L'affirmation de l'Etat dans le royaume de France
THEME 3 :
L'Etat à l'époque moderne : France et Angleterre

La France en concurrence avec ses voisins européens

Le bon état des finances et l'augmentation des revenus de Votre Majesté consiste à augmenter par tous les moyens le nombre de l'argent monnayé qui roule, continuellement dans le royaume (…) en l’attirant des pays d'où il vient, en le conservant au-dedans du royaume, en empêchant qu'il n'en sorte, et en donnant des moyens aux hommes d'en tirer profit. Comme en ces 3 points consistent la grandeur, la puissance de l'Etat et la magnificence du roi par toutes les dépenses que les grands revenus donnent occasion de faire, qui est d'autant plus relevée qu’elle abaisse en même temps tous les Etats voisins, vu que n'y ayant qu'une même quantité d'argent qui roule dans toute l'Europe, (…) l'on ne peut parvenir à l'augmenter (…) qu’en même temps [que] l'on en ôte la même quantité aux Etats voisins (…).Votre Majesté (…) a entrepris une guerre d'argent contre toutes les État de l'Europe. Elle a déjà vaincu l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre (…). Il ne reste que la Hollande qui combat encore avec de grandes forces : son commerce du Nord (…), celui des Indes orientales (…), celui des Indes occidentales, ses manufactures, son commerce de Cadix, celui de Guinée et une infinité d'autres dans lesquels réside et consiste toute sa puissance. Votre Majesté a formé des compagnies qui, comme des armées, les attaquent partout (…).Les manufactures, le canal de transnavigation des mers (1) et tant d'autres établissements nouveaux que Votre Majesté fait, sont autant de corps de réserve que Votre Majesté créé et tire du néant pour bien faire leur devoir dans cette guerre (…).

Jean-Baptiste Colbert, Mémoires sur les finances, 1670

(1) Canal du Languedoc entre Toulouse et la Méditerranée
Colbert veut développer l'industrie et le commerce
Son but est de rendre le pays entier supérieur à tout autre en opulence, abondant en marchandises, riche en arts et fécond en biens de toute sorte, n'ayant besoin de rien et dispensateur de toutes choses aux autres États. En conséquence, il ne néglige rien pour acclimater en France les meilleures industries de chaque pays (1), et il empêche par diverses mesures les autres États d'introduire leurs produits dans ceux du Roi (2) (…). Son Excellence s'est appliquée à développer le grand commerce extérieur, le commerce maritime, celui des Indes principalement et du Levant (…). En fondant des compagnies, Son Excellence s’est efforcée de le développer dans les Indes occidentales, savoir dans les îles de Saint-Christophe, la Guadeloupe, où il est en bonne voie et d'où l'on tire sucres, peaux et beaucoup d'autres marchandises ; les affaires y vont assez bien, sans être fort avantageuses. Le principal effort a
eu pour but de prendre pied dans les Indes orientales, dont les produits sont connus pour être les plus nécessaires à l'homme ; et la France s'est mise en possession de l'île de Madagascar (…).
Marc-Antoine Giustiniani, ambassadeur vénitien en France, Rapport d'ambassade, 1665-1668
(1) L’Etat incite les spécialistes étrangers à s'installer en France
(2) Les droits de douane sont augmentés en 1664 et 1667
Louis XIV visite la manufacture des Gobelins
Simon Renard de Saint-André, Visite de Louis XIV à la Manufacture des Gobelins le 15 octobre 1667, XVIIIème siècle, chäteau de Versailles
 
