Les mécanismes de la prolifération nucléaire
La situation n'incite pas à l'optimisme. Tous les éléments sont en effet réunis pour qu’émerge ces prochaines années une nouvelle génération de puissances nucléaires. Le premier est l'accroissement de « l'offre », notamment depuis la chute de l'Union soviétique. Le gigantesque réservoir nucléaire russe, mal contrôlé, est à la disposition des apprentis atomistes, non pas tant pour les armes proprement dites que pour le savoir-faire (nombreux sont les savants russes à s'être expatriés au cours de la dernière décennie) et la matière fissile de qualité militaire (la seule Russie disposerait d'un stock d'environ 1000 tonnes), véritable clé de la prolifération (…).
L'augmentation de la « demande » depuis le début des années 90 - et c'est le deuxième élément - promet en tout cas un marché très lucratif. Depuis la fin de la Guerre froide, les anciens protégés des 2 grands sont en quête de nouvelles garanties de sécurité. D'autant que la Première Guerre du Golfe avait déclenché un véritable signal d'alarme. En révélant l'ampleur du fossé entre la puissance militaire occidentale, notamment américaine, et celle des pays en voie de développement, elle avait conduit nombre d'entre eux à cette conclusion, résumait à l'époque par le chef d'état-major indien : « On ne se bat pas contre les États-Unis sans armes nucléaires ». (…). Dans ces conditions, les armes de destruction massive sont, de plus en plus, considérées comme le seul moyen de contourner la supériorité militaire occidentale.
Bruno Tertrais, « Prolifération nucléaire : le déséquilibre de la terreur », Alternatives internationales, octobre 2003
Viser le régime ou le programme nucléaire ?
La question du nucléaire iranien est complexe. D'une part, on ne sait guère quand les Iraniens atteindront le stade de la bombe. D'autre part, il suffit pour eux qu'on les crédite d'avoir la bombe, même sans essai nucléaire, pour que l’effet de dissuasion fonctionne. Enfin et surtout, il y a une profonde ambiguïté des Occidentaux sur la définition de la menace. Presque tout le monde s'accorde à dire que l'accès de l'Iran au nucléaire militaire n'est pas acceptable. Mais en quoi le nucléaire iranien est-il menaçant ? il y a en effet 2 réponses, qui n'induisent pas la même politique. La première consiste à dire que le problème, c'est le régime : une République islamique serait tentée de se servir de la bombe contre Israël ou bien d'utiliser la sanctuarisation induite par la possession de l'arme pour protéger des groupes terroristes sur son territoire. La 2nde considère que la dissuasion fonctionnera quel que soit le régime et que le problème est plutôt les faits de prolifération qu’entraînera l’achèvement du programme nucléaire iranien, car l'Égypte, l'Arabie saoudite et la Turquie seront amenées à se nucléariser. L'Iran a été signataire du TNP (contrairement à l'Inde, au Pakistan et à Israël) : son retrait signifiera la mort du traité (…). selon l'hypothèse retenue, la stratégie à suivre est très différente : dans le premier cas, il faut pousser au changement de régime ; dans le second, c'est l'Iran en tant que puissance régionale nucléaire qui fait problème. De là, un choix s'impose : faut-il viser d'abord le régime ou bien le programme ?Les États-Unis se retirent de l'accord de 2015
En théorie, le soi-disant « accord iranien » était supposé protéger les États-Unis et leurs alliés contre la folie de la bombe nucléaire iranienne (…). En fait, l'accord a permis à l'Iran de continuer à enrichir de l'uranium et, avec le temps, d'atteindre le seuil d'une explosion nucléaire. L'accord a levé les sanctions économiques contre l'Iran en échange de limitations très faibles à l'activité nucléaire du régime, et en imposant aucune limitation sur ses autres agissements pervers, notamment ses sinistres activités en Syrie, au Yémen et ailleurs dans le monde (…). L'accord avec l'Iran est fondamentalement défectueux. Si nous ne faisons rien, nous savons exactement ce qui arrivera. Dans peu de temps, le principal Etat sponsor de la terreur sera sur le point d'acquérir les armes les plus dangereuses du monde. Par conséquent, j'annonce aujourd’hui que les États-Unis vont se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien (…). Nous travaillerons avec nos alliés pour trouver une solution réelle, globale et durable à la menace nucléaire iranienne. Cela inclura des efforts pour éliminer la menace du programme de missiles balistiques de l'Iran, arrêter ses activités terroristes dans le monde entier, et bloquer ses activités menaçantes au Moyen-Orient. En attendant, des puissantes sanctions entreront en vigueur. Si le régime poursuit ses aspirations nucléaires, il aura des problèmes plus graves qu'il n'en a jamais connu auparavant.
Allocution télévisée du président Donald Trump, 8 mai 2018