Le pouvoir feutré très américain imprègne le monde d'hier dès les lendemains de la Première Guerre mondiale jusqu’à aujourd'hui par la culture comme par la production et la consommation de masse (…). Véhiculée par une langue [internationale], la culture américaine pénètre par le haut et par le bas : romans à succès, cinéma - Hollywood exerçant depuis Chaplin et Cecil B. de Mille une fabuleuse influence (désormais, par exemple, les Américains gagnent leur guerre au cinéma). Cela se manifeste dans les sports avec l'importance des Jeux olympiques où ils triomphent, jusqu'aux vêtements de sport et aux blue-jeans qui rappellent les cowboys, ce garçon vacher mythifié.
Cela se décline dans le boire (Coca-Cola, Starbucks) et le manger (McDonald's) ou se remarque dans la gestuelle : façon de croiser les jambes, de figurer dans la conversation des guillemets, d'user d’interjections issues de séries américaines…
Cela bien sûr se traduit politiquement.
Mais on ne comprendrait rien au pouvoir feutré si on oubliait que cette persuasion est accompagnée de moyens financiers considérables (…).
On est persuadé qu'avec des moyens. La puissance paye.
Gérard Chaliand, « Séduction et manipulations : le soft Power américain », dans Conflits, hors-série n°7, printemps 2018
Les États-Unis ont un quasi-monopole sur les médias de divertissement : ils exportent le plus de livres et de films et en tirent le plus de revenus. Selon les données de l'International Publishers Association, les États-Unis sont le 3ème pays producteur de livres (après le Brésil et la Chine) mais font près de 3 fois les revenus de leur plus proche concurrent (la Chine). La même chose pour le cinéma : les Etats-Unis sont le 3ème pays producteur (après l'Inde et le Nigeria) mais la part de marché des films américains dans le monde est de loin la plus importante (…).
Le même phénomène peut être observé dans le domaine de la télévision : parmi les 20 émissions de télévision les plus regardées de tous les temps à travers le monde, 15 sont américaines. Les magazines distribués et vendus dans le monde sont presque tous américains, que ce soit en termes de ventes ou de circulation, les 10 premières places de ce palmarès étant toutes occupées par des entreprises américaines. Les émissions de télévision et les magazines, tout comme le cinéma et la littérature, mettent en avant l’American Way of Life de manière généralement idéalisée, ce qui contribue très certainement à promouvoir les valeurs américaines.
Karine Prémont, « Le rayonnement culturel des États-Unis : un soft power en déclin ? », Diplomatie, « Les grands dossiers », n° 35, octobre-novembre 2016