La politique industrielle de Napoléon III
Monsieur le Ministre,
Pour encourager la production industrielle, il faut affranchir de tout droit les matières premières indispensables à l'industrie et lui prêter, exceptionnellement et à un taux modéré comme on l'a déjà fait à l'agriculture pour le drainage, les capitaux qui l'aideront à perfectionner son matériel.
Un des plus grands services à rendre au pays est de faciliter le transport des matières de première nécessité pour l'agriculture et l'industrie ; à cet effet, le ministre des travaux publics fera exécuté le plus promptement possible les voies de communication, canaux, routes et chemins de fer, qui auront surtout pour but d'amener la houille et les engrais sur les lieux où les besoins de la production les réclament, il efforcera de réduire les tarifs en établissant une juste concurrence entre les canaux et les chemins de fer.
Extrait d'une lettre de Napoléon III à son ministre des Finances Achille Fould ,15 avril 1860
Le traité de libre-échange de 1860 et ses conséquences
En 1860, Napoléon III oriente le pays vers le libre-échange. Afin de rattraper le Royaume-Uni et de bénéficier de son avancée technologique, virgule il conclut avec ce pays un grand traité de libre-échange. Cependant, ce traité suscite des mécontentements. Face à ces derniers, le gouvernement lance une grande enquête qui donne l'occasion de s'exprimer à plus d'un millier d'industriels.
a) Les perdants du libre-échange
« On fait, en France, d'excellentes machines : mais les prix en sont beaucoup plus élevés qu'en Angleterre. Les ateliers de construction sont moins considérables et ne sont pas, comme en Angleterre, consacrés à la production de machines spéciales ; ils font, tout à la fois, les métiers pour coton, lin, chanvre, soie…
Le marché français ne permet pas de semblables combinaisons : il est trop restreint, ses besoins sont trop variés (…). D'un autre côté, les matières premières nécessaires à la construction (fer, fonte, houille…) sont plus chers en France qu'en Angleterre. De toutes ces causes, il résulte pour nous un prix de revient plus élevé que pour les Anglais »
Déposition d'Augustin Pouyer-Quertier, filateur normand et député protectionniste, Enquête : traité de commerce avec l'Angleterre, 1861
b) Les gagnants du libre-échange
A l'inverse, beaucoup de viticulteurs, de soyeux lyonnais, de banquiers, de négociants se montrent satisfaits du traité de 1860.
« Quand, par moment, nous sommes obligés (…) de vendre 25% au-dessus des cours étrangers, il est complètement impossible d'entretenir des ventes régulières à l'extérieur. Cela n'aura plus lieu quand nos filateurs seront obligés (…) de vendre au même prix qu'en Angleterre (…). Je crois qu'on a eu tort de protéger la filature pendant si longtemps ; on a nui à la vente soit l'intérieur, soit à l'extérieur. On demande dans les affaires autant de régularités que possible ; cette régularité ne peut pas toujours avoir lieu ; mais, au moins ces soubresauts ne seront plus aussi considérables en France que sous le régime actuel. Je crois que nos filateurs (…) feront encore de très beaux bénéfices avec le système nouveau, c'est-à-dire avec une protection peu élevée. »
Déposition de Jean Dollfus, filateur alsacien, Enquête : traité de commerce avec l'Angleterre, 1861