L'Union Européenne : entre compétitivité internationale et cohésion des territoires
THEME 3
L'UNION EUROPENNE DANS LA MONDIALISATION :
DES DYNAMIQUES COMPLEXES
Le Maroni est un fleuve marquant la frontière entre la Guyane et le Suriname. Il sʼagit par conséquent dʼune frontière de lʼUnion européenne. La Guyane est une région ultrapériphérique de lʼUnion européenne ; elle bénéficie dʼaides spécifiques au titre de son éloignement avec la métropole
Le Maroni, un territoire transfrotnalier
* Bushinengue : également appelés Marrons ou Noirs Marrons. C’est l’ensemble des peuples descendants d’esclaves emmenés au Suriname pour travailler dans les plantations au XVIIe siècle.


La Guyane est un DROM situé en Amérique du Sud à plus de 7 000 km du continent européen. Bordée par le Brésil au sud et à lʼest, elle partage également près de 520 km de frontière avec le Suriname le long du fleuve Maroni. Cette frontière, longtemps disputée, représente des intérêts et des défis communs.
 
Le programme Rempart, un projet transfrontalier INTERREG
 

L’extension de la frontière entre le Suriname et la France [...] se caractérise aujourd’hui par un fort contraste entre les modèles urbains des villes frontalières, à l’image des deux plus importantes, Albina du côté surinamais et Saint‑Laurent‑du‑Maroni du côté français, qui connaissent également une forte porosité. Les deux pays exigent un visa d’entrée, mais la circulation des personnes et des marchandises entre les villes mentionnées ne présente pas de problèmes apparents. D’ailleurs, le Suriname a récemment remplacé le visa touristique de courte durée par une simple carte touristique dont l’obtention est très aisée pour les ressortissants français. Il y a de fait une claire dépendance économique du côté surinamien, qui a besoin des touristes guyanais et de leurs précieux euros, alors que beaucoup de produits commercialisés du côté français proviennent clandestinement du Suriname, où les coûts sont nettement moindres, au moyen de petites embarcations circulant de part et d’autre de la frontière. Si on y ajoute l’orpaillage illégal en Guyane par des garimpeiros brésiliens passés par le Suriname où l’accès leur est facilité du fait de l’absence de visa [...], cela fait de cette région une véritable région transfrontalière informelle faisant fi, le plus souvent, des contrôles douaniers et policiers.
Gutemberg de Vilhena Silva, « Litiges transfrontaliers sur le plateau des Guyanes, enjeux géopolitiques à l’interface des mondes amazoniens et caribéens », L’Espace politique, 2017.
Le quartier de Vampire à Saint-Laurent-du-Maroni est un bidonville. Majoritairement peuplé par des immigrés surinamais, ce quartier est un lieu important du trafic de drogue entre les deux pays. Ici, lʼUE finance la mise en place de fontaines dʼeau potable.
 
Une frontière ne constitue pas forcément une discontinuité, une limite ou une marge. Le fleuve Maroni et ses affluents relient en effet les territoires plus qu’ils ne les séparent, la population y vit traditionnellement « à cheval » sur les deux rives. Par conséquent, le fleuve constitue plutôt un trait d’union entre communautés qu’une césure. Il se situe au centre d’une zone transfrontalière formant un espace d’échanges, très dynamique, peuplé et actif qui met en contact les deux rives. Le Maroni forme historiquement un bassin de population plutôt qu’une frontière hermétique. Cette situation s’est renforcée lors de la guerre civile au Suriname dans les années 1990, durant laquelle une partie de la population s’est réfugiée du côté français pour échapper aux massacres et aux exactions. En conséquence de quoi, les familles ont été séparées. En changeant de rive, des communautés amérindiennes entières ont trouvé du côté guyanais la sécurité que l’État surinamien n’était plus en mesure de leur assurer. [...] Les familles et les communautés vivent indifféremment de part et d’autre du fleuve. Dans leurs représentations, la frontière n’incarne pas une séparation. Le mode d’habiter des populations du fleuve se fait en dehors de toute question d’appartenance nationale. Des Surinamiens peuvent très bien envoyer leurs enfants à l’école française, bénéficier des services de santé du côté français et utiliser la monnaie, la téléphonie, l’électricité, les transports du côté surinamien.
Patrick Blancodini, « La frontière Suriname - Guyane française : géopolitique d’un tracé qui reste à fixer », Géoconfluences, 2 octobre 2019.

L’AFD [Agence française de développement] et le Centre hospitalier de l’Ouest guyanais viennent de signer une convention de partenariat qui marque une nouvelle étape dans le renforcement de la coopération sanitaire entre la Guyane française et le Suriname. [...] Le Centre hospitalier de l’Ouest guyanais (CHOG), à Saint-Laurent-du-Maroni, vient d’emménager dans un édifice flambant neuf [...]. De nouvelles offres qui bénéficieront aussi aux patients vivant du côté surinamais de la frontière, à Albina ou Moengo, par exemple. Ces derniers devaient auparavant rouler trois ou quatre heures aller-retour pour rejoindre l’hôpital de Paramaribo, la capitale de leur pays. En parallèle, un autre hôpital a été inauguré au Suriname.[...] La construction des deux hôpitaux a en partie été financée par l’AFD, via un prêt de 47,5 millions d’euros au CHOG et un autre de 15 millions d’euros au gouvernement du Suriname. Leur ouverture intervient parallèlement aux efforts de coopération engagés depuis 2010 entre la Guyane et le Suriname, pour améliorer l’offre de soins sur ce territoire transfrontalier.
« Entre la Guyane et le Suriname, la santé n’a pas de frontière », AFD.fr, 22 janvier 2019.

En 2018, les chiffres ont doublé, avec 1 349 arrestations. La situation est devenue critique depuis 2015, notamment en raison de la hausse de la production de cocaïne dans les pays d’Amérique du Sud, ce qui fait augmenter le trafic. Les services douaniers, aujourd’hui totalement débordés, tentent donc de réagir. [...] Sur le fleuve Maroni, des dizaines de pirogues font chaque jour l’aller-retour entre le Suriname et la Guyane pour transporter des voyageurs dont certains reviennent avec une cargaison de cocaïne. [...] Un tiers des petites mains des trafiquants viendrait du Suriname, un autre tiers de l’ouest, rural, de la Guyane. Avec un taux de chômage de 22 % en Guyane, les trois quarts de ces intermédiaires sont sans emploi. Les forces de l’ordre interpellent plus de trois personnes par jour. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, car les policiers estiment à 8 ou 10 le nombre de mules (1) envoyées pour chaque vol entre Cayenne et Orly.
« En Guyane, sur les bords du Maroni, où le trafic de cocaïne à destination de la métropole explose », Europe 1, 19 juin 2019.

1. Personne transportant de la drogue sur elle
Un territoire commun en construction
 
L'Union européenne dans la mondialisation