HGGSP Thème 3 Histoire et mémoires
Objet de travail conclusif : L'histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes Jalon 2 : Juger les crimes nazis après Nuremberg

Sujet : montrez que les procès contre les criminels nazis après Nuremberg (1946) poursuivent un
objectif judiciaire, historique et mémoriel. Votre travail devra comporter une introduction, un développement et une conclusion.

Au brouillon, vous compléterez le tableau qui vous servira de coup de pouce.

Les instances créées par les Alliés (chambres de dénazification) instaurées en mars 1946 par les Américains et en 1947 par les Français et les Britanniques) avaient à charge de classer la population selon ces 5 grandes catégories : « les principaux
coupables » […], les individus « compromis » […], les individus « peu compromis », […], les « suiveurs », et les individus « exonérés ». Or selon l’expression désormais consacrée de Lutz Niethammer, les chambres de la dénazification sont devenues une gigantesque fabrique de suiveurs. […] D’après un bilan établi en 1949-50, ces chambres ont en effet classé moins de 3% des individus ayant comparu […] dans les deux principales catégories de coupable, alors que la catégorie des suiveurs rassemble 51% des cas traités en zone américaine, 45% en zone française et 11% en zone britannique (où près de 60% des individus sont « exonérés »). Ainsi, la dénazification s’est transformée en un processus de réhabilitation qui facilite la réintégration des agents initialement évincés, en particulier dans les administrations.

Marie-Bénédicte Vincent, « De la dénazification à la réintégration des fonctionnaires, comment construire une éthique de la fonction publique en Allemagne de l’Ouest après 1945 ? » in Vingtième siècle, Revue Histoire, n°121, 2014.

"L'Enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie", de Frédéric Rousseau : l'enfant du ghetto
Frédéric Rousseau retrace l'histoire d'une photographie devenue le symbole de la barbarie nazie.
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Après la seconde guerre, les dirigeants des plus grandes entreprises allemandes ont été poursuivis en tant que personnes physique »

L’historien et sociologue Guillaume Mouralis, chargé de recherche au CNRS et membre du Centre Marc-Bloch à Berlin, explique comment les grandes firmes allemandes et leurs dirigeants ont dû rendre compte en 1947-1948 de leurs comportements sous le régime nazi.

Engager des poursuites judiciaires contre une entreprise pour « crimes contre l’humanité », comme c’est le cas dans l’affaire Lafarge, est-il une première historique ?

Guillaume
Mouralis.-
C’est semble-t-il une première en matière de poursuite d’une entreprise comme personne morale. En revanche, les dirigeants et cadres des plus grandes entreprises allemandes ont été poursuivis, jugés et condamnés en tant que personnes physiques pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en 1947 et 1948. Non pas par la justice allemande, ni par le tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg, mais par les tribunaux militaires des occupants alliés, essentiellement américains.

Le droit pénal international, depuis Nuremberg jusqu’à aujourd’hui, ne connaît en effet que des délits et des crimes commis par des individus à l’encontre d’autres individus. Certes, le tribunal de Nuremberg a mis en accusation sept « organisations criminelles », dont trois ont été jugées coupables. Il s’agissait d’organisations politiques et administratives de l’Allemagne nazie – dont le parti hitlérien, le NSDAP, et la SS – mais pas d’entreprises.

Celles-ci ont donc échappé à leurs responsabilités en matière de participation aux crimes nazis ?

Pas leurs dirigeants, du moins quelques dizaines d’entre eux – et encore, provisoirement. Après le verdict de Nuremberg contre les dirigeants nazis, le 1er octobre 1946, les Américains organisent, en 1947 et 1948, ce qu’on appelle les
« procès successeurs » pour juger les responsables « de second rang » selon les mêmes règles de droit que le TMI.

Sur douze procès, trois concernent les dirigeants des trois plus grands groupes industriels allemands, Krupp, Flick et IG Farben. Le procès Krupp condamne le fils du patron, Alfried Krupp, à douze ans de prison, et onze cadres à des peines diverses – y compris la confiscation de leurs biens – pour crime contre l’humanité, en raison de l’emploi de travailleurs forcés et de déportés, et participation directe ou indirecte au fonctionnement des camps d’extermination.

Vingt-quatre cadres d’IG Farben sont jugés, dix sont acquittés, et les autres condamnés à des peines légères, alors que la fabrication et l’acheminement du Zyklon B, le gaz utilisé dans les chambres à gaz, est évoqué.

