La République face aux crises
HISTOIRE - THEME 3
La Troisième République : un régime, un empire colonial
Le document iconographique à analyser
 
l'Affaire Dreyfus - Karambolage - ARTE
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Le mythe de l’apatride cupide

Je n'ai pas besoin qu'on me dise pourquoi Dreyfus a trahi (…). Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race (…). Quant à tous ceux qui disent que Dreyfus n'est pas un traître, le tout, c’est de s'entendre. Soit ! Ils ont raison : Dreyfus n'appartient pas à notre nation et dès lors comment la trahirait-il ? Les juifs sont de la patrie où ils trouvent leur plus grand intérêt et par là on peut dire qu'un juif n'est jamais un traître.

Maurice Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme, 1902

L'Action française : un mouvement antiparlementaire et antidreyfusard

L'Action française, créée en 1898 et dirigée par Charles Maurras, est un groupe politique nationaliste et royaliste qui critique la République.

La République c'est le mal. La République est le gouvernement des juifs, des juifs traîtres (…) comme Dreyfus (…).

La République est le gouvernement des pédagogues protestants qui importent d'Allemagne et de Suisse un système d'éducation qui abrutit et dépayse le cerveau des jeunes Français.

La République est le gouvernement des francs-maçons qui n'ont qu'une haine : l'Eglise ; qu’un amour : les sinécures (1) et le trésor public (…). Ils nous mènent à une banqueroute matérielle et morale, celle qui ruinera le rentier et l'ouvrier, le commerçant et le paysan, le fonctionnaire et l’électeur.

La République est le gouvernement de ces étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques… Ils accaparent le sol de la France. Ils disputent aux travailleurs de sang français leur juste salaire, ils font voter des lois qui ruinent l'industrie, contraignent les capitaux à l'émigration et mènent nos ressources au service [du roi d'Angleterre] Edouard VII ou [de l'empereur d'Allemagne] Guillaume II.

Affiche de l'Action française, 1908

(1) Travail peu éprouvant offrant une rémunération généreuse

La vision d'un écrivain d'extrême-droite

La mise en liberté du traître Dreyfus serait après tout un fait minime, mais si Dreyfus est plus qu'un traître, s'il est un symbole, c'est une autre affaire : c'est l'affaire Dreyfus ! (…). Le triomphe du camp qui soutient Dreyfus-symbole installerait décidément au pouvoir des hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre. Moi je veux la conservation de la France. C'est tout le nationalisme cette opposition (…). Il ne faut pas supprimer l'armée, parce qu'une milice ne suffirait point, je vous prie de le croire, en Lorraine (…). Il ne faut pas se plaindre du mouvement antisémite dans l'instant où l'on constate la puissance énorme de la nationalité juive qui menace de « chambardement » l'État français. C'est ce que n'entendront jamais, je le crois bien, les théoriciens de l'Université. Ils
répètent : « Je dois toujours agir de telle sorte que je puisse vouloir que mon action serve de règle universelle (1) ». Nullement, messieurs, laisser ses grands mots de toujours et d’universelle et puisque vous êtes Français, préoccupez-vous d'agir selon l'intérêt français.

Maurice Barrès, « L'Etat de la question », Le Journal, 4 octobre 1898

(1) Citation du philosophe allemand Kant dans son roman Les Déracinés (1897), Barrès dénonce l'enseignement de cette morale
universaliste qui éloignerait la jeunesse française de son identité nationale.