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Comment les réseaux d'influence russe intoxiquent l'opinion en ligne en temps réel
Un rapport de Google montre comment les réseaux de désinformation pro-russes exploitent de plus en plus vite des incidents géopolitiques, comme l'incursion de drones en Pologne en septembre, pour diffuser des récits manipulatoires.
Elle est au coeur de la guerre hybride que mène la Russie à l'Occident. Le dernier rapport du Google Threat Intelligence Group (GTIG), publié ce mardi, offre une plongée saisissante dans la mécanique désormais bien huilée de l'influence pro-russe en ligne.
Il montre comment, en l'espace de quelques heures, un incident militaire peut être transformé en outil de propagande à grande échelle. Par exemple, l'incursion les 9 et 10 septembre de drones russes dans l'espace aérien polonais, aussitôt utilisée comme vecteur de propagande. Lorsque cet incident s'est produit, détaillent les chercheurs de Google, plusieurs campagnes d'influence distinctes, mais complémentaires, se sont activées presque immédiatement après les faits.
Leurs relais numériques ont diffusé, en polonais, en allemand et en anglais, des récits niant toute responsabilité de Moscou, dénonçant une « hystérie de guerre » de Varsovie, ou accusant l'Otan d'avoir instrumentalisé l'incident pour renforcer sa présence militaire. Pour le GTIG, cet enchaînement a montré « la capacité des acteurs pro-russes à mobiliser des infrastructures préexistantes pour réagir à chaud à un événement géopolitique ».
Des réseaux décentralisés
Pour expliquer la grande réactivité des groupes, le rapport décrit un écosystème « décentralisé », où chaque réseau d'influence cible un public précis. Portal Kombat, aussi connu sous le nom de Pravda Network, alimente depuis 2024 un maillage de sites pseudo-médiatiques destinés à des audiences internationales.
Dès l'annonce de l'incident polonais, le portail a alimenté ces sites en soutenant que les drones qui se sont crashés en Pologne ne pouvaient techniquement pas provenir de Russie, suggérant plutôt… une manipulation occidentale.
Parmi les autres acteurs identifiés : Doppelgänger (« double maléfique »). Après l'incident, le spécialiste des faux médias locaux a publié un article en polonais sur son site Po ski Kompas assurant que le soutien de Varsovie à Kiev « met en danger la sécurité du peuple polonais ».
Dans le même temps, la déclinaison allemande du réseau (Deutsche Intelligenz) affirmait que « les drones avaient été annoncés à l'avance par Moscou » et que l'Otan « utilisait l'incident pour pousser l'Europe à la guerre ». Enfin, la publication Niezalezny Dziennik Polityczny, fer de lance de la propagande polonophone, a multiplié les contenus insinuant que « le gouvernement polonais exagère sciemment la menace pour détourner l'attention des problèmes internes ».
Une industrialisation bien rodée
L'analyse du GTIG montre que ces initiatives ne sont pas coordonnées de manière centrale, mais qu'elles s'appuient tout de même sur une infrastructure commune, déjà bien rodée. Les mêmes sites d'actualité fictifs, pages sur les réseaux sociaux et faux profils sont en effet régulièrement réactivés pour diffuser de nouveaux récits.
Tout cela sert de moules prêts à l'emploi, à greffer sur une nouvelle crise : il suffit de changer la langue, le contexte ou le titre pour relancer la machine de désinformation. Selon le rapport, plusieurs de ces canaux ont déjà été documentés par Viginum, le service français de vigilance contre les ingérences numériques, ou par le DFRLab de l'Atlantic Council, aux Etats-Unis.
L'incident polonais est un cas d'école, selon le GTIG, d'un modus operandi désormais généralisé, dont l'objectif est toujours le même : préserver l'image de la Russie, affaiblir la cohésion interne des pays ciblés, réduire le soutien à l'Ukraine et miner la crédibilité de l'Otan et des institutions occidentales.
La Pologne comme triste laboratoire
Pour affûter leurs opérations, les groupes d'influence ont leur « laboratoire. « La Pologne est devenue un terrain d'expérimentation privilégié, avant un déploiement plus large vers l'Europe de l'Ouest », a observé le GTIG. Pour Google, la professionnalisation de ces réseaux d'influence russe en ligne s'est accélérée en 2022, au moment de l'invasion de l'Ukraine.
L'envolée de la désinformation est allée de pair avec celle des attaques cyber, ainsi que l'expliquait lors des Assises de Monaco François Deruty, directeur technique de Sekoia : « L'activité russe est très liée au front ukrainien, dès que la guerre s'enlise dans les tranchées, les attaques reprennent dans le cyberespace, pour afficher une victoire à la Douma. »
Thomas Pontiroli, article publié dans Les Echos, 21 octobre 2025
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yannmorel
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