ETUDIER LES DIVISIONS POLITIQUES DU MONDE : LES FRONTIERES
HGGSP
THEME 4

C’est l’empereur Trajan, régnant de 98 à 117 de notre ère, qui est à l’origine du développement du principe militaire du limes. En première ligne se trouvent des soldats qui servent l’empire, bien que n’étant pas eux-mêmes citoyens romains. Ces unités auxiliaires des légions romaines sont composées d’un mélange de peuples venus de tout l’empire. Tous parlent le latin au moins assez pour pouvoir obéir aux ordres. S’ils servent pendant vingt-cinq ans, cinq de plus que les légionnaires, ils garantiront à leurs descendants la citoyenneté romaine. [...]

Les troupes auxiliaires n’ont pas seulement pour mission d’empêcher les barbares d’entrer dans l’empire. Il est tout aussi essentiel pour elles d’effectuer des reconnaissances en territoire germanique. Car les Romains ne considèrent pas le limes comme une frontière absolue de leur domaine. Ils revendiquent également le contrôle de “l’étranger”, en tant que zone d’influence et de sécurité. C’est à cela que sert l’implantation de tribus alliées, lesquelles n’étaient pas moins sous surveillance.[...] L’ensemble n’est pas infranchissable, mais le symbole est évident : ici commence l’Empire romain, quiconque y pénètre sans autorisation sera traité comme un ennemi. [...] A l’abri derrière la ligne de démarcation, on vit à l’heure romaine, sous le droit romain, et l’on commerce avec de l’argent romain. Les habitants des villes, des villages et des fermes profitent des avantages du pouvoir et de la culture de l’empire. Et surtout de sa sécurité. De l’autre côté du mur, où vivent les Germains libres, personne ne meurt de faim. Mais tous voient dans le limes la frontière du bien-être. Les bandes de pillards ne sont pas le seul agent des contacts germano-romains. Il existe aussi un transit frontalier régulier. Rome canalise le passage à l’aide des beneficiarii, des soldats ayant suivi une formation spéciale et chargés de contrôler la circulation des marchandises et des personnes, de prélever des taxes, de transmettre les nouvelles. Car les négociants romains, souvent eux-mêmes d’anciens militaires, se rencontrent, se rendent visite lors de leurs tournées en Germanie, et signalent toute information suspecte qui leur parvient.

Quant aux élites germaniques, elles achètent volontiers de la vaisselle et d’autres produits de luxe romains. De la Suède, au nord, jusqu’aux rives du Don, à l’est, on retrouve des objets de l’artisanat romain. Les historiens supposent que des marchés se tenaient des deux côtés du mur. Ces dernières années, on a mis au jour de plus en plus de vestiges des axes qui menaient des villages des Germains aux points de passage à la frontière. Une preuve incontournable de l’importance des relations commerciales germano-romaines. Les Romains, quant à eux, sont friands de l’ambre de la Baltique. Des produits agricoles comme l’orge, l’épeautre et le bétail, mais aussi les peaux, les fourrures et les plumes d’oies, sont appréciés. La Germanie n’a guère de produits de luxe à offrir, à l’exception des cheveux blonds, très prisés des Romaines de la haute société, et surtout des êtres humains. Le besoin en main-d’œuvre germanique, esclaves ou soldats, ne s’est jamais démenti.

Le limes n’était pas une sorte de muraille anti-germanique, une frontière hermétique fermée. Mais, grâce à la chaîne de ses fortifications, Rome, pendant plus de cent cinquante ans, a clairement fait comprendre aux Germains où commençait sa sphère d’influence. Il était possible d’y entrer, mais seulement si on était prêt à se soumettre aux règles du jeu de l’empire.

Ulrich Grasser, G/Geschichte,octobre 2014 (extraits), Berlin. Traduit de l’allemand par Courrier International, n°1253, 5 novembre 2014.

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reconstitution , Musée de Saalburg
 
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Le camp romain de la Saalburg, près de Bad Homburg dans le massif du Taunus (au nord-ouest de Frankfurt am Main), est le seul camp romain ayant fait l'objet d'une restauration à partir du XIX°s
 
