La première révolution industrielle : houille, vapeur et mécanisation.
Quand le houilleur a défriché le noir domaine souterrain, arraché le combustible aux entrailles de la terre, qu'il l'a extrait au jour, purifié, chargé enfin sur les voies de transport, l'utile minéral se répand en 1000 lieux divers, il va partout distribuer la lumière, la chaleur, la force, le mouvement. C'est un aliment aujourd'hui indispensable à la vie des nations civilisées (…). Les fabriques, les manufactures, presque tous les ateliers, presque toutes les machines, bon nombre de navires, privés de l'aliment essentiel, se verraient aussi condamner au repos. La vie matérielle, une partie de la vie intellectuelle s’éteindraient, comme s’éteint, faute de nourriture, la vie du corps. La houille a paré aussi à l’impuissance et au nombre limité des travailleurs. Le cheval-vapeur a remplacé l'esclave, la bête de trait. Et comme il ne se fatigue jamais, qu'il est en activité jour et nuit, ne prend aucun repos, tous les moteurs animés du globe auraient peine à suffire aujourd'hui au travail qu’accomplit la vapeur.
Louis-Laurent Simonin, La vie souterraine ou les mines et les mineurs, 1867
Les usines du Creusot : un complexe unique
La fondation de l'établissement est de date récente, et ne remonte pas à un siècle ; la grande industrie n'est-elle pas née d'hier ? Et qui a donné naissance à l'immense usine et à la ville populeuse qui s'est groupée autour d'elle ? La découverte d'une pierre noire, d'un morceau de charbon (…)
En 1837, Le Creusot passe aux mains de MM Schneider (…). L'aîné des 2 frères fut enlevé par un malheureux accident en 1845. Dès lors M. Eugène Schneider se trouva seul à la tête de ce grand établissement. Il a toujours supporté vaillamment le poids de cette charge, et c'est à son initiative que sont dues toutes les transformations opérées depuis au Creusot. À partir de 1837, cette usine n'a plus cessé de prospérer. L'atelier de construction mécanique créé à cette époque, en même temps que naissait chez nous les chemins de fer et la navigation à vapeur, est devenu successivement l'un des plus vastes et des mieux outillés du monde, et a contribué puissamment à la réputation du Creusot (…).
La fabrication des machines a suivi au Creusot une voie ascendante aussi rapide, 100 locomotives sortent aussi chaque année de ces ateliers (…). Devant de tels chiffres de production, on est frappé du rôle que joue Le Creusot dans la grande industrie française. Cette usine est exceptionnelle comme ensemble. Si l'on peut retrouver en Angleterre, par exemple, quelques établissements où la production soit égale et même supérieure pour une spécialité, il n'y a nulle part d'exemple de la réunion de diverses industries sur une aussi vaste échelle.
C'est une houillère et une mine de fer qui ont été la première cause de ce merveilleux développement. Un morceau de charbon a donné naissance à tout un pays.
Louis-Laurent Simonin, Le Creusot et les mines de Saône-et-Loire, 1865