Violences de guerre et crimes de masse
THEME 1 : FRAGILITES DES DEMOCRATIES, TOTALITARISMES ET SECONDE GUERRE MONDIALE

Chapitre 3 : La Seconde Guerre mondiale
Objectif de travail : Procéder à l'analyse hisrtorique d'un document iconographique
Les attendus de l'analyse

Votre analyse devra comprendre plusieurs aspects, conformément à la méthode de l’analyse de document :

Une contextualisation du sujet (Où et quand ?)
Une présentation complète du document (soyez attentifs à la nature du document, au point de vue de son auteur).
Une description précise du document (acteurs, lieux, actions, positions des uns et des autres...).
Un apport de connaissances permettant d’éclairer le document pour répondre à la problématique (il s’agit de s’interroger sur le sens du document, son message, ses causes et ses conséquences, et comment ce document peut apporter des informations historiques, que voyons-nous et pourquoi mais aussi ce que nous ne voyons pas et pourquoi…).
LE DOCUMENT A ANALYSER
Soldats allemands à la manœuvre pendant l'opération « Barbarossa », l'offensive militaire lancée par l'Allemagne contre l'Union soviétique, le 22 juin 1941, photographie publiée dans un article du site RFI, juin 2016
 
Anéantir l'adversaire

Le Führer ordonne : l'ennemi utilise dans sa guerre des bandes de combattants fanatisés et entraînés dans l'idéologie communiste. Ils ne reculent devant aucune violence (…). Ce combat n'a plus rien à voir avec la conduite chevaleresque du soldat ou avec les conventions de Genève (1). Si cette lutte contre les bandes de l'Est et dans les Balkans n'est pas menée avec les moyens les plus brutaux, dans le proche avenir les forces disponibles seront insuffisantes pour liquider cette peste. Les troupes ont le droit et le devoir d'employer dans cette lutte tous les moyens sans restriction, y compris contre les femmes et enfants, si cela contribue au succès. Une marque de douceur quelconque est un crime envers le peuple allemand.

Ordre du maréchal Keitel dirigeant de la Wehrmacht, 16 décembre 1942

(1) La convention de Genève du 27 juillet 1929 interdit notamment de maltraiter les prisonniers de guerre

La guerre contre les partisans (1943)

La guerre contre les partisans fut atroce. Elle donna lieu à une opération dont le nom de code fut Freischütz en mai 1943, dans les forêts autour de Briansk (1), à 200 km de Moscou. L'armée allemande était dans la nécessité absolue de se débarrasser de bandes qui menaçaient ses lignes de ravitaillement, faisaient sauter les trains de transport de troupes (…).

Un corps d'armée entier fut chargé de ratisser un territoire grand comme 2 ou 3 départements français pour débusquer ces troupes irrégulières, difficiles à distinguer des populations civiles. Le bilan fut terrible. On rasa des villages. Côté allemand, il y eut 27 tués ; côté russe 1500 morts dont 300 femmes et enfants et 500 blessés (2), sans parler de nombreuses personnes déportées. Le général Keitel avait donné ses ordres : « La lutte contre les partisans doit être sans merci. Même les femmes et les enfants ne seront pas protégés s'ils sont susceptibles d'avoir passé des informations ou d'être du côté des partisans »

Témoignage d’August von Kageneck (officier sur le front russe), cité dans Hélie de Saint Marc, August von Kageneck. Notre histoire 1922-1945, Les Arènes, 2002

(1) En Biélorussie

(2) Chiffres fortement sous-évalués

La guerre des partisans : la résistance en Yougoslavie et les représailles allemandes

Après l'occupation de la Yougoslavie par l'Allemagne nazie, deux mouvements de résistance s'organisent dans la partie serbe du pays : d'un côté des monarchistes, de l'autre les partisans communistes de Tito.