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Même les Ubiens1, bien qu’ils aient obtenu le droit, pour service rendu, d’être une colonie romaine2 […], n’ont pas honte de leurs origines, puisqu’ils ont jadis traversé le Rhin ; une fois prouvée leur loyauté à notre égard, nous les avons fixés sur la rive même du fleuve, non pas pour être sous surveillance mais afin de servir de remparts contre les attaques extérieures. Les plus valeureux de ces peuples germains [installés en territoire romain] sont les Bataves. Ils n’habitent pas la rive du Rhin mais une île au milieu du fleuve... Ils ont conservé la gloire et l’honneur que leur conférait leur antique alliance avec nous, car ils ne sont pas soumis à la honte de payer tribut […]. Exemptés de charges et de contributions, gardés à l’écart pour un usage uniquement militaire, comme on le ferait avec des boucliers et des lances, on les conserve pour la guerre. On a établi la même forme de soumission sur les Mattiaques, car la grandeur du peuple romain a traversé le Rhin et les anciennes frontières, et imposé jusque là-bas le respect de son empire. C’est ainsi que, bien qu’établis sur leur rive, ils sont de cœur et d’esprit avec nous, semblables en toute chose aux Bataves, si ce n’est que leur vaillance est encore plus grande, qu’ils tiennent du ciel et du sol qui sont leurs et où ils se trouvent encore.
Tacite, De Origine et Situ Germanorum (La Germanie), vers 98 apr. J.-C.,chap. 28 et 29, trad. Florence Dupont dans A. Rousselle (dir.), Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, Presses universitaires de Perpignan, 1995.

Tacite est un historien romain (54-120 apr. J.-C.), auteur des Annales et des Histoires, qui retracent l’histoire de Rome au Ier siècle

1. Peuple germanique installé au Ier siècle dans la région de Cologne (Colonia Agrippina). Les Bataves sont établis sur l’embouchure du Rhin et les Mattiaques sur la rive droite du fleuve, au nord de Mayence. 2. Établissement créé par Rome pour contrôler un territoire récemment conquis.
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. Les limes romains n’ont pas seulement une fonction de protection et ne peuvent être assimilés à une frontière. On doit lui préférer l’emploi de « limite », mot qui est d’ailleurs utilisé jusqu’à la Révolution française dans le sens que nous donnons aujourd’hui à « frontière ». L’archéologie a récemment démontré que le limes rhénan n’était pas militarisé sur toute sa longueur et qu’il était aussi un important espace d’échanges économiques entre les mondes gallo-romain et germain.
Benoit Vaillot Doctorant en histoire (Université de Strasbourg) / PhD Researcher (European University Institute, Florence). Coordinateur du séminaire doctoral « Nationalism Working Group » hébergé à l'Institut Universitaire Européen
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Barbares | Bande-annonce officielle VF | Netflix France
Barbares est la première série historique allemande de Netflix. Elle se passe en l'an 9 apr. J.-C., alors que des tribus germaniques tentent de repousser les Romains pendant la bataille de Teutobourg. Produite par Gaumont, elle centre son action autour de la célèbre bataille de Varus, dans la forêt de Teutoburg, qui est devenue un événement fondateur de l'histoire de l'Europe.
Dans le journal allemand Weser Kurier , le journaliste estime que Barbares "transforme les événements historiques autour de la bataille de Varus en un feuilleton avec de beaux Romains et des peuples germaniques robustes. Le plus grand problème étant l'historicité supposée de la série. Sous le couvert d'une leçon d'Histoire, elle répand de demi-connaissances. Le contexte historique se réduit à quelques faits clés et ne sert que de légitimation à une variante allemande du mélange amour, violence et mythologie nordique, très en vogue depuis Game of Thrones et Vikings".

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[À propos du limes] Reflet de réalités d’ordre socio-économique, il ne peut s’agir d’une ligne marquant le passage brusque d’une réalité à une autre, radicalement différente. Il ne peut s’agir, non plus, d’installations à but essentiellement militaire : il eût été totalement impossible aux armées romaines de rendre imperméables ces milliers de kilomètres, ou même, simplement, d’envisager la chose. Il faut donc prendre avec la plus extrême prudence les textes antiques assimilant le limes à une coupure. […] L’archéologie démontre, au contraire, la présence, à proximité immédiate des installations qui marquent la frontière, de populations parfois installées par les autorités romaines elles-mêmes et qui entretiennent avec ces dernières des rapports de nature diverse. […] Le limes, même lorsqu’il prend la forme d’installations linéaires, n’a donc pas pour but de séparer, de faire barrage, mais de contrôler, réguler, les déplacements et les échanges. C’est un secteur vivant, non une zone morte, stérilisée par des préoccupations militaires

Yvon Thébert, « Nature des frontières de l’Empire romain : le cas germain », dans A. Rousselle (dir.), Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, Presses universitaires de Perpignan, 1995.
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Empire Romain à la mort d'Hadrien
source HGGSP , Hatier , 2019
 
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Source HGGSP Première Hatier 2019
 
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