HGGSP Thème 3 Histoire et mémoires
Objet de travail conclusif : L'histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes Jalon 2 : Juger les crimes nazis après Nuremberg

Sujet : montrez que les procès contre les criminels nazis après Nuremberg (1946) poursuivent un
objectif judiciaire, historique et mémoriel. Votre travail devra comporter une introduction, un développement et une conclusion.

Au brouillon, vous compléterez le tableau qui vous servira de coup de pouce.

Jusqu’en 1969, [la mémoire de la Seconde Guerre mondiale] se focalisait sur la vision d’une France glorieuse, exaltant les résistants, niant l’incidence de Vichy et la spécificité de la Shoah.
Désormais, elle agrège de plus sombres réalités, rappelant la réalité et la popularité de l’Etat français, découvrant le sort que le nazisme et son allié vichyste réservèrent aux juifs vivant dans l’Hexagone entre 1940 et 1944 (…). La figure du héros s’efface devant celle de la victime : Buchenwald (1) symbolisait la réalité concentrationnaire ; Auschwitz l’incarne dorénavant. La Résistance passionnait l’opinion ; c’est aujourd'hui Vichy qui l’intrigue.
Les Français communiaient volontiers dans la légende ; maintenant, ils réclament la vérité et se muent en procureurs. Les pouvoirs publics avaient, jusqu’alors, adopté une vision plutôt syncrétique du passé, défendant (…) une conception extensive de la Résistance, confondant dans la barbarie nazie les destins tragiques du déporté, du prisonnier, voire du requis. Les temps nouveaux invitent à la distinction.

O. Wieviorka, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres
de la Libération à nos jours
, éditions Seuil, 2010

(1). Camp de concentration vers lequel ont été déporté de nombreux résistants françai

Interview de Beate Klarsfeld, 5 février 1983 au journal Télévisé de TF1.

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Il y a 25 ans, le premier procès filmé
Il y a tout juste 25 ans, le 11 mai 1987, s'ouvrait devant la cour d'assises du Rhône le procès du criminel nazi Klaus Barbie. Outre l'impact émotionnel énorme entourant cette affaire, ce procès est aussi notoirement connu pour avoir été le premier à être filmé en France conformément à la loi Badinter du 11 juillet 1985 qui autorise l'enregistrement audiovisuel ou sonore de certaines audiences publiques pour la constitution d'archives historiques de la justice.
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a. Jean-Noël Jeanneney souligne l’utilité de ces témoignages Se dégage la seule véritable responsabilité de notre profession dans le prétoire : aider ceux qui en ont la tâche, magistrats ou jurés, à mieux rendre la justice. A si grande distance de
temps entre les faits et la sentence (imaginons Dreyfus, Esterhazy ou Zola dans les années 50), il s’agit au premier chef de lutter contre l’anachronisme (…) tout en résumant ce que la connaissance acquise dans l’intervalle par un labeur collectif a établi quant au contexte dans lequel les actes en cause ont été accomplis. (…). Ce qu’on a pu connaitre des dépositions des universitaires français et étrangers à Bordeaux – Jean-Pierre Azéma, Marc-Olivier Baruch, Philippe Burrin, Robert Paxton, René Rémond -, et des questions qu’on leur a posées, allant des plus élémentaires aux plus pointues, me parait démontrer qu’ils ont été plus qu’utiles, indispensables, pour aider les jurés et les juges à se prononcer à meilleur escient, en restituant pour eux, parmi la multiplicité des possibles disparus, ce que furent la liberté de l’homme impliqué, sa connaissance des conséquences de ses actes, la chronologie précise de ses choix. Ils me paraissent donc avoir été bien inspirés en répondant à la convocation du peuple français.

Jean-Noël Jeanneney, « A quoi servent les historiens ? », L’Histoire, n°222, 1998

b. Henry Rousso explique son refus de témoigner
Etrange situation quand on y songe : les historiens n’ont pas été sollicités durant la phase d’instruction (…) tandis que l’on réunissait les pièces, qu’on en faisait le tri, la critique : bref, une démarche qui présente des analogies avec l’enquête historique. En revanche, les voilà cités, à grand renfort de tambours, au moment où la procédure judiciaire est la plus éloignée de leur pratique, à savoir l’oralité des débats d’une cour d’assises, au sein de laquelle le poids de la rhétorique judiciaire est considérable, une rhétorique qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne maitrisent pas. Supposés informer les jurés d’événements que ceux-ci n’avaient pas connus, les historiens étaient en fait dans la même situation que leurs élèves d’un jour : non seulement ils n’avaient pas non plus connu cette époque pour la majorité d’entre eux, mais de surcroît, comme les jurés, ils étaient les seuls à ne pas connaitre le dossier puisque celui-ci n’était accessible qu’aux magistrats, aux parties civiles et à
l’accusé.

Henry Rousso, La hantise du passé, entretien avec Philippe Petit, Textuel, 1998

Au matin du 6 avril 1944, Julien Favet est aux champs. Short, torse nu, il attend qu’un gamin de la colonie lui apporte son casse-croûte, comme chaque matin. « Au bout d’un moment comme je ne voyais rien venir, je suis allé à la maison pour voir ce qu’il s’y passait ». « La maison », c’est le home d’enfants juifs qui s’est installé l’année dernière à Lelinas aux portes d’Izieu.

« Là, j’ai vu trois hommes en civil accoudés au grand bassin qui est devant le bâtiment. Je les ai regardés.
Il y en avait un que je connaissais mais j’ai fait semblant de rien et j’ai continué à marcher en direction de la femme des patrons ». Favet a repéré la voiture de la police allemande et les deux camions. « J’ai pensé qu’ils arrêtaient tout le village », explique- t-il au président. Il voit les enfants entassés dans les véhicules.

Un soldat l’arrête « Vous, sauté ? », lui dit l’Allemand. Favet ne comprend pas. Tout à l’heure le jeune étudiant Léon Reifmann a sauté d’une fenêtre pour échapper à la rafle et tous ceux qui passent sur le chemin sont suspects. Un civil vient de se
détacher du groupe de trois et s’avance « Il avait une gabardine et un chapeau mou, c’était Klaus Barbie. » L’homme s’approche de Favet et l’inspecte. Méticuleusement. Pas un seul mot n’est échangé pendant ce long regard. « Et puis il m’a dit quelque chose comme « Allez ! ».

Favet repart vers la maison de ses maîtres. « J’ai regardé les camions. Tous les enfants étaient dedans. Les plus grands, qui avaient 10 ou 12 ans, essayaient de s’enfuir en sautant mais deux soldats allemands les rattrapaient tout de suite et les renvoyaient dedans comme des sacs de pommes de terre. » Julien Favet ne peut plus parler.

« Vous avez reconnu Barbie ? », interroge le président. Oui, c’est exact, je le jure. Je l’ai reconnu à son regard ». Le témoin cherche le mot juste. « Je l'ai reconnu comme si c’était vous monsieur le Président. Sauf votre respect ».

Libération, le 28 mai 1987

Le procès dans la presse

La Une du Journal Libération, 7 février 1983.



 
Le procès dans la presse
Le Monde, 5-6 juillet 1987
 
Exposition sur le procès de Klaus Barbie, 2017