L'affirmation et l’approfondissement de l'Union européenne
Quels ont été les succès et les échecs de ces 30 années de construction européenne ?
Hubert Védrine (1) : Il y a eu des succès réels, notamment le marché unique qui s'est élargi et consolidé, ou encore l’euro (…). Jusqu’à l'an dernier, Schengen (2) passait pour un succès. Les élargissements ont été dans l'ensemble une réussite. La coordination entre pays européens est devenue une 2nde nature et l'Union une évidence (…). Aujourd'hui, il y a en Europe, avec de fortes variantes selon les pays, 10 à 30% d’anti-européens ; à l'opposé 10 à 15% d'européens raisonnables (…) et les autres, de 60 à 80% ils sont devenus euro-allergiques. Cela mine l'Europe qui est confrontée au même moment au problème grec, polonais, britannique, migratoire, de demandes d'asile, de terrorisme…
Jean-Luc Sauron (3) : Il est possible de résumer la situation de ces 30 dernières années comme suit : « L'Europe : personne n'en veut et pourtant tout le monde y tient » (…). Comment mieux définir la réussite de la construction européenne ? L'Europe comme l'air ne se voit pas ou plus, mais pourtant les Européens n'arriveraient plus à vivre sans les libertés qu'elle a produites. Les échecs ne sont ni plus graves ni plus légers que ceux commis par chacun des États qui composent l'Union européenne.
« 17 février1986, l'Acte unique européen : une construction de 30 ans qui a oublié de s'adapter au monde actuel », atlantico.fr, 19 février 2016
(1) Diplomate et homme politique français, ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002
(2) La convention de Schengen organise l'ouverture des frontières dans l'Union européenne, notamment la libre circulation des citoyens européens
(3) Ancien magistrat et professeur de droit européen, délégué au droit européen du Conseil d'État depuis 2014
La portée historique du passage à l'euro
Le passage à l'euro, au 1er janvier 2002, sera le couronnement d'un long chemin. Quand les citoyens auront entre les mains les pièces et billets en euro, nous aurons atteint notre but, en dépit d'une forte résistance politique et d'obstacles importants (…). La monnaie est plus qu'un simple moyen de paiement, elle a également quelque chose à voir avec notre identité politique et culturelle (…). Ainsi se développe, tout naturellement, un sentiment communautaire qui ne pourra que renforcer la cohésion des Européens.
La construction de l'Union politique n'est pas encore achevée. Nous devons, dans les années à venir, élargir cet édifice et le doter d'un toit capable de résister aux intempéries. C'est dans notre intérêt à tous, car le monde du XIXème siècle recèle quantité de dangers nouveaux contre lesquels aucun pays européen ne peut plus se prémunir seul. Il ne s'agit pas seulement de sécurité militaire. Les risques économiques sont eux aussi énormes ; le meilleur moyen d'y faire face, pour nous Européens, c'est de disposer d'une monnaie commune solide.
Helmut Kohl (chancelier allemand de 1982 à 1988), « L’euro, clé de la maison commune », Le Monde, 14 décembre 2001