Les expériences de la démocratie

EMC – LA DEMOCRATIE, LES DEMOCRATIES

Axe 1 : Fondements et expériences de la démocratie

Au XXe siècle, la démocratie libérale est souvent remise en question. La démocratie chilienne d’Allende chute ainsi, en1973, à la suite du coup d’État du dictateur Pinochet. Mais des processus inverses se produisent aussi dans la seconde moitié du XXe siècle. Les transitions démocratiques imposent une libéralisation, plus ou moins progressive, des régime autoritaires (les dictatures en Espagne et Portugal dans les années1970), totalitaires (la fin de l’URSS à la fin des années1980) ou racistes (le régime de l’apartheid en Afrique du Sud dans les années 1990).
Objectif de la séance : Comprendre le caractère instable des régimes démocratiques à travers le monde à travers des exemples de renversement ou de restauration de la démocratie
Le régime de l'apartheid en quelques dates
 

Saisir la réalité de l’Apartheid : retour sur le massacre de Sharpeville en 1960

Pour avoir voulu défendre pacifiquement leur liberté individuelle, 69 Africains ont été tués, 180 autres blessés. [...] Que s’est-il passé le 21 mars 1960 à Sharpeville ? Une foule pacifique d’Africains protestait contre la loi sur les « livrets de contrôle », plus connus sous le nom de laissez-passer. D’après le rapport de la Commission des droits de l’homme sur la discrimination raciale en Afrique australe, « ce livret de contrôle, exigé des Africains, contient leur carte d’identité, leur photographie, leurs empreintes digitales, la description de leur contrat de travail, la signature apposée chaque mois par leur employeur, un permis de séjourner dans une zone déterminée, de chercher du travail ou de voyager pour chercher où aller occuper un emploi, ainsi que des quittances d’impôts ». En un mot, un véritable « passeport racial », permettant continuellement de surveiller et de suivre les déplacements des non‑blancs, qu’ils soient ouvriers ou diplômés de l’université, mineurs ou avocats. Ce document, dont le port venait d’être étendu à toutes les femmes africaines en 1960, doit être présenté à tout moment aux autorités policières, et la moindre infraction devient un crime passible d’amende ou d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à 30 jours de détention. [...] Au pacifisme de cette foule répondirent les fusils des policiers sud-africains. L’apartheid venait de montrer son vrai visage et de prouver, comme l’écrit monseigneur Reeves, [...] qu’ « il est un mode non pas de vie mais de mort ».
Jean-Paul Rivière, « Le racisme en action », Droit et liberté, n°300, mars 1971.
Concert de soutien à Nelson Mandela au stade de Wembley - Archive INA
La communauté internationale dénonce l'apartheid à la fois par des sanctions – notamment économiques – visant l'Afrique du Sud, mais également par une mobilisation de très nombreux artistes, de l'opinion publique, ou encore des boycotts (sportifs, académiques).
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Winnie Mandela et le concert en hommage à son mari
Wendy Schwegmann, 1988, photographie.
Winnie Mandela, présidente de la Ligue des femmes de l’ANC, fait le salut du black power après l’annonce qu’un grand concert pop sera organisé le 11 juin 1988 pour les 70 ans de son mari, alors incarcéré à la prison de Pollsmoor (près du Cap). Interdit par le gouvernement d’Afrique du Sud, le concert s’est tenu pendant plus de onze heures au stade de Wembley (Londres) et a été regardé par plus de 600 millions de spectateurs dans 67 pays. Parmi les artistes : Sting, Youssou N’Dour ou encore Miriam Makeba. Le 7 décembre, Winnie Mandela est placée en résidence surveillée à son domicile.
 

