Une frontière invisible ?
Une frontière ne constitue pas forcément une discontinuité, une limite ou une marge. Le fleuve Maroni et ses affluents relient en effet les territoires plus qu'ils ne les séparent, la population y vit traditionnellement « à cheval » sur les 2 rives. Par conséquent le fleuve constitue plutôt un trait d'union entre communautés qu'une césure. Il se situe au centre d'une zone transfrontalière formant un espace d'échange, très dynamique, peuplé et actif qui met en contact les 2 rives.
Le Maroni forme historiquement un bassin de population plutôt qu'une frontière hermétique. Cette situation s'est renforcée lors de la guerre civile au Suriname dans les années 1990, durant laquelle une partie de la population s'est réfugiée du côté français pour échapper aux massacres et aux exécutions. En conséquence de quoi, les familles ont été séparées. En changeant de rive, des communautés amérindiennes entières ont trouvé du côté guyanais la sécurité que l'état surinamien n'était plus en mesure de leur assurer (…). Les familles et les communautés vivent indifféremment de part et d'autre du fleuve. Dans leurs représentations, la frontière n’incarne pas une séparation, le mode d'habiterdes populations du fleuve se fait en dehors de toute question d'appartenancenationale. Des Surinamiens peuvent très bien envoyer leurs enfants à l'école française, bénéficier des services de santé du côté français et utiliser la monnaie, la téléphonie, l'électricité, les transports du côté surinamien.
Patrick Blancodini, « La frontière Suriname-Guyane française : géopolitique d'un tracé qui reste à fixer », Géoconfluences, 2 octobre 2019