Philippe Boulanger, Géographie militaire et géostratégie. Enjeux et crises du monde contemporain, Armand Colin, 2015.
Agenda pour la paix de 1992
Texte rédigé par le secrétaire général de l'ONU M Boutros Boutros-Ghali
Ces dernières années ont vu s'effondrer la barrière idéologique quasiment insurmontable qui, pendant des décennies, avait nourri la suspicion et l’hostilité ainsi qu'un effroyable amoncellement de moyens de destruction (…). L'amélioration des relations entre l'est et l'ouest offre de nouvelles possibilités, dont certaines ont déjà été mises à profit, de lever les menaces pesant sur la sécurité commune (…). Les principales puissances nucléaires ont commencé à négocier des accords de réduction des armements (…). Depuis la création de l'Organisation des Nations unies en 1945, plus d'une centaine de conflits majeurs ont éclaté de par le monde, qui ont provoqué la mort de 2 millions d'êtres humains environs. L'ONU est restée impuissante devant nombre de ces crises en raison des vétos - au nombre de 279 - mis à l'action du Conseil de sécurité, qui illustrent bien les divisions de l'époque. La guerre froide s'est achevée, les vétos ont pris fin le 31 mai 1990, et les demandes adressées à l'organisation se sont multipliées. Impuissant, naguère, devant des situations qu'il n'avait pas été créé ni équipé pour maîtriser, le Conseil de sécurité est devenu un instrument central dans la prévention et le règlement des conflits aussi bien que dans la préservation de la paix. Nos buts doivent être désormais les suivants : (…) :
- Lorsqu'un conflit éclate, d'entreprendre de rétablir la paix en réglant les différends qui le sous-tendent ;
- De maintenir la paix, aussi précaire soit elle, lorsque cesse le combat et de contribuer à la mise en œuvre des accords auxquels sont parvenus les médiateurs ;
- De nous tenir prêts à prendre part au rétablissement de la paix sous ses diverses formes : reconstruire les institutions et les infrastructures des nations déchirées par la guerre civile et les conflits internes ; créé entre les nations précédemment en guerre des liens fondés sur l'avantage mutuel
Le rôle de l'ONU en question durant la guerre en ex-Yougoslavie
Bihac est une ville du nord-ouest de la Bosnie, peuplée de Bosniaques musulmans. Elle est décrétée zone de sécurité de l'ONU (1249 casques Bleus) mais attaquée par les Serbes en 1994.
Quand on est dans un pays en guerre, armés, et qu'on a pour ordre de ne pas utiliser ses armes, on est de fait du côté de l'agresseur, de celui qui essaie de conquérir du terrain. A Bihac, cela signifiait indéniablement être du côté des Serbes. J'ai menti à un certain nombre de gens à qui on avait dit « mais oui, on va vous aider, si la guerre arrive, vous n'aurez qu'à venir nous rejoindre dans le poste d'observation ». (…). Et le jour où la guerre arrivait, on n'était même plus dans le poste d'observation parce qu'on avait déménagé 2 jours avant.
François Crémieux, appelé du contingent en mission volontaire par l'ONU, en 1994 cité dans l'Histoire, n°460, juin 2019
Les faiblesses de l'ONU
Devant la multiplication des conflits régionaux, les Nations unies éprouvent de plus en plus de difficultés à se montrer efficaces. Au Rwanda, l'ONU est incapable de prévenir le génocide. En Sierra Léone et au Congo, les Casques Bleus sont impuissants. Au Kosovo, l'organisation n'est pas consultée quand les États-Unis décident de bombarder Milosevic (…). « Tout le monde avait oublié une chose, explique John Steinburner, un expert du Brookings Institute à Washington, c'est que l'ONU n'est pas une entité indépendante. Dans l'euphorie de la fin de la Guerre froide, certains ont fait semblant de croire que toutes les puissances allaient collaborer comme par magie sous l'égide onusienne. C'était une illusion. Il a fallu que l'ONU bataille au cas par cas, prêche une solution pacifique à chaque nouvelle crise (…).
Reste le rôle des États-Unis. S’imposant de facto comme la dernière grande puissance, l'Amérique a été tentée à de nombreuses reprises de jouer le rôle du « gendarme mondial », avec ou sans l'aval des Nations unies (…). « On peut tourner le problème dans tous les sens, le seul moyen d'améliorer le mode de fonctionnement de l'ONU, c'est que chaque pays coopère mieux avec son voisin au sein de l'institution », assure John Steinburner.
Libération ,9 novembre 1999