Un « génocide des voisins »
Les Tutsis n'imaginaient pas que le gouvernement allait les faire éliminer par leurs concitoyens et voisins les plus proches, tous endoctrinés et incités à commettre l'innommable. Moi aussi, j'ai été naïve. J'ai cru que les tueries n'auraient lieu qu'à Kigali, sans qu'ailleurs au Rwanda on soit inquiété ! A Muhima [quartier de Kigali] les pillages, les meurtres et les assassinats ont commencé. Les balles sifflaient sans relâche à nos oreilles. Chez notre voisin, un colonel du nom de Bizimana, plusieurs pelotons se sont rassemblés. Ils se sont réparti les tâches (…). Des cris et des gémissements fusés de toute part, mêlés aux sifflements des balles et au dernier soupir. Nous sommes précipitamment sortis de la maison pour fuir. Mon mari, Claver, et un homme appeler Munyyakayanza ont couru, prenant le chemin en contrebas de la maison qui conduit à Nyabugogo. Ils ont été arrêtés par des Interahamwe et regroupés
avec d'autres Tutsis venus d'ailleurs. Tous ont été tués ce 10 avril 1994 (…). Arrivées à une barrière érigée par des Interahamwe, j'ai trouvé M. Cyprien que je connaissais. M’apercevant, il m'a dit à voix basse : « Passe par là, ne passe pas par ici, sinon on va te tuer ».
Témoignage d'une rescapée, Irène Mukansigaye, cité dans F. Prudhomme, Cahiers de mémoire, Kigali, 2 019