Exposition 1 :
Les années 90 : l'espoir d'un nouvel ordre mondial ?
THEME 3 :
LA GOUVERNANCE MONDIALE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE

Chapitre 7 :
Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux
Les lieux du génocide rwandais
 

Le quotidien des Tutsis pendant le génocide rwandais

Tous les matins, je préparais aux enfants de la nourriture avec des aliments arrachés des parcelles ; ensuite je les emmenais à l'avance se dissimuler sous les feuillages des papyrus, en compagnie des grandes personnes qui avaient épuisé leur énergie. Il fallait, les jours de soleil, changer d'endroit, à cause des empreintes de pieds laissées dans la boue séchée. Quand les massacreurs arrivés, ils chantaient ; et c'était notre tour d'aller nous éparpiller dans les marais. Ils venaient vers 9h ou parfois 10 ou 11h, s'ils ne voulaient pas trop travaille. Certains jours, ils se déguisaient en diable, avec des pagnes sur les épaules et des coiffures de feuilles sur la tête. Parfois, ils tentaient de nous surprendre, posant sur leur pas en silence, mais on entendait le cri des singes macaques qui s'enfuyaient à leur passage.

Quand ils attrapaient une famille, ils frappaient premièrement le papa, deuxièmement la maman, puis les enfants, pour que tout le monde observe tout comme il faut. Ils passaient vers 16h30 sans tarder, parce qu'ils voulaient rentrer chez eux avant la nuit.

Alors, les fuyards chanceux fuyaient et se mettaient à fouiller dans les cachettes, pour essayer de trouver ceux qui avaient été tués. Les plus vaillants montaient vers l'école, pour s'abriter et reprendre un peu de vie commune. Les plus affaiblis se couchaient pour se sécher simplement sous les arbres les moins loin. Nous, la nuit, parce qu'on avait notre maison dans les parages, on rodait dans nos parcelles attenantes pour ramasser des aliments. On essayait de se donner des nouvelles des avoisinants qu'on avait aperçus dans la journée.

Témoignage de Berthe Mwanankabandi, 20 ans, cultivatrice. Cité par Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, Le Seuil, 2 000

Un génocide planifié

Note du major belge Hock, 2 mois avant le début du génocide.

Il est indéniable qu'il existe aujourd’hui au Rwanda des milices [Interahamwe (1)] qui sont le « bras armé » de l'extrémisme hutu (…). Elles bénéficient indubitablement du soutien, généralement discret mais parfois plus ouvert, d'autorités légales (…). Elles auraient notamment reçu la mission de localiser toutes les familles tutsies. Des assassinats de Tutsis seraient prévus dans les zones où ils sont concentrés. Dans les manifestations, les Interahamwe sont parfois armés de machettes, de gourdins et de pierres. Ils procéderaient également à la distribution clandestine d'armes au sein de la population.

Note du major Hock, Service général du renseignement et de la sécurité belge, 2 février 1994, archives du Tribunal pénal international pour le Rwanda

(1) Milices hutues qui prennent une part active aux massacres

Il y a 25 ans, le génocide au Rwanda
Le Rwanda commémore ce dimanche le 25e anniversaire du génocide de 1994 et ses 800 000 morts. Retour en vidéo sur l'une des dernières pages sombres du XXe siècle.
Original link
100 jours de massacres
 
Jacques Nkizingabo, crânes exposés au Mémorial du génocide des Tutsi, à Ntarama, Rwanda, 23 mars 2019
 
"L'enfer sur terre"
Une du magasine américain Newsweek, 1 août 1994
 
Un charnier dans une église

Église de Ntarama, Rwanda, 16 septembre 1994.
En une seule journée, le 15 avril 1994, plusieurs milliers de Tutsi, dont de nombreux enfants, sont exécutés dans l'église de Ntarama où ils avaient trouvé refuge au début du génocide. L'église est aujourd'hui l'un des six mémoriaux nationaux du génocide.
 
Le Rwanda en 1994, entre génocide et offensives militaires
D'après Vincent Duclert, La Documentation photographique, mars 2019.
Le 7 avril 1994, la communauté internationale décide de rapatrier les ressortissants et les Casques bleus, puis le Conseil de sécurité refuse de reconnaître le génocide en cours pour ne pas gêner l'évacuation. Toutefois, le 22 juin, la France, alliée du régime en place, décide de mener une intervention militaire au Rwanda. Vouée officiellement à mettre un terme au génocide, l'opération Turquoise vise surtout à repousser l'offensive du Front patriotique rwandais (FPR) face aux Forces armées rwandaises (FAR).
 
Le génocide au quotidien
« Tous les matins, je préparais aux enfants de la nourriture avec des aliments arrachés des parcelles ; ensuite, je les emmenais à l'avance se dissimuler sous les feuillages des papyrus […]. Quand les massacreurs arrivaient, ils chantaient […]. Ils venaient vers 9 heures ou parfois 10 ou 11 heures, s'ils ne voulaient pas trop travailler. […] Quand ils attrapaient une famille, ils frappaient premièrement le papa, deuxièmement la maman, puis les enfants, pour que tout le monde observe tout comme il faut. Ils passaient vers 16 h 30 sans tarder, parce qu'ils voulaient rentrer chez eux avant la nuit. Alors, les fuyards chanceux fuyaient et se mettaient à fouiller dans les cachettes, pour essayer de trouver ceux qui avaient été tués. […] Nous, la nuit, parce qu'on avait notre maison dans les parages, on rôdait dans nos parcelles attenantes pour amasser des aliments. »
Témoignage de Berthe Mwanankabandi, 20 ans, cultivatrice, 2000, dans A. Spiessens, Quand le bourreau prend la parole, Librairie Droz, 2016.