Le tournant de lʼannée 1990

Le 2 février 1990, Frederik De Klerk1 se présenta devant le Parlement pour prononcer le traditionnel discours d’ouverture et il fit quelque chose qu’aucun autre chef d’État sud‑africain n’avait jamais fait : il commença véritablement à démanteler le système d’apartheid et prépara le terrain pour une Afrique du Sud démocratique. De façon spectaculaire, M. De Klerk annonça la levée de l’interdiction de l’ANC [...] ; la libération des prisonniers politiques incarcérés pour des activités non violentes ; la suspension de la peine capitale ; et la levée de différentes restrictions imposées par l’état d’urgence. « L’heure de la négociation est arrivée », déclara-t-il. [...]
Le jour de ma libération [le 11 février 1990], je me suis réveillé à 4 h 30 [...]. Quand je me suis retrouvé au milieu de la foule, j’ai levé le poing droit et il y a eu une clameur. Je n’avais pas pu faire cela depuis 27 ans [...].
Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, 1995.
1. Nouveau président du pays depuis 1989, membre du Parti national.
La libération de Mandela, une ouverture politique
Un habitant de Soweto célèbre la libération de Mandela, 11 février 1990.
Prisonnier politique condamné à la réclusion à perpétuité depuis 1964 en raison de son opposition – y compris armée – au régime d'apartheid, Nelson Mandela est libéré le 11 février 1990. Cet événement au retentissement mondial s'inscrit dans la politique d'apaisement engagée par le président Frederik de Klerk.
 
Rompre avec l'Apartheid
«Les élections générales du 6sep-tembre 1989 ont de manière irvocable placé notre pays sur la voie d’un changement drastique. […] Le gouvernement accordera la priorité au processus de négociation. Le but est une Constitution nouvelle et juste qui permettra à tous les habitants de jouir à égalité des mêmes droits, traitements et possibilités dans tous les domaines – constitutionnel, social et économique. […]Sans contact ni coopération avec le reste du monde, nous ne pouvons promouvoir le bien-être et la sécurité de nos citoyens. Les récents développements de la politique internationale ont offert de nouvelles possibilités à l’Afrique du Sud. Des avancées importantes ont été réalisées, entre autres, dans nos contacts à l’étranger, surtout où ils étaient auparavant exclus à cause de considérations idéologiques. J’espère que cette tendance sera encouragée par le changement de climat en Afrique du Sud.[…] L’année 1989 restera dans l’histoire comme celle de la mort du communisme stalinien. Ces veloppements entraîneront des conséquences imprévisibles en Europe mais elles seront aussi décisives pour l’Afrique. […]Dans cette optique, M. Nelson Mandela pourrait tenir un rôle important. Le gouvernement a pris note de sa volonté de contribuer de manière constructive au processus politique pacifique en Afrique du Sud. […] Le gouvernement a pris la décision de libérer sans condition M. Mandela. »
Discours du président Frederik de Klerk devant le Parlement sud-africain, 2 février 1990
Il y a 30 ans, le début de la fin de l’apartheid | Franceinfo INA
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Les élections de 1994 en Afrique du Sud

Le 27 avril 1994 au matin, les Sud-Africains se pressent dans d'interminables files d'attente conduisant au bureau de vote. Blancs, Noirs, Métis, tous mélangés, ils sont convaincus de vivre un moment historique en participant aux premières élections non raciales de l'histoire du pays (…). Du 26 au 28 avril, ce sont quelque 23 millions d'électeurs qui sont appelés à se rendre aux urnes. Il leur revient de désigner les membres des institutions - Parlement national et conseils provinciaux qui gouverneront le pays pendant 5 ans. Sur les 19 partis en lice, la plupart sont appelés à faire de la figuration (…).

2 semaines plus tard, le 9 mai, les 400 députés nouvellement élus portent Nelson Mandela à la présidence de la République. Du haut du balcon de l'hôtel de ville du Cap, celui-là même où il était apparu le 11 février 1990, 2 heures après sa libération, il s'adresse aux dizaines de milliers de personnes venues l'acclamer : « Une ère nouvelle s'ouvre pour notre pays et pour notre peuple ».

Dominique Mataillet, « Premières élections multiraciales en Afrique du Sud », Jeune Afrique, 28 avril 2008

La nouvelle démocratie sud-africaine
Walter Dhladhla, 1994, photographie.
Le 27 avril 1994, Nelson Mandela et les autres Noirs sud-africains votent pour la première fois de leur vie. L’ANC obtient 62,65 % des voix. Le 10 mai, Mandela prête serment et devient président.