La République face aux crises
HISTOIRE - THEME 3
La Troisième République : un régime, un empire colonial

La mobilisation des dreyfusards au procès de Rennes en 1899

Républicains !

Ainsi que nous l'avions prévu, les généraux complices des faussaires, les jésuites (1) de l'Etat-major et toute la tourbe nationaliste viennent d'arracher du Conseil de guerre de Rennes un verdict déclarant que le colonel Henry (2) faussaire, que le commandant Esterhazy (3) faussaire, proxénète, escroc et traître sont des modèles de vertu et d'honneur et que le capitaine Dreyfus, parce que juif est le véritable traître (…).

C'est la lutte ouverte contre la démocratie républicaine, contre la République, contre les quelques libertés que nous possédons (…).

Ce n'est pas pour Dreyfus lui-même que nous vous invitons à lutter. C’est contre le verdict inique qui consacre le triomphe de nos mortels ennemis, les hommes noirs (4) qui s'apprêtent à nous ravir toutes nos libertés si chèrement conquises.
Aujourd'hui dimanche à 5heures, réunion de tous les véritables républicains, place du Champ-de-Mars, pour jeter à la face de nos ennemis les cléricaux menteurs et faussaires, notre cri de justice et de liberté.

Pour la République, Debout !

Tract de la Ligue de défense républicaine, Vienne (Isère), 11 septembre 1899

(1) Ici, « jésuite » signifie « sous l'influence de l'Eglise »

(2) Henri est l'auteur du faux qui fait condamner Dreyfus
(3) Esterhazy est le vrai coupable
(4) Hommes d'Eglise
Le document iconographique à analyser
 
l'Affaire Dreyfus - Karambolage - ARTE
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« J'accuse… ! » d'Emile Zola

Dans une lettre ouverte publiée en une du journal L’Aurore, Zola dénonce les irrégularités du procès de Dreyfus. Condamné à un an de prison et une lourde amende, l'écrivain s'exile en Angleterre.

Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies (…). Mais quelle tâche de boue (…) que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre d’oser acquitter un Esterhazy (…). La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice (…) ne la faisait pas, pleine et entière (…). Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis (…). J’accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées (…) pour sauver
l'état-major compromis. J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus coupables du même crime, l'un sans doute par passion cléricale, l'autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l'arche sainte (…). Je n'ignore pas que je me mets sous les coups des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation (…). L'acte que j'accomplis ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la vérité et de la justice.

Emile Zola, « J'accuse… ! Lettre au président de la République », L'Aurore, 13 janvier 1898