La Sibérie, une marge ou périphérie intégrée ?
Une si grande ville [Iakoutsk] en des parages aussi hostiles, à quelques centaines de kilomètres au sud du cercle polaire, ressemble à une anomalie. La Iakoutie regorge de mines d'or, de diamant, de gaz et de pétrole. La prospérité de la Fédération vaut bien que 300 000 personnes grelottent un peu (…). La rusticité constitue une part de l'identité slave. Les Russes éprouvent une fierté à peupler les endroits les plus hostiles de la planète et la Iakoutie, justement, cumule les records. Celui de l'espérance de vie, d'abord : elle est de moins de 50 ans pour les hommes.
Sylvain Tesson, « Iakoutsk, bienvenue dans la ville la plus froide du monde », Le Figaro, 26 février 2011
Vladivostok, ville transfrontalière dynamique
Dans les années 1990, Vladivostok sombre alors dans une crise profonde et devient une des capitales du crime organisé. Dans les années 2000, sous l'impulsion de Vladimir Poutine, une reconstruction d'ampleur est entamée : la flotte du Pacifique est reconstituée, de nouvelles activités économiques se tournent vers l'Asie (…). En octobre 2015, Vladivostok devient un port franc, c'est à dire une zone portuaire bénéficiant d'un régime particulier de douane et d'impôts, censée favoriser les activités commerciales et les investissements. Ce statut cherche à améliorer le commerce transfrontalier, développer les infrastructures de transport, s'intégrer dans les routes de transport mondial tels que les routes de la soie chinoise ou la route maritime du Nord.
Camille Escudé, « Vladivostok, une des plus grandes bases militaires sur l'océan Pacifique », Géoimage, 2019
Les relations compliquées avec l'Union européenne
Russie et Europe continuent d'entretenir des relations poussées : les jeunes Russes font des études en Europe, les échanges commerciaux restent importants (…). La Russie pratique également une politique de soft Power pour influencer les gouvernements et les populations européennes. La promotion de la langue et de la culture russe et les grands événements sportifs (Jeux olympiques d'hiver de Sotchi en 2014, Coupe du monde de football en 2018) ont pour objectif de donner une envergure internationale à la Russie. L'Ukraine reste un pivot des tensions. Le pays est donc coupé en 2 depuis 2014 : La Russie exerce son autorité sur les régions du Donbass et de la Crimée, qu'elle a annexées (…). L'investissement dans l'armée est une priorité pour le gouvernement, qui a investi 69 milliards de dollars en 2016, soit 5,3% de son PIB (contre 3,3% pour les États-Unis et 1,9% pour la Chine). La Russie pourrait cependant essayer de jouer sur d'autres plans pour déstabiliser ses voisins, comme la dépendance au gaz. 30% de la consommation de gaz de l'Union européenne vient en effet de la Russie.
Sophie Brocard, « Russie - Union européenne : un état des lieux », Toutel'Europe.eu, 2018
La réémergence de la Russie en tant que puissance ?
Jean de Gliniasty, chercheur à l'IRIS et ancien ambassadeur de France à Moscou, nie l'idée que la Russie soit isolée diplomatiquement.
Depuis le début des années 2010, la Russie a développé une véritable politique asiatique, qui ne se réduit pas à sa relation privilégiée avec la Chine. Elle dispose depuis toujours d'une politique latino-américaine. Au Moyen-Orient, (…) elle est incontournable. Il lui manquait l'Afrique, mais elle s'emploie à y remédier. On assiste en réalité à un véritable pèlerinage diplomatique à Moscou et à Sotchi [résidence de vacances de Vladimir Poutine, ndlr]. Asiatiques, Arabes, Africains, le monde entier s'y presse. La particularité, c’est que la Russie est une puissance mondiale, mais avec peu de moyens. Elle a un PIB inférieur à celui de l'Italie et un budget militaire inférieur à celui de la France. Elle est influente, mais ne dispose ni d'un tissu dense de PME à déployer à l'étranger, ni d'une vaste communauté d'expatriés, ni d'une forte capacité financière. Mais elle compense ses manques par beaucoup d'intelligence diplomatique.
« Comment la Russie est redevenue une puissance mondiale », Le Figaro, 23 octobre 2019