Un état des lieux de la conflictualité au début des années 2000
Lorsque nous observons les conflits dans le monde, ce qui me frappe le plus concerne la prévalence des conflits armés non internationaux. Dans la plupart des cas, un gouvernement, parfois soutenu par d'autres, fait face à un ou plusieurs groupes armés qui ont tendance à se fractionner avec le temps. Les lignes sur lesquelles les parties s’affrontent sont souvent peu claires et changent très vite (…). Contrairement aux conclusions de certains instituts de recherche académiques, les observations sur le terrain ne nous permettent pas de conclure à une diminution du nombre de conflits. Certes, le nombre de conflits directs, c'est à dire le nombre de personnes blessées ou tuées pendant les combats, est en diminution. C'est souvent ce que ces instituts retiennent comme critère exclusifs. Néanmoins, il nous apparaît nécessaire de mettre en évidence le nombre de victimes indirectes des conflits qui ont endeuillé la Somalie, la République démocratique du Congo ou encore le Soudan. La victime indirecte, j'entends, par exemple une femme enceinte qui meurt en couches, parce que l'hôpital ou elle aurait pu être sauvé a été détruit ou lui est devenu inaccessible. Ces évolutions sont liées à la nature de plus en plus fragmentée des conflits, et le fait qu'ils se déroulent dans des Etats faibles ou déstructurés (…). Les conséquences humanitaires des dégradations environnementales, des migrations, de la violence urbaine et des pandémies doivent être prises en compte dans une analyse globale de la sécurité humaine. Ces phénomènes qui marqueront le 21e siècle, interagissent avec les conflits armés. Ils peuvent servir de catalyseur des pensions et constituent un élément dans les conflits souvent multiples et interdépendants. Réciproquement, les conflits peuvent provoquer ces phénomènes, en particulier les déplacements de population.
Jacob Kellenberger, diplomate suisse, président du Comité international de la Croix Rouge de 2000 à 2012. Propos tenus lors de son audition par la Commission chargée, par le président français Nicolas Sarkozy, de l'élaboration du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le 22 novembre 2007.
Frank Tétart (dir), Grand Atlas 2018, Autrement, 2017.