Octroi d'un privilège de fabrication de tapisseries aux marchands Louis Hinard
Notre cher et bien-aimé le sieur Colbert (…), nous avons permis audit Louis Hinard d'établir ladite fabrique et manufacture de toutes sortes de tapisseries de verdure (1) et personnages de haute et basse lisse (2). Voulons que le dit Hinard, ses successeurs et ayant cause jouissent de ladite permission et établissement pendant 30 années (…). Sur la porte et frontispices desquels maisons et bâtiments, nous voulons qu'il soit mis et apposé un tableau de nos armes, contenant cette inscription : Manufacture royale de tapisseries (…). Lesdits (3) Hinard et associés seront tenus et obligés d'établir, la première année dudit établissement, jusqu'au nombre de 100 ouvriers, tant français qu’étrangers, et augmenter de pareil nombre de 100 en chacune desdites 6 premières années. Et, afin de faciliter encore mieux les moyens de faire venir des pays étrangers le plus grand nombre d'ouvriers que faire se pourra, nous ferons payer auxdits Hinard et associés, de nos deniers, la somme de 20 livres pour chacun desdits ouvriers. Et, comme il n'y a rien de plus important que d'y faire quantité d'apprentis français, lesdits Hinard et associés seront tenus d'en avoir continuellement et jusqu'au nombre de 50 au moins.
Lettre patente du roi Louis XIV pour l'établissement d'une manufacture royale de tapisserie à Beauvais confiée à Louis Hinard, août 1664. Pierre Clément, in Lettres, mémoires et instructions de Colbert, Paris 1861
(1) Tapisserie avec des décors végétaux
(2) 2 techniques différentes pour réaliser une tapisserie
(3) Désigne les personnes qui recevraient les biens d’Hinard en héritage

La fondation de la compagnie de commerce des Indes orientales (1664)

1. La compagnie des Indes orientales sera formée de tous nos sujets qui voudront y entrer pour telle somme qu'ils estiment à propos, chaque part ne pouvant être inférieure à mille livres.
9. La chambre ou direction générale des affaires de ladite compagnie sera établie en notre bonne ville de Paris et sera composée de 21 directeurs élus (…).
13. Ne pourra aucun des intéressés de la compagnie avoir voix pour l'élection du directeur s'il a moins de 10 000 livres dans la compagnie (…).
27. La compagnie pourra naviguer et négocier seule, à l'exclusion de tous les autres sujets, depuis le cap de Bonne Espérance jusque dans toutes les Indes et mers orientales, pour le temps de 50 années consécutives (…) pendant lequel temps il est fait défense à toute autre personne d’y faire navigation et commerce.
28. Appartiendra à ladite compagnie à perpétuité toutes les terres, places et iles qu'elle pourra conquérir sur nos ennemis ou qu'elle pourra occuper.
29. Nous donnons à ladite compagnie l'île de Madagascar et les îles voisines.
39. Nous promettons à ladite compagnie de la protéger et d'employer la force de nos armes en toute occasion pour la maintenir dans la liberté entière de son commerce et navigation.
44. Les marchandises qui viendront des Indes et seront déchargées dans les ports du royaume (…) ne paieront aucun droit d'entrée ni de sortie (…).

Donné à Vincennes en août, l'an de grâce 1664. Signé : Louis

Le comptoir commercial de Pondichery
Vue des magasins de la Compagnie des Indes à Pondichery, de l'amirauté et de la maison du Gouverneur, Comptoir français, XVIIIème siècle, Musée national des Arts africains et océaniens, Paris

En 1674, la Compagnies des Indes orientales fonde le comptoir commercial de Pondichery aux Indes. Au 1er plan, les navires de la Compagnie sont en partance pour le port de Lorient. Sur les quais, se trouvent les entrepôts de la compagnie et à l'arri-re-plan, la maison du gouverneur nommé par le roi.
 
La compagnie des Indes (1664), un acteur du grand commerce outre-mer
 
La rivalité commerciale dans les Indes orientales
En soutenant la création de la Compagnie française des Indes orientales en 1664, Colbert cherche à concurrencer les compagnies néerlandaises et anglaises qui dominent le commerce avec l’Asie.
 
L'échec de la compagnie du Levant
Le transit était accordé en premier lieu aux intéressés de la Compagnie du Levant du bureau de Paris. Sous prétexte d’augmenter le commerce dans les Echelles du Levant et pour faire passer au travers du royaume les marchandises qui n'y passaient pas auparavant. Mais (…) cette prétendue compagnie n'a jamais établi en Levant aucun comptoir ni magasin, elle n'a jamais eu ni vaisseaux ni barques.
Arrêt du Conseil d'Etat du roi portant révocation du transit de Marseille à Genève, 15 octobre 1704