les dynamiques différenciées des territoires transfrontaliers français

THEME 3

L’UNION EUROPEENNE DANS LA MONDIALISATION :

DES DYNAMIQUES COMPLEXES

Chapitre 2 :

La France : les dynamiques différenciées des territoires transfrontaliers

Créée en 2010, la Grande Région rassemble cinq régions appartenant à quatre États européens voisins qui comptent 11,4 millions dʼhabitants parlant trois langues différentes. De nombreux flux sʼy développent et sont à l’origine de l’une des coopérations transfrontalières les plus anciennes et les plus abouties en Europe. Avec 215 000 travailleurs frontaliers et 2,5 % du PIB de lʼUE, la Grande Région est devenue un espace transfrontalier dynamique.

Le territoire de la Grande Région
 
Des flux importants de travailleurs frontaliers
 
Les objectifs du programme INTERREG Grande Région
 
Les projets de développement transfrontalier autour des Trois-Frontières
 
Des disparités économiques marquées
source : Grande-Région.lu, 2019.
 
Les défis de la saturation des axes de transports
« En trente ans, nous sommes passés de 20 000 à 110 000 frontaliers français », font savoir les deux élus en évoquant la situation de la Lorraine-Nord.« Peu de choses ont cependant été réalisées en ce qui concerne la mobilité sur le territoire. Les réseaux routiers sont complètement saturés. L’A31 est l’un des pires points noirs du réseau autoroutier de France et se rendre au Luxembourg depuis Metz se transforme souvent en un enfer pour les frontaliers. L’utilisation des trains est également un véritable calvaire entre retards, annulations, pannes, matériels mal entretenus, rames bondées et usagers obligés de voyager debout », recensent les deux conseillers. Les 110 000 frontaliers apportent un pouvoir d’achat estimé à 5,5 milliards d’euros en France. Sans parler de la perspective, pour les personnes empruntant le train, de changer de rame à Thionville car certains trains français ne sont pas équipés du système de sécurité européen.
Stéphane Malnory, « La mobilité transfrontalière en état d’urgence », Le Républicain lorrain, 8 janvier 2020
Le projet "mobilités douces Trois-Frontières"

Pour promouvoir la mobilité douce dans la région des Trois-Frontières – entre le Luxembourg, la Belgique et la France – les communes de Pétange, Aubange, Messancy et Longwy viennent d’entamer la réalisation d’un projet développé en commun depuis de nombreux mois.Une des problématiques récurrentes de l’agglomération des Trois-Frontières est l’engorgement systématique du réseau routier aux heures de pointe. [...]Mobilités douces Trois-Frontières propose une alternative efficace et écologique à la voiture individuelle : un itinéraire (27 km) doux majoritairement en site propre reliant les noyaux d’habitation et les principales gares du territoire, à savoir Messancy, Athus, Longwy, Pétange et Rodange. Il offre aux habitants une voie verte sécurisée pour rejoindre à pied ou à vélo en maximum 20 minutes la gare la plus proche. Il favorise ainsi l’intermodalité entre les lieux de résidence, les nœuds de transport en commun et les pôles d’emploi.
Moselle-Allemagne, profiter de la frontière

Un trottoir en France, un trottoir en Allemagne. À Cocheren, la frontière n’est qu’une question de rue. Une longue ligne droite, bordée, côté allemand, de bureaux de tabac et de vendeurs de « currywurst », ou saucisse au curry, l’une des grandes spécialités charcutières outre-Rhin. [...] Ici, le paquet [de cigarettes] coûte 5,60 euros, contre 7 euros en France. [...] Les échanges entre les populations ne se limitent pas au commerce. À Morsbach, [...] le maire Gilbert Schuh ne compte plus les exemples. « Les pompiers de ma commune et ceux d’Emmersweiler, nos voisins allemands, se voient souvent et organisent des manœuvres ensemble. Les anciens combattants également travaillent en commun sur le devoir de mémoire. » [...]En matière de coopération franco-allemande, [...] l’Eurodistrict (1) Sarre-Moselle, qui regroupe les intercommunalités de Sarrebruck et de sept villes de Moselle-Est [...], a soutenu la création du tram-train Sarreguemines-Sarrebruck, l’aménagement des berges de la Sarre, la création d’une Route du feu, un circuit d’une dizaine de musées consacrés au passé industriel du bassin. Cécile, habitante de Forbach, aime aussi se promener dans les rues de Sarrebruck [...]. Comme beaucoup, elle est parfaitement bilingue : « C’est une chance et une richesse. Et c’est plus facile quand on parle la langue pour échanger ou chercher un emploi. Car il y a du travail en Sarre. » Plus de 20 000 Lorrains passent la frontière chaque jour pour travailler en Allemagne.
Reportage de la radio publique locale France Bleu sur les villages frontaliers de l’est de la Moselle, avril 2016.

