L'affirmation de l'Etat dans le royaume de France
THEME 3 :
L'Etat à l'époque moderne : France et Angleterre
Rappel chronologique :
15 juin 1648 : Déclaration des 27 articles du Parlement de Paris
26 août 1648 : La régente Anne d'Autriche fait arrêter des parlementaires, Paris se soulève (journée dite des barricades)
Janvier 1649 : La régente, Mazarin et Louis XIV s'enfuient à Saint-Germain
1651-1653 : Fronde des princes
Octobre 1652 : Louis XIV et Anne d'Autriche rentrent triomphalement dans Paris
Février 1653 : Mazarin rentre à Paris
1682 : Louis XIV se fixe au chateau de Versailles et y installe sa cour

Doc 1 : La révolte du Parlement de Paris

En juin 1648, le Parlement de Paris propose au roi et à la régente un programme de réformes de l'Etat, connu sous le nom de « Déclaration de la chambre Saint-Louis ». Ce texte marque le début de la fronde parlementaire.

Art. 1 - Les intendants de justice et toutes autres commissions extraordinaires non vérifiées par les cours souveraines (1), seront révoquées dès à présent.

Art. 3 - Ne seront faites aucune imposition et taxe qu'en vertu d’édits et de déclarations bien et dûment vérifiés par les cours souveraines, auxquelles la connaissance en appartient (…) ; et l'exécution de ces édits sera réservée à ces cours.

Art. 6 - Aucun des sujets du roi, de quelque qualité et condition qu'il soit, ne pourra être détenu prisonnier passé vingt-quatre heures sans être interrogé suivant les ordonnances et rendu à son juge naturel (…).

Art. 7 - Il ne pourra à l'avenir être fait aucune création d'offices, tant dans le domaine de la justice que de la finance, que par des édits vérifiés par les cours souveraines.

Cour du Parlement, Déclaration des 27 articles, juin 1648

(1) Essentiellement les parlements et la Chambre des comptes

Doc 2 : L’armée du prince de Condé, frondeuse, repousse l’armée royale

Anonyme,Combats de deux chevaliers sous les murs de la contrescarpe de la Bastille, huile sur toile, Versailles, Musée nationale du château

L’armée des Princes (des Grands), dirigée par Condé, affronte l’armée royale de Turenne, en 1652, devant Paris. Condé se réfugie ensuite dans la capitale qu’il quitte le 13 octobre 1652.

 
 
Doc 4 : L'état des esprits après la Fronde

Présentement, il n'y a nul changement à attendre en ce royaume. Les peuples sont accablés de misère, de tailles, de toutes sortes mais ils aiment mieux les subir plutôt que la guerre. La noblesse est tellement ruinée qu'elle n'est point capable de monter à cheval pour aucune expédition (…). Les parlements sont tous asservis et ceux qui les composent n'oseraient parler ni rien dire contre le gouvernement. Les grandes villes n'aspirent qu’au repos et détestent tous ceux qui ont été les auteurs des derniers troubles. Le clergé tout dépendant de la Cour et du favori (Mazarin) dès qu'il a reçu ses bénéfices. Tous les gouverneurs de place sont de même attachés à la Cour et au Cardinal. Tous les grands seigneurs se plaignent et je n'en connais pas un seul qui soit capable de rien (…). On voit clairement que dans Paris, on veut le repos et qu'on ne veut plus entendre aucun remuement, cela est certain (…). L'état demeure tranquille.

Lettre d'un correspondant parisien au gouvernement anglais, 8 juillet 1655

Versailles, une ville palais
Pierre Patel, Le château de Versailles, huile sur toile, 1668, château de Versailles
Le château a été construit sur un axe est-ouest pour suivre la course du soleil. Le canal en construction à cette date a nécessité des travaux complexes. La chapelle, construite entre 1709 et 1711, n'apparait pas encore ici
 
Louis XIV récompense des nobles
François Marot, Institution de l'ordre militaire de Saint-Louis,1710, Musée du château de Versailles
La toile présente la cérémonie qui a lieu le 10 mai 1693 au cours de laquelle la première promotion d'officiers militaires ayant servi la monarchie a été récompensée de l'ordre de Saint-Louis. Elle a lieu dans la cham bre du roi, où l'étiquette exige que nul ne se couvre.
 
