Un territoire hyper rural.
La Creuse est l'un des départements les plus ruraux et les moins peuplés de France. Au sein de 258 petites communes vivent quelques 120 milles Creusois. Plus de 75% des communes ont moins de 500 habitants, et elle ne dispose que de faibles moyens pour porter les projets. Ce département de la région nouvelle Aquitaine subit une déprise démographique due au vieillissement de la population. Moins de 100 médecins libéraux sont encore actifs dans le département et 39 % des généralistes ont plus de 60 ans. Du fait du chômage et d'un niveau de revenu faible, la Creuse connaît un taux de pauvreté de 19,5%, contre 14,1 % au niveau national.www.cget.gouv.fr, 12 septembre 2018.
La tranquillité du paysage creusois cache des records plus ou moins gratifiants. Si la réalité est très difficile pour l'agriculture et l'industrie, le département possède toutefois les atouts d'une préservation forcée.
Avec ses 120 000 habitants et une densité de 22 personnes par kilomètres carrés (la plus faible de France juste après la Lozère) selon l'Insee, la Creuse s'est inscrite tour à tour dans la «diagonale du vide» quand la France parlait d'«aménagement du territoire», et maintenant dans la «France périphérique» telle que décrite en 2014 par Christophe Guilluy. D'abord par une démographie atomisée : la plus grande ville, Guéret, culminait à 13.143 habitants en 2013. La seconde, La Souterraine, où est implantée l'usine GM&S, compte moins de 5.500 habitants, et six villes seulement dépassent les 2.000 habitants. Ensuite par une économie en déclin depuis des décennies : en 2005, le département accusait le plus faible PIB par habitant (moins de 20.000 euros) de France. Un isolement progressif et un sentiment d'autarcie que l'on retrouve dans presque tous les domaines de l'économie creusoise.
Fin 2013, l'emploi total était estimé à 41 200 postes par l'Insee, dont 8 400 non-salariés, notamment en raison de l'agriculture extensive et des exploitations indépendantes. En effet, 11,9% de l'emploi est constitué par le secteur agricole, un taux élevé uniquement dépassé par le Gers (12,8%). La Creuse est une terre d'élevage, avec une spécialisation dans les bovins. Dans les prairies du département, les 170.000 blanches charolaises et rousses limousines cohabitent avec des moutons, chèvres et porcs en beaucoup plus petits nombres, et une cinquantaine d'exploitations pratiquent en outre le maraîchage ou produisent des fruits et légumes. Conséquence directe de cette prépondérance d'un secteur souvent en difficulté : un tiers des personnes actives non salariées, c'est-à-dire indépendantes, vivent sous le seuil de pauvreté, contre 17% à l'échelle nationale.
L'industrie et la construction représentent un peu plus de 17% des emplois, et les services marchands sont plus de dix points au-dessous de la moyenne nationale avec 31,7% du total. Les emplois publics sont en revanche beaucoup plus présents, avec 39,1% du total : les plus gros employeurs du département sont le conseil général, l'hôpital de Guéret, les services postaux et l'hôpital la Valette. En cinquième position, le premier employeur privé est l'usine Dagard (solutions frigorifiques) à Boussac, avec 360 salariés. Vient ensuite GM&S, le sous-traitant automobile, et ses 277 salariés désormais sur la sellette. Éloignée des nœuds de communication, de commerce et de recherche du pays, la Creuse peine à attirer et faire vivre les projets créateurs d'emplois et de valeur ajoutée, malgré quelques exceptions comme Codechamp, une PME de 50 salariés qui conçoit et fabrique du matériel de haute valeur ajoutée pour des applications spatiales et militaires. À 9%, dans la moyenne nationale, le chômage se distingue cependant par sa durée, souligne l'Insee. Mais la principale conséquence est financière, avec un taux de pauvreté global de 19,5%, contre 14,1% sur l'ensemble des départements de province.
L'isolement des Creusois et la désertification se ressentent également dans l'accès aux services que tout citadin trouverait presque en bas de chez lui : pour un quart des Creusois, un déplacement vers un service particulier (médecin généraliste, banque, etc.) demande plus de 7 minutes de voiture, un seuil de durée qui ne concerne que 3% des Français provinciaux. Le constat est plus dur encore pour les équipements ou services spécifiques : un quart des Creusois est à plus d'une demi-heure de route d'un lycée ou d'un hôpital (là encore seulement 3% des Français sont dans cette situation). Pour les Creusois, malgré la fierté des paysages, et malgré des villages soudés, l'impression de déconnexion est parfois pesante. L'économie bat tout simplement moins fort, moins rapidement qu'ailleurs.
Malgré tout, si la Creuse ne suit pas le progrès tel que les métropoles le définissent actuellement, elle pourrait à long terme tirer parti de cette préservation si souvent subie. Parmi ses plusieurs atouts, notamment pour le tourisme, le lac artificiel de Vassivière et son centre d'art contemporain, les chemins de randonnée, les sites naturels préservés comme celui de Crozant, et une quantité de petits villages simples et riches en témoignages architecturaux. Bien sûr, tout ou presque reste à faire : en 2014, près de 130 000 nuitées ont été enregistrées dans le département, ce qui reste infime au niveau national, et pour l'instant, le secteur de l'hôtellerie-restauration regroupe seulement 2% de l'emploi salarié, soit 650 personnes. Enfin et surtout en ce qui concerne l'avenir, la Creuse essaie de faire revivre son artisanat, et de profiter de l'engouement pour les métiers manuels historiques. Au Sud, Aubusson et Felletin sont réputées depuis six siècles pour leurs tapisseries, et une Cité internationale a vu le jour l'année dernière, en réponse à l'intégration de ce savoir-faire local au patrimoine immatériel de l'UNESCO. Entre musée et centre de formation, la Cité a pour mission de faire renaître un art vivant délaissé et d'en exploiter le potentiel économique.
Bien sûr, les solutions sérieuses de court et moyen terme, notamment pour sauvegarder l'emploi, restent difficiles à trouver. Isolée au centre du territoire, la Creuse dépend des politiques agricoles et industrielles du pays, et semble accuser la plupart des choix gouvernementaux depuis des décennies en la matière. Sur place, on espère que le rattachement à la région Nouvelle-Aquitaine permettra de trouver de nouveaux débouchés et un soutien, mais le département devra se battre pour ne pas être oublié dans le vaste ensemble administratif: plus de 550 kilomètres séparent Budelière, au Nord-Est creusois, d'Hendaye devant la frontière espagnole.
Article de Luc Lenoir, paru dans Le Figaro, 16 juin 2017
Innover localement, l'exemple du village de Faux-la-Montagne
Dans le Sud creusois, sur le plateau de Millevaches, le village de Faux-la-Montagne accueille de nouveaux habitants : des retraités de retour au pays et de jeunes actifs attirés par la dynamique du plateau, où fourmillent les initiatives de l'économie sociale et solidaire. Un contre-exemple de la désertification qui frappe de nombreux territoires ruraux, à 01h 10 de route de la 1ère grande ville, Limoges.www.faux-la-montagne.fr, 2 018