Céline Vacchiani-Marcuzzo, « Le Cap, Durban, Johannesburg : trois métropoles face au défi de la mondialisation », Questions internationales, n° 71, janvier-février 2015.
« L'étirement de l'agglomération a sa conséquence : une distance de plus en plus grande entre riches et pauvres, les uns glissant vers le nord, les autres repoussés au sud […]. En même temps, l'accroissement de la criminalité et la peur de l'autre ont renforcé les processus d'exclusion en poussant de plus en plus de citadins aisés à s'enfermer dans des complexes sécurisés. »
Philippe Gervais-Lambony, L'Afrique du Sud, entre héritages et émergence, La Documentation française, 2012.
La gentrification de Johannesburg
24 ans après la fin de l'apartheid, l'organisation spatiale de Johannesburg reste très largement marquée par les politiques raciales du régime ségrégationniste. Dans les années 1950, les populations noires ont été massivement relogées dans des quartiers en bordure des villes. En 1994, la transition a vu l'abolition des lois limitant la liberté d'installation des Noirs. A la suite de l'afflux de populations noires dans le centre, les Blancs ont préféré fuir dans les banlieues nord, opulentes et verdoyantes. Les grandes entreprises se sont installées à Sandton, nouveau quartier d'affaires ultramoderne. Tombé en décrépitude, le centre-ville connaît alors des niveaux de criminalité parmi les plus élevés du pays. Mais, certains bâtiments sont peu à peu rénovés et, lentement, les habitants reviennent. Le projet Jewel City vise à restaurer l'ancienne bourse aux diamants et à créer un nouveau quartier avec école, clinique, commerces et, bien sûr, sécurité renforcée. Mais cette effervescence fait aussi des mécontents. Noluthando Sithebe tient une boutique d'artisanat dans l'un des premiers quartiers à avoir été revitalisés. « Les nouveaux propriétaires sont blancs et ils veulent faire partir tous les commerces tenus par des Noirs », accuse la jeune femme, qui regrette la gentrification d'un quartier jusque-là consacré aux artistes et à la créativité.
Le Monde, 6 décembre 2018