Sujet : montrez que les procès contre les criminels nazis après Nuremberg (1946) poursuivent un
objectif judiciaire, historique et mémoriel. Votre travail devra comporter une introduction, un développement et une conclusion.
Au brouillon, vous compléterez le tableau qui vous servira de coup de pouce.
Premier ministre de l’Etat d’Israël créée le 14 mai 1948, David Ben Gourion, est interviewé en juin 1960. Il est en voyage en France.
La mise en jugement du criminel Eichmann (1) sera le Nuremberg du peuple juif, qui a été privé à la libération du droit de faire le procès de ses bourreaux […]. La tragédie juive sous l’hitlérisme ne peut être comparée au sort des peuples européens qui ont vécu sous la botte nazie. On a voulu nous exterminer jusqu’au dernier nouveau-né. Or à Nuremberg ce sont les
procureurs américains, anglais ou français qui ont prononcé les réquisitoires, et les représentants du peuple juif n’ont été que les témoins passifs. Aucun châtiment ne pourra jamais être à la mesure des crimes d’Eichmann, mais celui-ci nous servira à faire toute la lumière sur le fameux plan de Hitler de « résoudre » le problème juif par le génocide […]. Eichmann sera jugé en Israël par un tribunal purement israélien et selon la loi israélienne votéeen 1950 tout spécialement à l’intention des criminels nazis. Nous ne lâcherons pas notre proie. En revanche, nous donnerons à ce criminel de guerre toutes les garanties d’un procès équitable. Il pourra se faire défendre par des avocats étrangers, même des Allemands, à condition que ces derniers ne soient pas d’anciens nazis. L’instruction sera menée minutieusement et ne se terminera vraisemblablement pas avant décembre prochain. Le procès à proprement parler, qui durera plusieurs mois, sera public.
David Ben Gourion, propos recueillis par Éric Rouleau, Le Monde, 21 juin 1960.
(1).Il est condamné à mort et exécuté en 1962.
b. L’idée qu’Eichmann aurait simplement suivi les ordres sans y penser, comme Hannah Arendt l’a soutenu relève bel et bien du mythe. […] Lors de la conférence de Wannsee de janvier 1942, tous les génocides locaux furent coordonnés au sein d’une entreprise unique monstrueuse, et il fut annoncé que l’Europe allait être « passée au peigne fin » pour la débarrasser des Juifs, de l’Ouest jusqu’à l’Est. Eichmann aida à l’organisation de la conférence et il en rédigea le compte-rendu. C’est là qu’il franchit véritablement le Rubicon, et, comme il le dit plus tard, il en ressentit une certaine « satisfaction ». L’une tenait au fait que la décision du génocide avait été prise par « les pontes » du parti et qu’en tant que simple subordonné, il pouvait se laver les mains de toute responsabilité […]. Il y avait cependant une autre raison, que l’intéressé passa sous silence : une fois qu’il allait accepter sa fonction d’administrateur de génocide, il pourrait être sur de sa position et de son rôle.
A la suite d’une difficile période de transition dans les politiques menées et de réorganisation, Eichmann présida entre 1942 et 1944, la machinerie de la déportation.
David Ceserani, Adolf Eichmann, Comment un homme ordinaire devient un meurtrier de masse, Tallandier, 2014.
Le procès Eichmann marque un véritable tournant dans l’émergence de la mémoire du génocide, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, comme en Israël (…). Pour la 1ère fois, un procès se fixe comme
objectif explicite de donner une leçon d’histoire. Pour la 1ère fois, apparait le thème de la pédagogie et de la transmission (…). Le procès Eichmann marque aussi l’avènement du témoin. En effet, à la différence du procès de Nuremberg où l’accusation s’était fondée principalement sur des documents, le procureur israélien décide de construire la scénographie du
procès sur la déposition des témoins (…). Le procès Eichmann a libéré la parole des témoins. Il a créé une demande sociale de témoignages, comme le feront en France d’autres procès ultérieurs, ceux de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon. Avec le procès Eichmann, le survivant des camps et ghettos acquiert son identité de survivant parce la société le lui reconnait.
A. Wieworka, « La mémoire de la Shoah », La mémoire, entre histoire et politique, Les Cahiers français, La Documentation française, juillet-août 2001.