Une prison dorée pour les courtisans
Courtisan sous Louis XIV, Saint-Simon, une fois retiré sur ses terres, critique le système de cour.
« Les fêtes fréquentes, les promenades particulières à Versailles, les voyages, furent des moyens que le roi saisit pour […] tenir chacun assidu et attentif à lui plaire. […] Non seulement il était sensible à la présence continuelle de ce qu’il y avait de distingué, mais il l’était aussi aux étages inférieurs. Il regardait à droite et à gauche à son lever, à son coucher, à ses repas, en passant dans les appartements, dans les jardins de Versailles, où seulement les courtisans avaient la liberté de le suivre ; il voyait et remarquait tout le monde ; aucun ne lui échappait […]. C’était un démérite aux uns […] de ne pas faire de la cour son séjour ordinaire, aux autres d’y venir rarement, et une disgrâce sûre pour qui n’y venait jamais. »
Duc de Saint-Simon, Mémoires, 1739-1749.
L'utilité politique des cérémonies

Louis XIV a dicté ce texte pour préparer son fils Louis (1661-1711) au métier de roi

Ceux-là s'abusent lourdement, qui s'imaginent que ce ne sont là que des affaires de cérémonies. Les peuples sur qui nous régnions (…) règlent d'ordinaire leurs jugements sur ce qu'ils voient en dehors, et c'est le plus souvent sur les préséances et les rangs qu'ils mesurent leur respect et leur obéissance. Comme il est important au public de n'être gouverné que par un seul, il lui est important aussi que celui qui fait cette fonction soit élevé de telle sorte au-dessus des autres qu'il n'ait personne qu'il puisse ni confondre ni comparer avec lui, et l'on ne peut, sans faire tort à tout le corps de l'Etat,
ôter à son chef les moindres marques de la supériorité qui le distingue des membres.
Louis XIV, Mémoires pour l'instruction du dauphin, 1665
L’asservissent de la noblesse à la cour : une thèse à nuancer
Le roi aurait favorisé une économie de la dépense devenue un système d'asservissement, en obligeant les courtisans à se ruiner en vêtements, parfums, toilettes, bijoux luxueux ou au jeu pour montrer leur rang. Tous n'ayant pas les moyens de vivre aussi largement, les nobles seraient ensuite devenus encore plus dépendants des pensions et charges distribuées par le roi, seul capable désormais d'assurer leur train de vie dispendieux.Le développement de l'étiquette serait le deuxième volet de ce système de domestication, dans la mesure où les courtisans guettaient désormais les moindres signes de faveur ou de disgrâce (…).Si la thèse de la domestication de la noblesse reste en grande partie valable, elle doit aujourd'hui être nuancée dans la mesure où le système versaillais est plus accepté qu'imposé aux courtisans qui y trouvent de nombreux avantages. En effet, ils peuvent mieux se situer dans la hiérarchie sociale.D'autre part, les courtisans reçoivent d'importantes pensions du roi et des charges prestigieuses dans l'armée, la diplomatie ou à la cour. Pour eux, le service du roi est loin d'être une contrainte mais surtout un honneur et une récompense (…). D'autre part, il ne faut pas s'imaginer que toute la noblesse se presse à Versailles pour voir le roi, puisque sur 200 000 nobles, seuls 5 000 courtisans environ vivent dans la capitale.
Etienne Bourdieu, Jean-Philippe Sénat, David Richardson, Les temps modernes XVIème - XVIIIème siècle, Armand Colin, 2018