Les investissements chinois en Afrique
THEME 2 : UNE DIVERSIFICATION DES ESPACES ET DES ACTEURS DE LA PRODUCTION

G3 : DIversité et mutations des espaces productifs à l'échelle mondiale
Objectif : Construire une carte mentale permettant de comprendre les enjeux liés aux investissements chinois sur le continent africain.
A l'aide des corpus documentaires suivants et des vidéos travaillées en amont (et accessibles dans l'onglet Boite à outils), identifiez les informations permettant de caractériser les formes, les acteurs et les enjeux liés aux investissements chinois en Afrique.
Coup de pouce : Si besoin des questions d'analyse sont présentes en haut du corpus documentaire pour vous guider dans la sélection des informations.

Ces informations vous permettront ensuite de construire votre carte mentale de synthèse (pour vous aider un exemple d'ébauche de carte mentale se trouve dans la boite à outils).

Chaque membre du groupe travaille sur un des 5 corpus proposés.

Conseil : N'oubliez pas de travailler la question selon différents angles d'analyse (du point de vue de la Chine mais aussi du point de vue des pays africains)
Questions coup de pouce :
1) Quelles sont les principales destinations (pays) des investissements chinois en Afrique ?
2) Comment s'explique la forte croissance du commerce sino-africain et des investissements en Afrique au début des années 2000 ?
3) Quelle est l'évolution récente des investissements chinois en Afrique ? Comment pouvez-vous l'expliquer ?
3) Relevez les secteurs où les investissements chinois sont les plus massifs.
4) Dans quels types d'espaces (territoires) se concentrent particulièrement les investissements chinois ?
5) Comment la présence chinoise se traduit-elle dans les paysages ?
6) Quels sont les aspects positifs de la présence chinoise ?
7) Expliquez les principales critiques soulevées par les investissements chinois en Afrique.
Evolution de la place de la Chine en tant que partenaire commercial du continent africain
 

Contrôle chinois sur les mines africaines, caricature de Kevin KAL Kallaugher, The Economist, Kaltoons.com, 2020

Bulle :

« Contrairement à d’autres, nous ne le considérons pas comme un trou à merde »

Caricature faisant référence aux propos désobligeants tenus par Donald Trump en janvier 2018, dans lesquels il avait dénoncé les États africains comme des « trous merde », révélant l'importance qu'il attachait à l'Afrique.

 
Inauguration de la nouvelle ligne de train reliant Addis-Abeba (Ethiopie) à Djibouti
Inaugurée en octobre 2016, cette nouvelle ligne ferroviaire de 750 km relie la capitale éthiopienne à Djibouti, où se situe la première base militaire chinoise à l’étranger. Ce projet a été entièrement construit et financé par des entreprises chinoises.
 

Asymétrie, maillage et opportunisme chinois plutôt que partenariat économique avec le continent

Depuis 15 ans, Pékin s’est imposé comme le premier partenaire commercial de l’Afrique, puis comme le premier créditeur bilatéral du continent. Le volume du commerce bilatéral a été multiplié par 30 en vingt ans. (…). Depuis 2009, la Chine est en effet devenue le premier partenaire commercial du continent africain, bien que les échanges commerciaux demeurent faibles (notamment l’investissement chinois en Afrique) au regard des échanges économiques avec l’Asie, l’Europe ou l’Amérique du Nord. En 2023, le commerce bilatéral sino-africain a atteint 282 milliards de dollars. Cependant, l’Afrique représente seulement 3 % du commerce extérieur chinois. En 2021, 14 % des échanges extérieurs africains intervenaient avec la seule RPC. Certains pays africains considérés individuellement sont très dépendants à l’égard de la Chine. A titre d’exemple, 80 % des infrastructures sont réalisées par des opérateurs chinois à Djibouti, au Nigéria, au Congo, en République centrafricaine, ou en Guinée. Après la crise du Covid-19, le déficit commercial de l’Afrique s’est creusé pour atteindre 64 milliards de dollars, la Chine ayant enregistré une baisse de ses échanges avec ses principaux partenaires sur le continent – l’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigeria, la RDC et l’Égypte – qui sont principalement des pays riches en ressources naturelles que Pékin a sanctuarisé depuis plusieurs décennies.

Economiquement, l’asymétrie a été soutenue par les prêts chinois sur la période des 20 à 30 dernières années. Le volume de prêts est estimé à plus de 170 milliards de dollars entre 2000 et 2022, principalement orientés vers le financement d’infrastructures (ponts, routes, rails, infrastructures urbaines etc.) et divers projets de développements (zones franches, mines, zones de développement économiques), l’ensemble réparti entre 49 pays africains et plusieurs institutions régionales. Un pic a été atteint en 2016 avec un volume de 28,4 milliards de dollars. Depuis, les montants alloués ne cessent de diminuer, corrélativement aux moyens chinois réduits d’une part, et à une décision politique du Parti-Etat de glisser vers une forme nouvelle d’engagement financier en Afrique, quel que soit le contexte africain. L’ensemble du continent est impliqué dans ces dynamiques de prêts, cependant, les observateurs ont démontré qu’il y a une forte concentration dans la diffusion des prêts entre seulement quelques Etats africains. A titre d’exemple, l’Angola recevait près de 19 milliards de dollars de prêts pour l’année 2016. Plus généralement, dans la période prépandémique, les deux tiers des prêts chinois se sont concentrés sur sept pays africains (Angola, Ethiopie, Zambie, Kenya, Nigeria, Soudan, Cameroun).

