Thème 4 : La Première Guerre mondiale : le "suicide de l'Europe" et la fin des empires européens
Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre
1ère étape : S'informer Votre première mission d'équipe consiste à prendre connaissance de votre corpus documentaire et de répondre aux questions qui l'accompagnent
2ème étape : Réaliser
Après avoir réalisé l'étape 1, il s'agit maintenant pour vous de prendre connaissances des images sur lesquelles vous devrez réaliser votre bande-son. Les vidéos sont toutes dans l'onglet (Vidéos de travail).
- Visionnez la vidéo de votre groupe une première fois sans l'arrêter
- Visionnez la vidéo une seconde fois pour procéder à son séquençage
- Rédigez le propos que vous allez associer à la vidéo


Questions :

1) Comment les scientifiques sont-ils mobilisés pour l’effort de guerre ?

2) Quel sentiment se dégage du témoignage de la scientifique anglaise Martha Whiteley sur son activité durant la guerre ?

3) En quoi Marie Curie illustre-t-elle l’évolution du rôle des femmes pendant la Première Guerre mondiale ?

4) Montrez que la guerre est un temps d’innovations médicales.

5) Quel rôle joue la guerre en matière de recherche scientifique et technologique ? Pourquoi ?

Posted by yannmorel
Une scientifique anglaise au travail
Chimiste et mathématicienne anglaise Martha Whiteley devient pendant le conflit l'une des meilleures spécialistes des gaz toxiques. Après la guerre, elle est décorée pour ses recherches.
C'étaient des jours très excitants, car nos laboratoires étaient réquisitionnés par le ministère des Munitions, qui nous gardait très occupés à analyser et à étudier de petits échantillons ramassés sur le champs de bataille ou dans les endroits bombardés chez nous. Notamment des fusées, des explosifs et des gaz toxiques. J'ai eu le privilège de tester le premier échantillon d'un nouveau gaz, qui utilisé sur le front, avait forcé nos troupes à évacuer à Armentières, car on disait qu'il causait des brûlures: on l'appelait "gaz moutarde". J'ai testé ses propriétés en en appliquant une petite quantité sur mon bras, et pendant trois mois, j'ai souffert d'un très grand inconfort à cause de la blessure que cela avait causé sur mon coude (dont j'ai encore la cicatrice). Peu après, quand nous étions en train de travailler sur une façon de produire ce gaz nous-mêmes, mon bras était encore douloureux encore à cause de ce test.
Martha Annie Whiteley, discours au Royal Halloway College, vers 1930

Les sciences sollicitées par l'effort de guerre
"Dans la Grande Guerre, premier conflit total après la révolution industrielle, l'importance des sciences ne se mesure pas seulement à l'aune des innovations techniques. Les scientifiques ont en effet participé "activement à la guerre, chacun à sa façon, chacun selon ses moyens" comme y invitait le sociologue Emile Durkheim, lui-même trop âgé pour combattre: en élaborant des gaz de combat dans des laboratoires, en théorisant [...] les névroses de guerre, en collaborant avec les états-majors. [...]
Il est manifeste que, de 1914 à 1918, des mutations techniques d'importance sont intervenues avec l'emploi massif des chars, des avions, des sous-marins, des gaz ou des explosifs.[...]
La capacité à orchestrer une production de masse et son organisation scientifique, alors que la taylorisation était marginale en 1914 dans l'industrie européenne, devint partout le critère d'efficacité. Dès 1915, la pénurie d'explosifs montra que la victoire reviendrait au camp qui maîtriserait la production industrielle à très grande échelle;"
Anne Rasmussen, L'Histoire, Les Collections n°61, octobre-décembre 2013.
Attaque allemande en Belgique au gaz, septembre 1917.
 
Témoignage d'une "gueule cassée" sur la prise en charge médicale
Albert Jugon (1890-1959) est grièvement blessé par un éclat d'obus le 16 septembre 1914 et doit subir plusieurs opérations de reconstruction du visage de 1916 à 1920. Il est l'un des cinq grands mutilés de guerre invités à assister à la signature du traité de Versailles en juin 1919.
Personnellement, mon état n'a pas changé mais va changer incessamment (…). On va me refaire la partie supérieure, lèvre, nez (peut-être) et enfin boucher toute cette cavité, non point que le dentiste ait fini son traitement qui m'inspire de moins en moins, car je crois que si l'on attendait qu'il ait fini, on serait encore plusieurs mois là, mais comme la partie supérieure n'intéresse pas le maxillaire inférieur, on fait un appareil provisoire pour en haut qui permettra l'opération.
Albert Jugon, lettre à son frère Henri, janvier 1916
Archives privées de la famille Tranier-Jugon (cité par S. Delaporte, Visages de guerre. Les gueules cassées de la guerre de Sécession à nos jours, Paris, 2017)

 
Soldat portant un masque à gaz.
Le Char Renault FT, Musée de l'Armée, Paris. C'est le premier char moderne avec tourelle pivotante, produit à partir d'avril 1917. Utilisé pour la première fois en mai 1918, il est plus maniable et plus rapide que les premiers chars.

