L'affirmation de l'Etat dans le royaume de France
THEME 3 :
L'Etat à l'époque moderne : France et Angleterre

Rappel chronologique

1562 : Début des guerres de religion

24 août 1572 : Massacre de la Saint Barthélémy : le roi Charles IX ordonne d’assassiner les chefs protestants réunis à Paris

Décembre 1588 : Le roi Henri III fait assassiner le duc de Guise, chef de la Ligue catholique, l’organisation armée fondée en 1576 pour empêcher tout acte de tolérance à l’égard des protestants
1589 : Le roi Henri III est assassiné par un ligueur (Jacques Clément). Le protestant Henri de Navarre hérite du royaume de France sous le nom d’Henri IV
1598 Signature de l'édit de Nantes, édit de tolérance
1610 : Assassinat d'Henri IV par Ravaillac, un cahtolique qui n'a pas accepté l'édit de Nantes
1629 : Capitulation de la Rochelle (capitale protestante), l'édit d'Alès retire leurs places fortes aux protestants
1685 : Signature de l'édit de Fontainebleau, révoquant l'édit de Nantes

La dernière guerre de religion sous Henri IV (1589-1598)
Dès son avénement, Henri Iv lutte contre la Ligue, le parti catholique anti-protestant. En 1598, Nantes, dernière ville ligueuse, se rend au roi qui y signe alors l'édit qui met fin à 36 ans de guerre.
 
Massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572)
François Dubois, Le massacre de la Saint-Barthélémy, musée cantonal des Beaux Arts de Lausanne

L'assassinat du roi Henri III (août 1589)
Détail d'une estampe gravée par Frans Hogenberg, XVIème siècle, BNF, Paris

Voulant rétablir son autorité sur le royaume, Henri III fait tuer le chef de la Ligue catholique, le duc de Guise, le 23 décembre 1588. Le 1er août 1589, Jacques Clément, un moie de la Ligue, l'assassine à son tour d'un coup de couteau

La Ligue catholique rejette l'autorité royale

Après l'assassinat par le roi Henri III du duc de Guise en décembre 1588, la ville de Paris, aux mains de la Ligue, se retourne contre le roi.
La révolte fut générale le propre jour de Noël (1) (…). Les théologiens assemblés au collège de la Sorbonne arrêtèrent qu'en considération de ce qui était arrivé à Blois (2), les sujets étaient non seulement quittes du serment de fidélité et obéissance qu'ils devaient au Roi ; mais aussi que sans charges pour leur conscience, ils pouvaient s'armer, s'unir et lever des deniers contre lui (…). Les arrêts de la cour du Parlement et les lettres de la Chancellerie ne sont plus délivrés sous le nom du Roi (…).
Hommes et femmes font des processions en chemise, communient tous les dimanches, se retrouvent au service divin depuis le matin jusqu'au soir, non pour apaiser la colère de Dieu, mais pour la provoquer contre le roi (…). Outre tout cela, on a assuré au Roi, que quelques hommes désespérés, avaient juré et conjuré sa mort (…).
C'est une vraie anarchie (…). Une infinité de villes se délient de l'obéissance à leur Roi. Que dis-je villes ? Il y a des provinces entières
qui se mettent de la partie.

Etienne Pasquier, Lettre à maître Nicolas Pasquier son fils, 1589

(1) Le 25 décembre 1588

(2) Assassinat du duc de Guise
Extraits de l'édit de Nantes (1598)
L’édit de Nantes est promulgué par Henri IV le 30 avril 1598. Il comprend 92 articles et est précédé d'un préambule.
Art.1. Défendons à tous nos sujets de se provoquer l'un l'autre sur ce qui s'est passé (…)
Art. 3. Ordonnons que la religion catholique soit rétablie en tous lieux et endroits de notre royaume pour y être paisiblement et librement exercée, sans aucun trouble ou empêchement (…)
Art.6. Avons permis et permettons à ceux de la religion prétendue réformée de vivre partout dans notre royaume sans être vexés, brutalisés ni astreints à faire quelque chose contre leur conscience
Art. 9. Nous permettons à ceux de la religion prétendue réformée de continuer l'exercice public de leur religion là où il était établi et fait publiquement en 1596 et 1597.
Art.11. Davantage, nous ordonnons que dans les faubourgs d'une ville de chaque bailliage (1), et en plus de celles déjà accordées, l'exercice de la religion prétendue réformée puisse se faire publiquement (…).
Art.18. Défendons aussi à tous nos sujets d'enlever par force, contre le gré de leurs parents, des enfants de la dite religion pour les faire baptiser ou confirmer en l'Eglise catholique (…).
Art. 22. Ordonnons qu'il ne sera fait ni différence, ni distinction entre les religions pour être admis dans les universités, collèges et écoles et les malades et pauvres dans les hôpitaux et les léproseries.
Extraits de l'idée de Nantes, 1598
(1) Une circonscription administrative
Henri IV fait enregistrer l'édit de Nantes

Tout édit Royal doit être enregistré par le Parlement de Paris.

