Kennedy s'adresse à la nation américaine
Au cours de la dernière semaine, nous avons eu des preuves incontestables de la construction de plusieurs bases de fusées dans cette île opprimée. Ces sites de lancement ne peuvent avoir qu'un but : la constitution d'un potentiel nucléaire dirigé contre l’hémisphère occidental. Plusieurs de ces bases sont dotées de missiles balistiques à portée moyenne, capables de transporter une tête atomique à quelques 2000 kilomètres, ce qui signifie que chacune de ces fusées peut atteindre Washington, Cap Canaveral, le canal de Panama, Mexico et toutes autres villes situées dans le Sud-est des États-Unis, en Amérique centrale et dans les Caraïbes.
Premièrement : pour empêcher la mise en place d'un dispositif offensif, un embargo rigoureux sera appliqué sur tout équipement militaire offensif à destination de Cuba. Tous les bateaux se dirigeant vers Cuba seront interceptés et devront faire demi-tour s'ils transportent des armes offensives (…).
Deuxièmement : j'ai donné des ordres pour que l'on établisse une surveillance permanente et plus étroite de Cuba et la mise en place d'un dispositif militaire.
Troisièmement : tout missile nucléaire lancé à partir de Cuba contre l'une des nations de l'hémisphère occidental sera considéré comme l'équivalent d'une attaque soviétique contre les États-Unis, attaque qui entraînerait des représailles massives contre l'Union soviétique (…).
Sixièmement : conformément à la charte des Nations unies, nous demandons ce soir une réunion d'urgence du Conseil de sécurité afin de répondre à la plus récente menace soviétique à la paix du monde (…).
Extrait du discours télévisé de John Fitzgerald Kennedy, 22 octobre 1962Le blocus américain et l'escalade
Hier soir le Président des États-Unis, Kennedy, a (…) établi en fait le blocus naval de la République de Cuba (…). Le président des États-Unis cherche à justifier ses actions agressives sans précédent par des considérations salon lesquelles Cuba représenterait une menace à la sécurité nationale des États-Unis (…). La déclaration du président américain atteste que rien n’arrêtera les milieux impérialistes américains dans leur tentative d'étouffer un Etat souverain membre de l'Organisation des Nations unies. Ils sont prêts, pour atteindre ce but, à précipiter le monde dans le gouffre d'une catastrophe militaire. Les peuples de tous les pays doivent se représenter clairement qu'en entreprenant cette aventure les États-Unis d'Amérique font un pas dans la voie du déclenchement d'une guerre thermonucléaire mondiale (…). En cette heure inquiétante, le gouvernement soviétique estime de son devoir de donner un grave avertissement au gouvernement des États-Unis, de le mettre en garde pour la grave responsabilité qu'il assume pour les destinées du monde en réalisant les mesures annoncées par le président Kennedy, en jouant de manière insensée avec le feu.
Déclaration du gouvernement soviétique, 23 octobre 1962
La sortie de crise
J'ai accueilli avec respect et confiance votre message du 27 octobre 1962, dans lequel vous déclariez qu'il n'y aurait ni attaque ni invasion de Cuba, et cela ni de la part des États-Unis, ni de la part d'autres nations de l'hémisphère occidental (…). C'est pour cette raison que nous avons donné l'ordre (…) de mettre un terme la construction des [armes que vous qualifiez d'offensives], pour les démanteler et pour les réexpédier en Union soviétique (…).
Nous devons aussi veiller à ce qu'il ne naisse pas d'autres conflits dangereux, risquant d'aboutir à une catastrophe nucléaire mondiale (…). Nous serions heureux de poursuivre notre échange de points de vue sur l'interdiction des armes atomiques et thermonucléaires, sur le désarmement général et autres problèmes visant à la détente internationale.
Lettre de Nikita Khrouchtchev à John Fitzgerald Kennedy, 28 octobre 1962Khrouchtchev défend son action
Un accord est trouvé le 28 octobre entre les 2 camps, et les installations soviétiques sont démantelées le 9 novembre. Le dirigeant soviétique défend peu de temps après son action devant le Soviet suprême, le Parlement soviétique.
Quel parti a pris le dessus, qui a gagné ? On peut dire dans ce cas que c'est la raison qui a gagné, la cause de la paix et de la sécurité des peuples qui l'a emporté. Les parties ont fait preuve de lucidité et ont tenu compte de ce fait que si elles ne prenaient pas de mesures pour empêcher le développement dangereux des événements, une 3e guerre mondiale pouvait éclater (…).
Les 2 parties ont fait des concessions. Nous avons évacué les fusées balistiques et nous avons consenti à évacuer les avions IL-28. Cela donne satisfaction aux Américains. Mais Cuba et l'Union soviétique, eux aussi, ont obtenu satisfaction : l'invasion américaine contre Cuba est évitée, le blocus naval est levé (…), Cuba populaire existe, se renforce et se développe sous la direction de son gouvernement révolutionnaire, de son chef intrépide, Fidel Castro.
Certaines personnes affirment que les États-Unis nous auraient obligés à céder. Si l'on aborde les choses d'une telle façon, ces gens devraient dire que les États-Unis, eux aussi, ont été obligés de céder (…). Si nous nous entendions pour bâtir nos rapports sur une telle base, si les rapports des États-Unis avec Cuba étaient bâtis sur la base de la charte de l'ONU, il n'y aurait eu aucune nécessité d'expédier et d'installer nos fusées à Cuba.
Nikita Khrouchtchev, « La situation internationale actuelle et la politique extérieure de l'Union soviétique », 12 décembre 1962