Marie Curie en quelques dates
1867 : Naît en Pologne
1891 : Arrive à Paris
1891-1894 : Etudie la physique et la Chimie à la Sorbonne
1895 : Epouse Pierre Curie, physicien renommé
1898 : Découvre avec son époux deux éléments radioactifs, le polonium et le radium
1903: Obtient le prix Nobel de physique avec son mari
1906 : Décès de Pierre Curie. Devient la première femme professeure à la Sorbonne
1911 : Obtient le prix Nobel de Chimie
1934 : Décès d'une leucémie

L'engagement de Marie Curie
Ayant voulu, comme tant d'autres, me mettre au service de la Défense nationale (…), je me suis presque aussitôt orientée du côté de la radiologie., m'efforçant de contribuer à l'organisation des services radiologiques notoirement insuffisants au début de la guerre. Le champ d'activité ainsi ouvert a absorbé la plus grande part de mon temps. J'ai eu la bonne fortune de trouver des moyens d'action.
Chargée de la direction technique de l'oeuvre radiologique du Patronage national des blessés, société de secours fondée sous la présidence de M.E. Lavisse, j'ai pu, avec l'aide libérale de cette oeuvre, créer un service de radiologie auxiliaire du service de santé militaire pour les hôpitaux des armées et des territoires. Ce service a pris une grande extension, en raison même des besoins auxquels il s'agissait de faire face.
Il m'a fallu faire de nombreux voyages aux hôpitaux et aux ambulances, pour vivre leur vie et participer à leur travail. Il m'a fallu aussi m'occuper de la formation de personnel pour les besoins du service (…).
Ainsi a été constituée la radiologie de guerre, dont l'extension n'a cessé d'augmenter jusqu'à la fin de celle-ci. Et si l'activité des services de radiologie s'est, naturellement, ralentie avec la cessation des hostilités, l'impulsion dont est sorti leur développement ne s'est point épuisée ; elle reste acquise comme élément d'action organisatrice, pour étendre à toute la population française les bienfaits d'une technique médicale dont l'usage était resté limité avant la guerre. Les circonstances ont fait qu'à cette évolution, encore inachevée, j'ai pris une part active.
Marie Curie, La Radiologie et la Guerre, 1921
Marie Curie et l'apport de la radiologie au soin des blessés de guerre
L'utilisation des rayons X permet de secourir plus d'un million de soldats français blessés entre 1914 et 1918.
" [Les rayons X] permettent de découvrir les projectiles qui ont pénétré dans le corps et d'en déterminer la localisation exacte en vue de leur extraction. Ils permettent de mettre en évidence les fractures (…). Ils permettent d'examiner l'état des organes internes (…). Les rayons X sont employés comme moyen de traitement de cicatrices vicieuses et de nombreuses affections (…). Au total, il n'est pas douteux que l'emploi des rayons X sauve la vie à de nombreux blessés et malades (…) ; à d'autres, il épargne des infirmités (…). Même en cas de blessures peu graves, les projectiles et les esquilles [fragments d'os] sont des causes de suppuration qui prolongent pendant des mois le séjour des soldats dans les hôpitaux. L'examen rapide de ces blessures légères, suivi d'interventions immédiates, a permis de récupérer un grand nombre d'hommes et de les renvoyer aux armées, ce qui a été extrêmement important dans une guerre aussi longue."
Marie Curie, Rapport sur l'activité du Laboratoire de physique générale pendant la guerre, 1919


Les "Petites Curies" pendant la guerre

Marie Curie au volant d’une voiture radiologique en 1917 (Paris, Musée Curie)

Au volant d’une des 18 unités radiologiques mobiles ou « Petites Curies » qu’elle a contribué à organiser, Marie Curie qui a obtenu son permis de conduire en 1916 effectue plus de 40 déplacements sur le front en France et en Belgique.

 
Posted by yannmorel
La science accusée
Ce n'est pas tout. La brûlante leçon est plus complète encore (…). Je n'en citerai qu'un exemple : les grandes vertus des peuples allemands ont engendré plus de maux que l'oisiveté jamais n'a créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, l'instruction la plus solide, la discipline et l'application les plus sérieuses, adaptées à d'épouvantables desseins (…). Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d'hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ? (…) Une fois née, une fois éprouvée et récompensée par ses applications matérielles, notre science devenue moyen de puissance, moyen de domination concrète (…) - cesse d'être une "fin en soi" et une activité artistique. Le savoir qui était une valeur de consommation devient une valeur d'échange. L'utilité du savoir fait du savoir une denrée, qui est désirable non plus par quelques amateurs très distingués, mais par tout le monde. Cette denrée, donc, se préparera sous des formes de plus en plus maniables ou comestibles ; elle se distribuera à une clientèle de plus en plus nombreuse ; elle deviendra chose du commerce, chose enfin qui s'imite et se produit un peu partout.
Paul Valery, La crise de l'esprit, 1919, Gallimard, Paris 1957