Le printemps de Prague : un nouvel espoir
[Notre programme] était uniquement consacré aux problèmes intérieurs (…). Mais les Soviétiques avaient pris l'habitude de mettre leur nez même dans ces domaines, et il était évident qu'ils n'étaient pas satisfaits de voir ce programme ainsi conçu sans leur avis ni leur consentement (…).
Le programme proclamé la fin des pratiques dictatoriales, bureaucratiques et sectaires (…). Notre nouvelle politique devait se fonder sur la coopération démocratique et la confiance (…). La liberté de réunion (…) serait appliquée (…). Le programme annonçait le retour de la liberté de la presse (…). La liberté de mouvement serait garantie, y compris (…) le droit du citoyen de voyager à l'étranger (…). Des dispositions légales spéciales seraient mises au point pour réparer toutes les injustices passées, judiciaires aussi bien que politiques (…). Dans le domaine économique, le document réclamait la décentralisation totale et l'indépendance dans la direction des entreprises, ainsi que la légalisation des petites affaires privées (…).
Je n'oublierai jamais la célébration du 1er mai 1968 à Prague (…). Après des années de mises en scène soigneusement réglées, c'était un happening spontané - personne n’encadrait des colonnes marchant au pas et brandissant des slogans fournis par la centrale. Cette fois, les gens venaient d'eux-mêmes, avec leurs bannières portant leurs slogans (…). L'ambiance était détendue et gaie. Couleurs et fleurs (…) abondées partout où l'on regardait.
Alexandre Dubcek, C'est l'espoir qui meurt en dernier : autobiographie, 1993
La fin du « Printemps de Prague »
En août 1968, l'URSS décide de mettre fin au « Printemps de Prague », politique d'assouplissement de la dictature communiste entreprise par Alexandre Dubcek (1) en Tchécoslovaquie afin instaurer un « socialisme à visage humain ».
À la mitrailleuse, les Russes balaient les façades des immeubles (…). Un char est en feu. Dans la fumée noire, d'autres tournent, remontent l'avenue, virevoltent, dispersant à chaque allée et avenue, par la simple menace de leurs canons, la foule qui les injurie. A chaque débandade, elle abandonne sur le trottoir quelques formes prostrées. Les incidents se poursuivront toute la matinée, entrecoupés de curieuses accalmies de fraternisation dans la pétarade des motos de jeunes patriotes qui sillonnent les rues, en criant « liberté ». Et lorsque le calme reviendra, on verra devant l'immeuble de la radio, 5 jeunes gens et jeunes filles en larmes lever vers la foule, symboliquement, le drapeau taché du sang de leurs camarades.
Jean-Jacques Servan-Schreiber, L'Express, août 1968
(1) Chef du Parti communiste tchécoslovaque de janvier 1968 à avril 1969