Le récit du génocide arménien par un journaliste allemand
L'auteur est le correspondant allemand de La Gazette de Cologne dans l'Empire ottoman, alors allié de l'Allemagne.
Le mouvement anti-arménien de grande envergure a commencé assez inopinément en avril 1915. Certains faits arrivés sur le théâtre de guerre dit caucasien [allusion au petit nombre d'Arméniens de l'Empire ottoman qui se sont engagés pour combattre avec l'armée russe], faits qu'on ne saurait nier, ont fourni très à propos au gouvernement turc le prétexte pour se ruer d'abord, comme des fauves déchaînés, sur les Arméniens des six "vilayets" orientaux [provinces de l'Empire ottoman] ou arméniens proprement dits et de faire table rase d'une façon sanglante, sans aucune distinction entre hommes, femmes et enfants (…). Les premières centaines de milliers de victimes arméniennes en furent le résultat (…). Mais ce ne fut pas tout malheureusement ! Le gouvernement turc est allé plus loin, bien plus loin. Car il visait le peuple arménien tout entier, et non seulement en Arménie, mais partout où il habitait, en Anatolie et dans la capitale (…).
En général, les déportés étaient transportés par de longues étapes à pied, mille fois brutalisés et violés en route, jusqu'à la frontière des territoires de population arabe ; et là-bas, dans la montagne aride, sans ressource, sans abri autre que de misérables petites tentes sales et froides, sans vivre, sans la possibilité de gagner un peu leur existence (…), ils attendaient la mort lente, mais presque certaine. Mais toujours, sans exception, les hommes furent séparés des femmes et enfants et transportés dans une autre contrée ; ce fut la caractéristique de ce système des déportations qui devaient détruire la racine même de ce peuple, en brisant tous les liens de famille ! Ainsi disparaissait peu à peu une très grande partie du peuple arménien.
Harry Stuermer, Deux ans de guerre à Constantinople, 1917
Note : Malgré son information, l’Allemagne n’a rien fait pour contraindre le gouvernement ottoman à interrompre les massacres parce que l’intérêt militaire a prévalu.