Je vous prie d'enregistrer l’édit que j'ai accordé à ceux de la religion prétendue réformée [les protestants]. Ce que j'ai fait pour le bien de la paix, je l'ai faite au dehors, je la veux au-dedans. Vous devez m'obéir compte tenu de ma qualité et de l'obligation qu’ont tous mes sujets envers moi. Si l'obéissance était due à mes prédécesseurs, elle m'est due autant et plus parce que j'ai rétabli l'Etat, Dieu m'ayant choisi pour me mettre à la tête du royaume qui est mien par héritage. N'invoquait pas la religion catholique : je l'aime plus que vous, je suis plus catholique que vous : je suis fils aimé de l'Eglise (…). Je suis roi maintenant et parle en roi, et veut être obéi (…).
Faites seulement ce que je vous commande. Vous ne le ferez pas seulement pour moi mais aussi pour vous et pour le bien de la paix.
Déclaration du roi Henri IV face aux magistrats du Parlement de Paris convoqués au Louvre, 1599
Richelieu face aux désordres
« Lorsque Votre Majesté se résolut à me donner en même temps et l’entrée de ses Conseils et une grande part de sa confiance pour la direction de ses affaires, je puis dire avec vérité que les Huguenots (1) partageaient l’Etat avec Elle, que les Grands se conduisaient comme s’ils n’eussent pas été ses sujet et les plus puissants gouverneurs de provinces
comme s’ils eussent été souverains dans leurs charges. Je puis dire encore que les alliances étrangères étaient méprisées, les intérêts particuliers préférés aux intérêts publics, en un mot, la dignité de Votre Majesté royale tellement ravalée et si différente de ce qu’elle devait être (...), qu’il était presque impossible de la reconnaitre. Outre toutes les difficultés que je représentai à Votre Majesté, je lui promis d’employer toute mon industrie et toute l’autorité qu’il lui plaisait de me donner pour ruiner le parti Huguenot, rabaisser l’orgueil des Grands, réduire tous ses sujets à leurs devoirs et relever son nom dans les nations étrangères au point où il devait être.

Richelieu, Testament politique, éditions Honoré Champion, 2012

1. Huguenots : protestants
La fin de la tolérance civile à l'égard des protestants
Gottfried Engelmann, Nouveaux missionnaires, caricature hollandaise d'après un dessin de 1686, Paris, Bnf

De 1681 à 1685, Louis XIV envoie des soldats de son armée, les dragons (à gauche), dans mes provinces avec l'ordre de loger chez les habitants protestants (à doite) considérés comme hérétiques afin de les forcer à se convertir à la religion catholique : ce sont les dragonnades
 
Le bilan de Vauban
Vauban, célèbre ingénieur militaire, expose les conséquences de l’Edit de Fontainebleau, au moment où la France entre dans une longue guerre (dite de la Ligue d’Augsbourg de 1689 à 1697)
  1. Ce projet, si pieux, si saint et si juste, dont l’exécution paraissait si possible, loin de produire l’effet qu’on devait en attendre, a causé et peut encore causer une infinité de maux très dommageables à l’Etat. Ceux qu’ils ont causé sont : La désertion de 80 ou 90 000 personnes de toutes conditions, sorties du royaume, qui ont emporté avec elles plus de 30 millions de livres de l’argent le plus comptant ;
  2. [L’affaiblissement de] nos arts et manufactures particulières, la plupart inconnus aux étrangers, qui attiraient en France un argent très considérable de toutes les contrées de l’Europe ;
  3. La ruine de la plus considérable partie du commerce ;
  4. Il a grossi les flottes ennemies de 8 à 9 000 matelots, des meilleurs du royaume ;
  5. Et leurs armées de 5 à 600 officiers et de 10 à 12 000 soldats, beaucoup plus aguerris que les leurs, comme ils ne l’ont que trop fait voir dans les occasions qui se sont présentées de s’employer contre nous.A l’égard des restés dans le royaume, on ne saurait dire s’il y en a un seul de véritablement converti.
Vauban, Mémoire pour le rappel des huguenots, 1689

Louis XIV révoque l’Edit de Nantes

Le 22 de ce mois, on publie ici un édit du Roi (…) par lequel sa Majesté a révoqué l’édit de Nantes de l’an 1698 (…). Sa Majesté défend par cet édit, de faire, aucun exercice public de la même religion (1) dans son royaume, et ordonne que tous les temples soient incessamment démolis. Défenses sont faites à tous ceux de la religion prétendue réformée, de s’assembler en aucun lieu ou maison particulière pour en faire l’exercice (…). Sa Majesté enjoint à tous les ministres de sortir du royaume dans les quinze jours (…). Sa Majesté défend toutes les écoles particulières pour les enfants de ceux de la religion prétendue réformée. Ceux qui naîtront seront désormais baptisés par les curés des paroisses, et élevés dans la religion catholique. Ceux de la religion prétendue réformée qui sont sortis du royaume avant la publication de cet édit, pourront y revenir dans quatre mois : à faute de quoi leurs biens seront confisqués (…). Par le même édit, le roi fait de nouvelles défenses à tous ses sujets de la religion prétendue réformée qui sont dans le royaume d’en sortir sous peine de galères pour les hommes (…).
Article publié dans La Gazette de Théophraste Renaudot, 27 octobre 1685

(1) La religion protestante