La vie dans un canton rural du Puy-de-Dôme
Le canton de Saint-Amand-Roche-Savine se trouve placé dans les montagnes, le sol en est pauvre et peu favorisé de la nature. Doit-on attribuer à cette situation l’indifférence du cultivateur en fait d'améliorations agricoles ? Toujours est-il que l'agriculture n'a fait, pour ainsi dire, aucun progrès et que les domaines ou propriétés un peu considérables sont soumis aux mêmes modes de culture qu'il y a un siècle (…). La plupart des paysans émigrent comme scieurs de long, d'autres comme chiffonniers et un grand nombre d'entre eux trouvent un avantage marqué à changer de résidence, partent avec l'idée fixe de ne plus revenir et fondent en d'autres lieux leurs établissements. Ainsi la population tend-elle constamment à diminuer (1) et la valeur des propriétés à décroître (…). Aucune amélioration agricole n'est à signaler dans le canton, point de prairies artificielles ! Point de récoltes sarclées ! Pas de variété dans la culture ! Partant point d’assolement (2) ! Toujours la jachère (3) ! Rien que la jachère ! Première année de seigle, 2ème année jachère ou culture improductive ; quelques terrains de choix produisent la pomme de terre
« Un canton routinier dans le Puy-de-Dôme", enquête réalisée en 1855 citée dans M. Chaullanges, Textes historiques : le milieu du XIXème siècle, Delagrave
(1) Nombre d'habitants du canton : 7 674 en 1854 ; 6 349 en 1867
(2) Rotation des cultures
(3) Terre laissée au repos
Les progrès de l’agriculture
Une ferme-école, ancêtre du lycée agricole, ouvre ses portes en 1849 dans la commune de Mazières-en-Gâtine en Poitou-Charentes. Auguste Bouet, directeur d'école, témoigne.
Grâce aux expériences faites à la ferme-école, la charrue en fer Dombasle fut bientôt connue et appréciée. M. Massé de la Jaunelière fut le premier cultivateur qui adopta cette charrue en 1856. Ce fermier intelligent m'a répété que le premier labour avec une charrue Dombasle fut visité par plus de 200 personnes (…). Il ne faudrait pas croire que les paysans remplacèrent sans hésitation l'ancienne machine par la nouvelle. Beaucoup prétendaient qu'elle faisait un labour trop profond et ramenait la mauvaise terre à la surface du sol, au grand désavantage de la culture. Mais quand on vit les belles récoltes obtenues, il fallut bien se rendre à l'évidence (…).
Ce qui contribue encore à faire adopter la charrue en fer, c'est que les labours profonds firent disparaître les fougères, le plus grand ennemi des céréales à cette époque, qu'il était impossible de détruire avec les labours imparfaits de la charrue en bois.
Roger Thabault, Mon village. Ses hommes, ses routes, son école. 1848-1914, l'ascension d'un peuple, Delagrave, 1943
Inquiétudes face à l'exode rural
L'exode rural, c'est-à-dire le départ massif des habitants des campagnes vers les villes, s'accélère sous le Second Empire. Le phénomène provoque des inquiétudes parmi certaines élites.
L'ouvrier des champs se précipite vers les villes et vers l'industrie, où peut-être il trouve un salaire plus élevé, mais il ne tarde pas (…) à perdre ses habitudes d'ordre et d'économie, et bien souvent à trouver la misère là où il avait cherché le bonheur. Ce fâcheux état des choses a les plus graves inconvénients au point de vue du progrès de l'agriculture. Les campagnes se dépeuplent et le cultivateur ne trouve que difficilement les ouvriers qui lui sont nécessaires pour les travaux ordinaires et indispensables (…). Ces considérations vous ont déterminées, Messieurs, à inscrire à votre programme des récompenses pour les bons serviteurs qui ne se laissent pas entraîner par le funeste courant, restent fidèles à leur maître, aux traditions de leurs ancêtres et préfèrent une existence modeste, mais vraiment heureuse, à un bonheur chimérique que tant d'autres se repentent d'avoir imprudemment cherché.
Bulletin de la société d'agriculture de l'arrondissement de Boulogne, 1860