Thème 4 : La Première Guerre mondiale : le "suicide de l'Europe" et la fin des empires européens
Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre
1ère étape : S'informer Votre première mission d'équipe consiste à prendre connaissance de votre corpus documentaire et de répondre aux questions qui l'accompagnent
2ème étape : Réaliser
Après avoir réalisé l'étape 1, il s'agit maintenant pour vous de prendre connaissances des images sur lesquelles vous devrez réaliser votre bande-son. Les vidéos sont toutes dans l'onglet (Vidéos de travail).
- Visionnez la vidéo de votre groupe une première fois sans l'arrêter
- Visionnez la vidéo une seconde fois pour procéder à son séquençage
- Rédigez le propos que vous allez associer à la vidéo


Questions : 1) Comment les soldats font-ils le deuil de leurs camarades ? 2) Quelles personnes peuvent être touchées par la mort d'un proche? Par quels sentiments ? 3) Comparez la manière dont chacun se représente le sacrifice du soldat ? 4) En quoi le travail de deuil est-il rendu particulièrement difficile dans le cadre de la 1ère Guerre mondiale ? 5) Quel message chacun des monuments aux morts entend-il faire passer sur la guerre et sur la mort des soldats ? 6) Quelles sont les fonctions attribuées aux monuments aux morts et aux cimetières militaires ?

La Gloire
Théophile Alexandre Steinlen, La Gloire : croquis de guerre, lithographie, 1915, Péronne, Historial de la Grande Guerre

En France, on compte 600 000 veuves et 1 million d'orphelins à la fin de la guerre. Les veuves, tutrices des enfants, sont assistés par un conseil de famille pour la vie quotidienne et la gestion de leurs biens.

 
Journal intime d'une mère
Roanne, 13 décembre 1914. Trois mois aujourd'hui et nous n'avons toujours rien de mon pauvre Maurice. Nous avons fini une Neuvaine pour lui le 8 décembre, tous nous avons communié et nous continuons de prier… et toujours rien ! (…)
15 décembre. Reçu hier deux pauvres petits paquets de chocolat envoyés à mon pauvre Maurice quand nous le croyions sur le front… J'ai eu aussitôt la vision d'autres paquets que nous recevrons peut-être un jour et qui ne laisseront plus place à aucun espoir… J'ai refoulé mes larmes, les enfants étaient là. Et puis, de l'espoir, j'en aurai jusqu'au bout, j'en veux avoir jusqu'à preuve certaine (…);.
28 décembre. Il n'y a plus d'espoir possible, nous avons l'acte de décès de mon pauvre enfant !
20 janvier 1915. Les jours se passent à penser à mon pauvre Maurice, dont le souvenir si bon, si doux, ne vous quitte pas (…). Ce sont des heures affreuses qu'il a passées tout seul à mourir, qui me torturent, qui me déchirent le coeur ! (…)
Jour de Pâques, 4 avril 1915 (…) Ce qui domine, c'est cette pensée de la Résurrection ! J'ai prié le Divin Maître de faire entrer beaucoup de nos braves soldats dans sa gloire, tous si cela se peut. Il est si bon et ils ont tant souffert ! Que mon pauvre Maurice bien aimé, que je pleure si souvent en silence, qu'il soit au Ciel aussi : et qu'il y prie pour nous tous !
Extraits du journal intime de Madame R., Etudes et documents, n°33, 1993, Centre de recherches ethnologiques du musée Alice Taverne, Ambierle (Loire), 1993

Perdre son père
Albert Gazier, syndicaliste dans l'entre-deux-guerres, résistant, puis ministre socialiste sous la IVème République, en 1977, évoque ici la mort de son père.
Né en 1908, sans attache régionale dans une famille de moyenne bourgeoisie universitaire, mon premier choc fut la mort de mon père (…).
Agé de 6 ans en 1914 et de dix en 1918, c'était hier (…). En 1916, passant des vacances en famille dans la banlieue parisienne, je sentis un certain jour que l'atmosphère de la maison se dégradait rapidement. On parlait bas. On se taisait puis on changeait de sujet parlant plus fort lors de l'entrée d'un enfant. Oncles, tantes, cousins se relayaient pour guetter le facteur.
Un matin, ma mère convoquée à la mairie rentre en larmes et court s'enfermer dans sa chambre où elle s'isola plusieurs semaines. Il est inutile de m'avertir. Je savais que mon père était mort. Tour chavirait en moi.
Capitaine d'infanterie, il avait été tué à Bouchavesnes au cours d'une de ces innombrables attaques au lourd bilan dont le but était de reconquérir quelques mètres de tranchée pour étoffer les communiqués gouvernementaux.
Albert Gazier, Autour d'une vie de militant, Témoignages, L'Harmattan, 2006