1. Agglomération transfrontalière en Europe
Au nord-est du territoire français aux confins de la Belgique, de l'Allemagne et du Luxembourg se développe l'une des coopérations transfrontalières les plus abouties en Europe. La Grande Région recoupe des territoires très différenciés : une région à très haut niveau de vie, où les salaires sont élevés et les emplois nombreux (le Luxembourg), 2 régions à haut niveau de vie (la Rhénanie-Palatinat est la Sarre, en Allemagne), ainsi que 2 régions plus en difficulté (la Wallonie en Belgique et la Lorraine en France).
Confrontés au défi commun de la crise industrielle, ces espaces se sont rassemblés au sein d'une structure de coopération interrégionale, la Grande Région, dans le cadre du programme européen Interreg. Elle bénéficie, à ce titre, de nombreux financements européens venant de Bruxelles. Les acteurs locaux et régionaux ont ainsi développé des projets locaux de reconversion à dimension transfrontalière, associant des acteurs de part et d'autre des frontières nationales, comme à Alzette-Belval. Il a également été nécessaire d'aménager des moyens de transport transfrontaliers à l'image du train qui relie Nancy, Metz et Luxembourg.
Grâce à ces multiples dynamiques qui les rapprochent, les espaces de la Grande Région forment un territoire de vie transfrontalier en voie d'affirmation. Les frontières nationales sont franchies chaque jour par des milliers de travailleurs frontaliers, des mobilités pendulaires essentiellement polarisées par la métropole luxembourgeoise, qui structure véritablement l'ensemble de la Grande Région. Dès lors, on assiste, dans ce laboratoire de la construction européenne, à un quasi effacement des frontières nationales.
 

La reconversion du site d'Alzette-Belval, à la frontière franco-luxembourgeoise

La jeune université du Luxembourg vient d’emménager à Belval, sur un ancien site sidérurgique. Un campus futuriste et « à l’américaine » qui vise l’excellence universitaire. [Le campus] a été construit sur une immense friche industrielle de 120 hectares, dont la mémoire est restée vive. Des cheminées de plusieurs mètres, des hauts-fourneaux aux allures de cathédrales, des rails, des entrepôts couverts de verdure ont été intégrés dans l’aménagement du campus. Ces vestiges de l’ancienne usine d’ArcelorMittal côtoient les bâtiments ultramodernes de l’université, aux noms futuristes : Maison du Nombre, Maison du Livre, Maison de l’Innovation… [...] Belval, le nom donné à cette cité des sciences située à moins d’un kilomètre de la frontière française, a de grandes ambitions. Elle incarne la volonté du pays de ne plus s’appuyer uniquement sur sa puissance financière, mais également sur le savoir et l’innovation. Le site doit aussi permettre de revitaliser cette région dévastée par la fin de la sidérurgie, et désengorger la capitale, à 20 kilomètres au nord. Pour cela, le Luxembourg a mis les moyens : le pays a investi 950 millions d’euros pour aménager Belval, qui accueille aussi des centres de recherche, des start-up et des entreprises. « L’idée est de faire de Belval une sorte de Silicon Valley au cœur de l’Europe, se vante le recteur. C’est un peu audacieux, mais le Luxembourg est un petit pays qui a de grandes ambitions. »
Jessica Gourdon, « Au Luxembourg, une friche reconvertie en temple du savoir », Le Monde, 3 avril 2018.