21 octobre 1941. Les forces allemandes ont pour ordre d'écraser les forces insurgées qui contrôlent de nombreuses localités en Serbie. La tâche est confiée au général Franz Böhme qui, du 22 septembre au mois de décembre 1941, va parvenir à défaire militairement les forces de la résistance communiste et royaliste de l'Armée yougoslave dans la patrie, provoquant ainsi la mort de 26 000 personnes environ. Parmi ces crimes de masse, ceux commis à Kragujevac, le 21 octobre 1941, occupent une place particulière par le nombre de victimes et le mode opératoire.

Ayant subi des pertes humaines lors d'affrontements contre les forces des partisans communistes et de l'Armée yougoslave dans la patrie le 16 octobre 1941, des mesures de représailles sont ordonnées. Le 19 octobre 1941, plusieurs centaines de paysans sont exécutés dans les villages environnants de Kragujevac. Le 20 octobre, des centaines d'hommes sont arrêtés dans la ville même. Ils seront fusillés le 21 octobre entre 07h00 et 14h00. Parmi les victimes, on compte plusieurs centaines d'élèves des écoles secondaires de la ville.

Yves Tomic, Massacres dans la Yougoslavie démembrée 1941-1945. Violence de masse et résistance, 31 mai 2010

Ce document anonyme est un tract distribué aux soldats allemands qui s'apprêtent à envahir l'URSS en 1941.

Soldats ! Vous allez combattre un ennemi duquel vous ne pouvez attendre des méthodes de combat [dignes d'un] adversaire loyal et chevaleresque. L'Armée rouge bolchevik sait qu'elle va au-devant d'un anéantissement certain par l'armée allemande, et va de ce fait employer les moyens les plus répugnants et les plus déloyaux.

[…] Vous êtes habitués à ce qu'un adversaire qui s'avance vers vous les mains levées ait l'intention de se rendre. Chez les bolcheviks, cela peut aussi souvent être une ruse, pour reprendre le combat dans votre dos. Ne traitez quelqu'un comme un prisonnier que lorsque vous êtes sûrs qu'il est désarmé. Ne laissez aucun prisonnier sans gardes.

[…] Des parachutistes en civil vont tenter de combattre dans notre dos. Ce ne sont pas des soldats, mais des francs-tireurs : ils doivent être liquidés. Faites attention ! Soyez durs et inflexibles partout où vous rencontrerez de telles méthodes de combat – peu importe qu'il s'agisse de civils ou de soldats. Tant que vous n'observerez pas de telles attitudes chez l'ennemi, comportez-vous comme vous le faisiez avant. Quelle que soit la façon dont l'ennemi combat, vos armes habituées à la victoire l'anéantiront.

Gerd R. Überschär, Wolfram Wette (dir.), Der deutsche Überfall auf die Sowjetunion. « Unternehmen Barbarossa » 1941, Fischer, 1997.

Des crimes de guerre

Dans un village, en Russie, il y avait des partisans (1). C'était clair, il fallait raser le village, sans se soucier des pertes. Nous en avions un, Brosicke, un Berlinois ; à chaque fois qu'il voyait quelqu'un dans le village, il l'emmenait derrière la maison et lui mettait une balle dans la nuque. Alors que ce type, à l'époque, devait avoir 20 ans ou 19 ans et demi. On disait qu'il fallait exécuter un homme sur 10 dans le village (…). C'est parfaitement clair disait les copains, tout le village doit être liquidé. Alors nous avons posé sur la table des bouteilles de bière remplies d'essence, et en sortant nous avons lancé des grenades derrière nous, comme ça, tranquillement. Tout s'est aussitôt mis à brûler comme une torche (…). On a liquidé les femmes, les enfants, tout le monde ; il y avait très peu de partisans dans le lot. Moi, dans ce genre de trucs, je ne tirais jamais si je n'étais pas absolument certain que c'étaient des partisans. Mais il y avait beaucoup de camarades auxquels ça procurait un immense plaisir.

Témoignage du soldat allemand Müller, le 13 octobre 1944 cité dans Sönke Neitzle et Harold Welzer, Soldats : combattre, tuer, mourir. Procès-verbaux de récits de soldats allemands, traduction de Olivier Mannoni, éditions Gallimard, 2013

(1) Principal mouvement de résistance contre les forces d'occupation de l'Axe en Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale