les dynamiques différenciées des territoires transfrontaliers français

THEME 3

L’UNION EUROPEENNE DANS LA MONDIALISATION :

DES DYNAMIQUES COMPLEXES

Chapitre 2 :

La France : les dynamiques différenciées des territoires transfrontaliers
Le Maroni est un fleuve marquant la frontière entre la Guyane et le Suriname. Il sʼagit par conséquent dʼune frontière de lʼUnion européenne. La Guyane est une région ultrapériphérique de lʼUnion européenne ; elle bénéficie dʼaides spécifiques au titre de son éloignement avec la métropole
Une frontière invisible ?
Une frontière ne constitue pas forcément une discontinuité, une limite ou une marge. Le fleuve Maroni et ses affluents relient en effet les territoires plus qu'ils ne les séparent, la population y vit traditionnellement « à cheval » sur les 2 rives. Par conséquent le fleuve constitue plutôt un trait d'union entre communautés qu'une césure. Il se situe au centre d'une zone transfrontalière formant un espace d'échange, très dynamique, peuplé et actif qui met en contact les 2 rives.
Le Maroni forme historiquement un bassin de population plutôt qu'une frontière hermétique. Cette situation s'est renforcée lors de la guerre civile au Suriname dans les années 1990, durant laquelle une partie de la population s'est réfugiée du côté français pour échapper aux massacres et aux exécutions. En conséquence de quoi, les familles ont été séparées. En changeant de rive, des communautés amérindiennes entières ont trouvé du côté guyanais la sécurité que l'état surinamien n'était plus en mesure de leur assurer (…). Les familles et les communautés vivent indifféremment de part et d'autre du fleuve. Dans leurs représentations, la frontière n’incarne pas une séparation, le mode d'habiterdes populations du fleuve se fait en dehors de toute question d'appartenancenationale. Des Surinamiens peuvent très bien envoyer leurs enfants à l'école française, bénéficier des services de santé du côté français et utiliser la monnaie, la téléphonie, l'électricité, les transports du côté surinamien.
Patrick Blancodini, « La frontière Suriname-Guyane française : géopolitique d'un tracé qui reste à fixer », Géoconfluences, 2 octobre 2019
Une région transfrontalière informelle
L’extension de la frontière entre le Suriname et la France [...] se caractérise aujourd’hui par un fort contraste entre les modèles urbains des villes frontalières, à l’image des deux plus importantes, Albina du côté surinamais et Saint‑Laurent‑du‑Maroni du côté français, qui connaissent également une forte porosité. Les deux pays exigent un visa d’entrée, mais la circulation des personnes et des marchandises entre les villes mentionnées ne présente pas de problèmes apparents. D’ailleurs, le Suriname a récemment remplacé le visa touristique de courte durée par une simple carte touristique dont l’obtention est très aisée pour les ressortissants français. Il y a de fait une claire dépendance économique du côté surinamien, qui a besoin des touristes guyanais et de leurs précieux euros, alors que beaucoup de produits commercialisés du côté français proviennent clandestinement du Suriname, où les coûts sont nettement moindres, au moyen de petites embarcations circulant de part et d’autre de la frontière. Si on y ajoute l’orpaillage illégal en Guyane par des garimpeiros brésiliens passés par le Suriname où l’accès leur est facilité du fait de l’absence de visa [...], cela fait de cette région une véritable région transfrontalière informelle faisant fi, le plus souvent, des contrôles douaniers et policiers.
Gutemberg de Vilhena Silva, « Litiges transfrontaliers sur le plateau des Guyanes, enjeux géopolitiques à l’interface des mondes amazoniens et caribéens », L’Espace politique, 2017.
Le programme Rempart, un projet transfrontalier INTERREG
 
Le Maroni, un territoire transfrotnalier
* Bushinengue : également appelés Marrons ou Noirs Marrons. C’est l’ensemble des peuples descendants d’esclaves emmenés au Suriname pour travailler dans les plantations au XVIIe siècle.


La Guyane est un DROM situé en Amérique du Sud à plus de 7 000 km du continent européen. Bordée par le Brésil au sud et à lʼest, elle partage également près de 520 km de frontière avec le Suriname le long du fleuve Maroni. Cette frontière, longtemps disputée, représente des intérêts et des défis communs.
 
Le quartier de Vampire à Saint-Laurent-du-Maroni est un bidonville. Majoritairement peuplé par des immigrés surinamais, ce quartier est un lieu important du trafic de drogue entre les deux pays. Ici, lʼUE finance la mise en place de fontaines dʼeau potable.
 
Vers une coopération transfrontalière autour de la santé ?

