Sujet : montrez que les procès contre les criminels nazis après Nuremberg (1946) poursuivent un
objectif judiciaire, historique et mémoriel. Votre travail devra comporter une introduction, un développement et une conclusion.
Au brouillon, vous compléterez le tableau qui vous servira de coup de pouce.
Jusqu’en 1969, [la mémoire de la Seconde Guerre mondiale] se focalisait sur la vision d’une France glorieuse, exaltant les résistants, niant l’incidence de Vichy et la spécificité de la Shoah. Désormais, elle agrège de plus sombres réalités, rappelant la réalité et la popularité de l’Etat français, découvrant le sort que le nazisme et son allié vichyste réservèrent aux juifs vivant dans l’Hexagone entre 1940 et 1944 (…).
La figure du héros s’efface devant celle de la victime : Buchenwald (1) symbolisait la réalité concentrationnaire ; Auschwitz l’incarne dorénavant. La Résistance passionnait l’opinion ; c’est aujourd'hui Vichy qui l’intrigue. Les Français communiaient volontiers dans la légende ; maintenant, ils réclament la vérité et se muent en procureurs. Les pouvoirs publics avaient, jusqu’alors, adopté une vision plutôt syncrétique du passé, défendant (…) une conception extensive de la Résistance, confondant dans la barbarie nazie les destins tragiques du déporté, du prisonnier, voire du requis. Les temps nouveaux invitent à la distinction.
O. Wieviorka, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, éditions Seuil, 2010
(1). Camp de concentration vers lequel ont été déporté de nombreux résistants français
Le long combat mené sur le plan international contre l’impunité marque le progrès le plus significatif de la justice de notre époque […].
Lors du procès qui suivirent la Libération, la persécution des juifs pendant l’Occupation fut évoquée et parfois débattue […]. Mais, dans le climat politique et moral de l’après-guerre, l’on s’attachait essentiellement aux crimes comme les résistants et à la collaboration politique avec le IIIe Reich. […]
Le travail des historiens, la volonté et la persévérance des victimes et de leurs avocats, l’émergence d’une sensibilité nouvelle dans les jeunes générations anxieuses de connaitre la vérité et de voir régner la justice plutôt que l’oubli, entrainèrent une succession de poursuites et de procès qui mobilisèrent l’opinion publique. Tous avaient en commun une même problématique : comment instruire et juger des crimes qui s’inscrivaient dans un passé déjà lointain ? la difficulté de juger était encore accrue par le fait que l’France nazie était considérée comme seule responsable de la persécution et du génocide des Juifs en Europe, et notamment en France pendant l’Occupation. Dès lors, dans sa difficile quête de vérité la démarche de la justice devait inévitablement rencontrer celle des historiens et s’appuyer sur leurs travaux. […]
Le juge est à la recherche, non de temps perdu, mais du temps retrouvé, ou plutôt reconstitué à travers mille obstacles : témoins disparus, documents altérés ou manquants, mémoires défaillantes ou reconstruites. Dans cette quête-là-si cruelle, mais si nécessaires pour les victimes […] la justice engage sa crédibilité et le juge sa responsabilité. Et l’historien se révèle l’auxiliaire indispensable du magistrat. Non que l’historien veuille se substituer à lui pour émettre une sorte de préjugement sur des culpabilités éventuelles qui ne relèvent pas de sa démarche scientifique. Mais son concours est nécessaire au juge pour connaitre et comprendre ce que fut ce passé dans lequel s’inscrivent les faits et les êtres qu’il doit juger.
Robert Badinter, Barbie, Touvier, Papon, Autrement, 2002