Les visages de la puissance américaine
Si les Etats-Unis veulent rester forts, il leur faut aussi prêter attention à leur « puissance douce » (Soft Power). Qu’entends-je par-là exactement ? La puissance militaire et la puissance économique sont deux exemples de « puissance dure » (Hard Power) dont il est possible d'user pour amener les autres acteurs à modifier leur position : leur exercice repose alors soit sur l’incitation (carotte) soit sur la menace (bâton). Mais il existe aussi une manière indirecte d’exercer sa puissance : un pays peut obtenir les résultats souhaités sur la scène mondiale simplement parce que les autres pays veulent le suivre, qu'ils admirent ses valeurs, suivent son exemple, aspirent à son niveau de prospérité et d'ouverture (…). C'est cet aspect de la puissance - obtenir des autres qu'ils veuillent faire ce qu'on veut qu'ils fassent - que j'appelle puissance douce ; il s'agit de convaincre plutôt que de contraindre (…).
La puissance, au XXIème siècle, reposera sur un mélange de ressources dures et douces. Aucun pays n’est mieux doté que les Etats-Unis dans les 3 dimensions évoquées : puissance militaire, économique et douce
1991 | Opération "Tempête du désert" pour chasser les troupes irakiennes hors du Koweït |
1993-1994 | Opération "Restore HOpe" en Somalie pour soutenir les opérations de maintien de la paix |
1995 | Soutien aérien aux troupes de l'ONU et de l'OTAN en Bosnie-Herz&govine, qui précipite les accords de Dayton |
1998 | Bombardement de sites liés à Al-Qaïda au Soudan et en Afghanistan après les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie |
1999 | Bombardement de l'OTAN dans la guerre du Kosovo et intervention pour y installer un gouvernement contrôlé par la communauté internationale |
1999 | Soutien aux forces de l'ONU lors de l'indépendance du Timor-Oriental |
L’hyperpuissance et les autres
J’estime que depuis 1992, le terme de « superpuissance » ne suffit plus pour décrire les États-Unis. Terme trop connoté « Guerre froide », et trop exclusivement militaire, alors que la suprématie américaine d'aujourd’hui s’exerce aussi bien sur l'économie, la monnaie, la technologie, les domaines militaires que sur les modes de vie, la langue et les produits culturels de masse (…). C'est pourquoi j'emploie le terme d’ « hyperpuissance » que les médias américains jugent agressif alors qu'il n'est que descriptif.
La question pour cette hyperpuissance sans précédent est de savoir comment se comporter face à ses adversaires (…) mais surtout à l'égard de ses alliés et partenaires. Fidèles à ce que pense l'Amérique d'elle-même et du reste du monde depuis 2 siècles, la plupart des grands responsables ou des grands analystes américains ne doutent pas un instant que les États-Unis sont la « nation indispensable » et que celle-ci doit, dans l'intérêt de l'humanité, rester prépondérante (…). L'aptitude des États-Unis à accepter avec qui que ce soit et notamment avec l'Europe un partenariat autre que momentané ou partiel, et à passer de l'unilatéralisme au multilatéralisme, reste à démontrer.
La place des États-Unis dans le nouvel ordre mondial
Les États-Unis occupent une position particulière en ce qui concerne les affaires internationales. Nous reconnaissons ce fait et nous nous en réjouissons. Néanmoins, maintenant que la Guerre froide est terminée, beaucoup de gens se demandent si les États-Unis ont l'intention de se retirer du monde ou de continuer à avoir un rôle actif et, dans l'affirmative, à quelle fin. Je vais répondre aussi simplement que je le peux. Les États-Unis ont l'intention de rester engagés, d'être les premiers. Les États-Unis ne peuvent pas résoudre tous les problèmes, mais ils devront être, et ils le seront, le pivot du changement et celui de la paix. Alors que de nouveaux périls et de nouvelles occasions se présentent, notre objectif suprême sera d'élargir et de renforcer les démocraties du monde fondées sur l'économie de marché.
Discours de Bill Clinton, président des États-Unis, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le 27 septembre 1993
La Première Guerre du Golfe et le « nouvel ordre mondial »
Le 2 août 1990, l'invasion et l'annexion du Koweït conduisent le gouvernement américain à intervenir à la fois pour réagir devant une agression caractérisée et pour empêcher Saddam Hussein de contrôler les prix du pétrole. De plus, les États-Unis redoutent que l'Irak ne soit sur le point de posséder l'arme nucléaire.
En avril 1990, le conseiller du président Bush pour les affaires de sécurité, Brent Scowcroft, lance l'idée d'un nouvel ordre mondial au lendemain de l'invasion irakienne du Koweït. Au nom de cet ordre, l'Amérique ne pouvait laisser sans réponse l'agression irakienne (…).
Les États-Unis étaient la seule puissance mondiale capable de projeter à l'autre bout du monde une force militaire supérieure à celle de la puissance moyenne que constituait l'Irak. Toutefois, ce monopole de la superpuissance américaine s'est révélé avoir des limites. En effet, l'intervention américaine a été soumise à une double contrainte : l'obligation morale d'un large soutien international et la possibilité de trouver la plus grande partie du financement chez ses alliés arabes.
Yves-Henri Nouilhat, Les États-Unis le monde au XXème siècle, Armand Colin, 1997
George H. Bush, président des États-Unis, adresse à la nation, 16 janvier 1991 (trad. N. Davieau).