L’AFD [Agence française de développement] et le Centre hospitalier de l’Ouest guyanais viennent de signer une convention de partenariat qui marque une nouvelle étape dans le renforcement de la coopération sanitaire entre la Guyane française et le Suriname. [...] Le Centre hospitalier de l’Ouest guyanais (CHOG), à Saint-Laurent-du-Maroni, vient d’emménager dans un édifice flambant neuf [...]. De nouvelles offres qui bénéficieront aussi aux patients vivant du côté surinamais de la frontière, à Albina ou Moengo, par exemple. Ces derniers devaient auparavant rouler trois ou quatre heures aller-retour pour rejoindre l’hôpital de Paramaribo, la capitale de leur pays. En parallèle, un autre hôpital a été inauguré au Suriname.[...] La construction des deux hôpitaux a en partie été financée par l’AFD, via un prêt de 47,5 millions d’euros au CHOG et un autre de 15 millions d’euros au gouvernement du Suriname. Leur ouverture intervient parallèlement aux efforts de coopération engagés depuis 2010 entre la Guyane et le Suriname, pour améliorer l’offre de soins sur ce territoire transfrontalier.
« Entre la Guyane et le Suriname, la santé n’a pas de frontière », AFD.fr, 22 janvier 2019.
Guyane française / Suriname : une coopération insuffisante ?
La france possède encore une frontière dont le tracé n'a pas été totalement fixé sur le terrain : c'est la frontière entre la Guyane française et le Suriname, le long du fleuve Maroni et de ses affluents. Une frontière permet de savoir précisément où s'exerce telle autorité. Elle doit être surveillée car elle peut être le support de trafics.
Pour le Maroni, si les pouvoirs publics veulent lutter contre l'orpaillage clandestin et ses conséquences néfastes sur l'environnement, ils doivent pouvoir localiser précisément le territoire sur lequel ils ont autorité. La porosité et la longueur de la frontière rendent impossible, jusqu'à présent, une lutte efficace contre l'immigration clandestine. Enfin, les rives du Maroni sont l'épicentre d'un intense trafic de cocaïne en provenance de Colombie, premier producteur mondial.
La police surinamienne, en échange d'une contribution, fermerait les yeux devant les trafics. Côté français, les gendarmes interceptent parfois des pirogues de trafiquants ; 1 400 passeurs ont été arrétés en 2018. La frontière complique le travail de la police qui ne peut poursuivre ses investigations sur la rive gauche du Maroni à cause de la faiblesse de la coopération judiciaire entre les 2 pays. La fixation de la frontière devient donc une affaire urgente de sécurité et de santé publiques.
D'après P. Blancodini : "La frontière Suriname-Guyane française : géopolitique d'un tracé qui reste à fixer", geoconfluences.ens-lyon.fr, 2 octobre 2019
Le Maroni, théâtre du trafic de drogue
En 2018, les chiffres ont doublé, avec 1 349 arrestations. La situation est devenue critique depuis 2015, notamment en raison de la hausse de la production de cocaïne dans les pays d’Amérique du Sud, ce qui fait augmenter le trafic. Les services douaniers, aujourd’hui totalement débordés, tentent donc de réagir. [...] Sur le fleuve Maroni, des dizaines de pirogues font chaque jour l’aller-retour entre le Suriname et la Guyane pour transporter des voyageurs dont certains reviennent avec une cargaison de cocaïne. [...] Un tiers des petites mains des trafiquants viendrait du Suriname, un autre tiers de l’ouest, rural, de la Guyane. Avec un taux de chômage de 22 % en Guyane, les trois quarts de ces intermédiaires sont sans emploi. Les forces de l’ordre interpellent plus de trois personnes par jour. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, car les policiers estiment à 8 ou 10 le nombre de mules (1) envoyées pour chaque vol entre Cayenne et Orly.
« En Guyane, sur les bords du Maroni, où le trafic de cocaïne à destination de la métropole explose », Europe 1, 19 juin 2019.

1. Personne transportant de la drogue sur elle
Vidéo : Saint-Laurent-du-Maroni, porte d'entrée clandestine vers la Guyane française
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Le Maroni est un fleuve marquant la frontière entre la Guyane, DROM français et région ultrapériphérique RUP) de l'Union européenne et le Suriname. Les communautés amérindiennes vivent de part et d'autre du fleuve, tant côté surinamien, tantôt côté français. La pratique du territoire ne coïncide pas avec la frontière étatique.
À l'échelle européenne, le territoire transfrontalier du Maroni est une marge dépendante des aides françaises et européennes (la Guyane bénéficie d'aides supplémentaires, au titre de RUP) en termes de développement et de leurs politiques de coopération transfrontalière. Ce territoire transfrontalier du Maroni est marqué par l'éloignement des 2 capitales : Paramaribo et Cayenne, qui disposent d’aéroports internationaux pour sortir de cette marge territoriale. Des axes routiers permettent toutefois de les relier à ce territoire. Deux villes structurent ce territoire : Saint-Laurent-du-Maroni et Albina. C'est depuis ces villes que s'organise la lutte franco-surinamienne contre l'orpaillage illégal le long du Maroni.
À une autre échelle, le Maroni est aussi une limite Nords-Suds. La Guyane est plus développée que le Suriname. La coopération transfrontalière se heurte à des activités clandestines : flux migratoires, narcotrafics et orpaillage (dans la zone aurifère qui se trouve au sud du territoire, le long du Maroni).