La dette des pays africains envers la Chine est devenue un sujet important, sinon majeur, mais assez hétérogène selon les contextes bilatéraux. Cette dette est en miroir du volume des prêts octroyés depuis deux décennies. Ainsi, le volume peut-il varier de plus de 60 % à 11 % selon les Etats. Djibouti, l’Angola, la Zambie, le Congo ou le Nigeria figurent en haut du spectre avec plus de 60% de dette bilatérale avec la Chine, tandis que le Soudan, la Mauritanie, le Kenya sont en dessous de 25 à 20 % de dette bilatérale. Si la Chine n’est pas la seule responsable de l’endettement africain, il n’en demeure pas moins qu’elle en a été un acteur majeur au cours des dix dernières années sur le continent. Les experts estiment que la Chine détient aujourd’hui plus de 60 % de la dette extérieure bilatérale africaine – hors institutions financières internationales.

La stratégie économique chinoise se concentre d’abord sur des prêts chinois dans des secteurs ciblés : extractions de minerais, hydrocarbures, autres ressources naturelles. Puis, les prêts ciblent les grands projets d’infrastructures (Djibouti, Ethiopie, Nigeria, Congo, etc.) et enfin des prestations de services. Quatre grands opérateurs chinois concentrent la très grande majorité des dynamiques des prêts depuis plus de 20 ans. Ces banques n’ont pas tout à fait la même nature (entre « banque politique » et « banque commerciale »), mais toutes sont liées au Parti-Etat, qui opère au plan tactique selon les contextes locaux, au service d’une stratégie où la cohérence principale réside dans la sanctuarisation de ressources énergétiques, naturelles et agricoles d’une part et la construction d’infrastructures d’autre part.

La République démocratique du Congo (RDC) constitue un pays cible particulier dans le dispositif africain de la Chine (au même titre que la Guinée), en raison de sa richesse en minerais et en métaux rares : cuivre, or, cobalt, coltan, tungstène, bauxite, etc. A titre d’exemple, 70 % de l’approvisionnement mondial en cobalt est issue de la RDC. Depuis un peu plus d’une quinzaine d’années, ce sont précisément les acteurs chinois qui ont investi les mines de cobalt du pays, 15 des 19 mines de RDC. Le lithium africain suscite également les intérêts de Pékin. Du Zimbabwe au Mali (mine de Bougouni) en passant par la RDC et la Namibie, les acteurs miniers chinois et les outils de financement associés opéraient de manière accélérée avant la période de pandémie. Comme pour d’autres secteurs (technologies, agriculture, automobile etc.), Pékin a cherché à maîtriser l’ensemble de la filière de l’amont à l’aval. En ce sens, la domination de la Chine dans l’extraction (en amont) en Afrique lui assure ainsi une forme d’hégémonie industrielle (en aval).

De plus en plus la Chine perçoit le continent africain comme un vaste marché sur lequel l’industrie chinoise et ses technologies innovantes (3G, 4G et demain 5G, téléphonies, réseaux, « caméras intelligentes », antennes et relais, câbles sous-marins, etc.), en tête, peuvent constituer une alternative aux solutions occidentales, renforçant le déséquilibre très important de la relation commerciale et la dépendance croissante des Etats africains à la RPC. Le développement des intérêts chinois induit un renforcement de sa présence militaire et sécuritaire.

En matière d’infrastructures, les ports représentent une dimension majeure. Le déploiement commercial chinois et les relations politiques favorables ont largement participé à la constitution d’un maillage portuaire (à usage dual) de l’ensemble du pourtour du littoral africain (El Hamdania – Algérie, Alexandrie – Egypte, Djibouti, Bagamoyo et Dar es Salam – Tanzanie, Lobito – Angola, Durban – Afrique du Sud, Kribi – Cameroun, Lomé – Togo, Nouakchott – Mauritanie, etc.). Le lancement du projet Belt and Road Initiative représente un aspect important de la stratégie économique chinoise en Afrique, en passant par Djibouti et l’Egypte.

Dans le même temps, Pékin encourage vivement la constitution de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA) d’une part et cherche à dissiper les critiques quant aux méfaits des formes variées d’hégémonie et de prédation chinoise sur le continent.

Néanmoins, la perception négative de la Chine et des déséquilibres de sa présence depuis une génération sont de plus en plus palpables dans les sociétés africaines, même si élites politiques et intellectuelles, demeurent pas ou peu critiques publiquement vis-à-vis de ce partenaire majeur.

Emmanuel Véron, Chine-Afrique : une relation asymétrique et stratégique pour Pékin, article publié sur le site de la FMES (fondation méditerranéenne d’études stratégiques), 23 mai 2024