A côté de ces condamnations judiciaires, les entreprises allemandes sont aussi l’objet de sanctions…

Oui, les autorités d’occupation procèdent au démantèlement des cartels d’avant-guerre,
une mesure prévue par les accords de Potsdam de juillet 1945, et « dénazifient » le personnel des entreprises, écartant de leurs postes les cadres et dirigeants les plus compromis. Du moins jusqu’en 1947 où, guerre froide aidant, les Alliés occidentaux acceptent leur réintégration dans les entreprises issues des anciens cartels, désormais morcelés.

Alors que, du côté soviétique, ce processus se fond bien sûr dans la collectivisation de toutes les entreprises.
IG Farben est dissoute en 1950, mais Krupp existera jusqu’en 1999. Même les dirigeants condamnés au pénal retrouveront, une fois amnistiés ou graciés, leurs biens et leurs postes. Au final, le capitalisme familial allemand aura fort peu souffert de l’occupation alliée. Sauf dans la zone soviétique.

Propos recueillis par Antoine Reverchon publié dans Le Monde le 07 juillet 2018

VIDEO. Rudolf Höss, le terrible commandant d'Auschwitz
Le camp de concentration d'Auschwitz s'apprête à commémorer le 70e anniversaire de sa libération par l'armée soviétique. Au cœur du système concentrationnaire se trouvait Rudolf Höss, son commandant.
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A Hambourg (zone d’occupation britannique), le premier procès pour crimes de guerre concernant des membres du camp de concentration de Ravensbrück se tient du 5 décembre 1946 au 3 février 1947. Geneviève Anthonioz de Gaulle qui y fut déportée comme résistante y a assisté.

« Il y a quelques semaines […] se terminait le procès de 16 criminels du camp de Ravensbrück. Ce procès, qui avait duré environ deux mois, s’est tenu à Hambourg, sous la juridiction britannique. Pour la première fois, une déportée représentant les associations de déportées, a été admise comme observateur et conviée à assister à tous les débats. Ce procès s’est terminé par la condamnation à mort de onze des accusés. […] Dans ce procès on a évoqué […] l’assassinat collectif de 90000 femmes. On a recueilli les dépositions d’un certain nombre de témoins à charge ou à décharge, et les juges, avec honnêteté, avec rigueur, ont statué sur les cas de chacun des principaux accusés. […]

Aurait-on pu imaginer, en voyant Binder assis sur son banc, que c’était le même homme que nous avions connu, nous autres, la terreur de tout un camp ? […] Et ce Schwarzhuber […] plus intelligent que la moyenne des accusés (il était dans la vie civile
éditeur) a été cependant un des principaux sélectionneurs allemands, lui qui, pendant deux ans et demi, au camp de Birkenau, près d’Auschwitz a sélectionné tous les jours des hommes, des femmes et des enfants, dont 3 millions et demi ont été exterminés. Venant ensuite à Ravensbrück pour y organiser, en décembre 1944, les exterminations […].

Lorsque nous avons appris ces différents détails, nous avons senti un déchirement intense : que pouvait-il y avoir de commun en vérité, entre cet honnête procès et ce que nous avions vu ? Il semblait, entre les assistants de ce procès, juges ou public, et la réalité que nous avions connue, s’établir un véritable océan. Ce que nous avions connu était inexprimable.

Conférence de Geneviève Anthonioz de Gaulle en témoignage de sa présence au procès de Hambourg, 2 mai 1947, théâtre de Marigny, Paris.

Dans cette lettre du 11 mai 1949 adressée au Général Clay (gouverneur général de la zone d’occupation américaine) Walter Dom, historien américain et conseiller auprès du gouvernement militaire américain en Allemagne (1945-1949) fait un bilan de la
dénazification.

1.Si la dénazification voulait être efficace dans toute l’Allemagne, il aurait fallu la mener de manière uniforme dans les zones d’occupation. […] Il ne suffisait pas de condamner un ancien membre du parti dans l’une des zones s’il pouvait occuper une haute fonction publique dans une autre. […]

2. Il n’a jamais été possible de prouver que la dénazification était l’obstacle principal à la reprise économique comme le pensaient tant d’hommes d’affaires américains. […]

3. […] A mon avis, nous aurions eu plus de succès si le gouvernement militaire avait déterminé de manière arbitraire le nombre de 100000 cas à juger (les cas les plus graves) ; s’il avait rassemblé les preuves à charge et avait soumis ces personnes à des tribunaux allemands [plutôt qu’aux tribunaux] militaires alliés