l’Est. Le 22 juin 1942, dans un discours resté fameux – dans lequel il appelle de ses vœux «la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle, le bolchevisme demain s’installerait partout» –, Laval annonce aux Français que pour trois ouvriers qualifiés partant travailler librement en Allemagne, un prisonnier de guerre serait libéré. Outre les prisonniers et les déportés, des travailleurs volontaires et des ouvriers réquisitionnés se trouvent déjà en Allemagne. Malgré de nombreuses campagnes publicitaires, la Relève est un échec. (...)
À partir de février 1943, le service du travail obligatoire, le STO, est mis en place, qui concerne les jeunes nés entre 1920 et 1922. Au total, plus de 640 000 travailleurs sont partis entre octobre 1942 et la fin de l’année 1944.