EMC – LA DEMOCRATIE, LES DEMOCRATIES
Axe 1 : Fondements et expériences de la démocratie
François-Xavier Gomez, « Au Portugal, quand une chanson fit la révolution », Libération, 25 avril 2017.
Les objectifs du nouveau régime
Si la population est dans son ensemble joyeuse, si les manifestations du 1er mai ont marqué dans la fête l'écroulement du régime, il faut dire que le changement politique n'est pas allé très loin. En réalité, le pouvoir a changé de main, mais il ne semble pas avoir beaucoup changé de nature. Les mesures prises sont importantes, mais elles sont loin d'être suffisantes (…). Le Portugal est donc engagé sur plusieurs voies : la conservation des « acquis », qui semble satisfaire une partie considérable du nouveau personnel politique ; la liquidation de la guerre coloniale, à laquelle tient avant tout le Parti socialiste, qui a délégué un de ses dirigeants les plus prestigieux ; la transformation de l'appareil économique, amenant le Portugal à renforcer ses liens avec l'Europe, surtout le Marché commun ; enfin la préparation des élections, qui donneront aux partis la possibilité de se substituer aux militaires sans trop de secousses.
Alfredo Margarido, « Le Portugal entre la continuité et la révolution », Esprit, juillet août 1974
La fin de la dictature au Portugal (1974)
Le 25 avril 1974, sur fond de guerre coloniale, un coup d'Etat renverse la dictature en place depuis 1933. Une constitution démocratique est adoptée en 1976.
Pour la première fois depuis 48 ans, les journaux de Lisbonne sont sortis jeudi soir sans être soumis à la censure. Ils célébraient tous avec d'énormes manchettes la victoire totale du Mouvement des forces armées (…). Un demi-siècle de dictature cruelle et sournoise, la mise à l'écart de tous les courants libéraux, une répression impitoyable, soutenue par une police sans visage et pratiquant des tortures raffinées, (…) des élections préfabriquées (…), une nation saignée à blanc depuis plus de 10 ans par des guerres coloniales (1) : voilà ce qu’a abattu en un instant un soulèvement militaire qui ne ressemble à aucun autre (…). L'armée portugaise, reflet des angoisses de la nation, a trouvé un élan et un symbole lui permettant de passer outre aux prudences et aux atermoiements de la très grande majorité des généraux (…). Le symbole, le général Spinola (2), suscite encore des réserves dans les milieux politiques de l'opposition démocratique et libérale au régime déchu (…). Ils attendent avec une prudence compréhensible et souhaitent juger la junte à ses actes. Les premières décisions sont encourageantes. Le général Spinola a décidé vendredi 26 avril la libération de tous les prisonniers politiques (…) et la suppression totale de la censure de presse.
“Et maintenant… », Le Monde, 27 avril 1974
(1) Guerres de décolonisation en Angola, au Mozambique et en Guinée-Bissau
(2) Nommé président de la République en mai 1974