Bien que des politiques récentes, particulièrement en Italie, aient provoqué la résurgence des fameux « bateaux fantômes », qui arrivent en Italie sans avoir été repérés, et aient accru le risque que des naufrages ou des opérations visant à repousser des embarcations vers la Libye ne soient pas enregistrés, il ne fait aucun doute que le nombre de personnes qui traversent la Méditerranée a chuté. Ceci est surtout du fait de la délégation des contrôles aux frontières à la Libye depuis 2017.
Malgré cela, certains gouvernements maintiennent que l’Europe est confrontée à une « crise » et que les personnes réfugiées et migrantes sont une menace pour le continent, de même que les personnes qui les aident, y compris en les secourant en mer.
Encourager les divisions et alimenter la haine contre les étrangers, exploiter l’image des sauvetages en mer et accuser l’UE de tous les maux, même lorsque ce sont les États qui créent les problèmes, est une stratégie employée par des personnalités politiques dont l’objectif n’est pas de résoudre ces problèmes mais d’obtenir des voix. Les hommes, les femmes et les enfants abandonnés à leurs souffrances en mer ne sont que des pions sur cet échiquier politique.
S’ils veulent limiter le nombre de personnes qui se rendent irrégulièrement en Europe, ils doivent leur offrir des possibilités de venir légalement et en toute sécurité pour demander l’asile, chercher du travail ou rejoindre des proches. Cela ne signifie pas supprimer les contrôles aux frontières mais développer les voies sûres et légales et améliorer la gouvernance des migrations.
De toute évidence, des personnes continueront à traverser la mer dans des embarcations précaires, donc l’Europe doit être dotée d’un mécanisme d’intervention adéquat. Elle doit notamment disposer de suffisamment de navires de secours mais aussi établir une procédure de débarquement rapide et fiable, en accord avec le droit international, et un système équitable de partage des responsabilités à l’égard des personnes demandeuses d’asile entre les pays de l’UE.
Dans le cadre du soutien apporté par les États européens pour tenter de stabiliser la Libye, il convient de mettre l’accent sur la protection des droits humains, y compris ceux des personnes réfugiées et migrantes. L’aide et l’assistance européennes en Libye doivent contribuer à mettre fin au recours à la détention, à faire libérer rapidement toutes les personnes détenues arbitrairement et à garantir que les personnes réfugiées puissent être réinstallées dans un pays sûr.
Comme l’a déclaré Dimitris Avramopoulos, commissaire européen en charge des migrations, des affaires intérieures et de la citoyenneté, au sujet de l’affaire du Sea-Watch et du Sea-Eye :
L’Europe a connu des jours meilleurs. L’Union européenne repose sur les valeurs humaines et la solidarité. Et si les valeurs humaines et la solidarité ne sont pas préservées, ce n’est pas l’Europe. Dimitris Avramopoulos, commissaire européen en charge des migrations, des affaires intérieures et de la citoyenneté
Il semblerait que cette « autre » Europe dont il parle existe déjà. Néanmoins, la plupart des Européen·ne·s sont attaché·e·s aux droits humains et à la solidarité et les politiques visant à empêcher à tout prix la circulation des personnes n’emportent pas une adhésion aussi forte que leurs tenants voudraient le faire croire.
Nous devons couper court aux discours qui diabolisent à des fins purement politiques les personnes réfugiées et migrantes, et celles qui tentent de les aider. Beaucoup d’Européen·ne·s estiment qu’il est important de sauver des vies en mer, souhaitent un système d’asile et une gouvernance des migrations plus équitables et veulent faire en sorte que les droits des personnes qui migrent vers l’Europe soient protégés, et non amoindris.
Il n’y a pas de solution simple. Et c’est précisément à cause de la complexité de la situation que les responsables politiques doivent laisser l’alarmisme de côté et œuvrer à l’adoption de politiques crédibles, efficaces, humaines et réalistes qui respectent les droits humains au lieu de les rogner.
Article paru sur le site de l'ONG Amnesty Internationale, janvier 2019