Le pèlerinage sur la tombe (1915)
Les parents du soldat Noël et du caporal Girodet se recueillent sur la tombe de leurs enfants (Chambry, Seine-et-Marne)
 
Le père, la mère par Käthe Kollwitz
Ces sculptures ont été placées dans le cimetière du Soldat tombé à Vladsloo Praedbosch, en Belgique. Artiste allemand, Käthe Kollwitz a consacré 18 ans de sa vie à sculpter ce monument en mémoire de son fils mort à 18 ans en 1914
 
Des sociétés endeuillées
Une du Petit Journal du 2 novembre 1919

 
Des monuments aux morts : Le monument aux morts d'Equeurdreville (Manche), réalisé par Emilie Rolez et inauguré en 1932 Le monument aux morts de Montbron (Charente-Maritime), réalisé par Emile Peyronnet dans les années 20 Le monument aux morts de Péronne (Somme), inauguré en 1926


Les cimetières militaires sur le front
Au bord du champ de betteraves, à quelques pas de la route, dans le sable de la Champagne, on voit un cimetière.
Des branches de bouleau lui font une clôture rustique qui n'enferme rien, qui laisse errer le vent et les yeux. Il y a un porche semblable à ceux des jardins normands. On a planté, près de l'entrée, quatre sapins qui sont morts debout, comme des soldats.
C'est un cimetière d'hommes.
Dans les villages, autour des églises, ou sur les beaux côteaux, parmi les vignes et les fleurs, il y a d'antiques cimetières que les siècles remplissent avec lenteur et où la femme repose à côté de l'homme et l'enfant à côté de l'aïeul.
Mais le cimetière que voici ne doit rien à la vieillesse ni à la maladie. C'est un cimetière d'hommes jeunes et forts.
On peut lire leur nom sur les cent petites croix pressées qui répètent tout le jour, en un chœur silencieux : "Il y a donc quelques chose de plus précieux que la vie, il y a donc quelque chose de plus nécessaire que la vie… puisque nous sommes ici."
Georges Duhamel, Vie des Martyrs, 1917, réédition 2005, Omnibus

Un cimetière sur le front
Après les batailles de la Marne et de champagne, identification et inhumation des soldats morts, juillet 1918
 
Des croix pour lutter contre l'oubli
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois. Non, votre martyre n'est pas fini, mes camarades et le fer vous blessera encore, quand la bêche du paysan fouillera votre tombe. Les maisons renaîtront sous leurs toits rouges, les ruines redeviendront des villes et les tranchées des champs, les soldats victorieux et las rentreront chez eux. Mais vous ne rentrerez jamais (…). Je songe à vos milliers de croix, alignées tout le long des grandes routes poudreuses, où elles semblent guetter la relève des vivants, qui ne viendra jamais faire lever les morts. Croix de 1914, ornés de drapeaux d'enfants qui ressemblez à des escadres en fête, croix d'Artois (…). Combien sont encore debout, des croix que j'ai plantées? Mes morts, mes pauvres morts, c'est maintenant que vous allez souffrir, sans croix pour vous garder (…). Je crois vous voir rôder, avec des gestes qui tâtonnent, et chercher dans la nuit éternelle, tous ces vivants ingrats qui déjà vous oublient.
Roland Dorgelès, Les Croix de bois, 1919

Cimetière militaire dans la Marne
 
Gérer le deuil dans la victoire Françoise Dolto a 10 ans au moment de la signature de l'armistice en 1918
Quand la fin de la guerre est arrivée, je me suis demandée comment on peut vivre quand ce n'est pas la guerre, parce que, pour moi, la guerre, c'était l'expérience de la vie sociale. Le jour de l'armistice surtout, j'étais dans un très grand désarroi, parce que nous connaissions des gens qui avaient perdu des êtres chers… Moi-même, il y avait cet oncle qui avait été tué, et il y avait une fête, une joie dans la ville de Paris. Ma mère et mon père sont allés avec les aînés et Jean (…) pour attendre le matin sur les Champs Elysées pour le défilé (…). J'ai tout de même vu quelque chose de cette liesse, parce que je suis sortie l'après-midi avec ma mère et Mademoiselle et Philippe qui avait cinq ans ("pour qu'on se souvienne") (…). Et moi, je me disais ; "Comment cela se fait-il que les gens se réjouissent tant et ne pensent pas aux morts et à ceux qui ne reviennent pas? " Et j'étais prise entre deux sentiments.
Françoise Dolto (1908-1988), médecin et psychanalyste, Enfances, Paris, Seuil, 1986