Exposition 6 :
L'Union européenne : entre élargissements, approfondissements et remises en cause
THEME 3 :
LA GOUVERNANCE MONDIALE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE

Les lignes à grande vitesse soutenues par l'UE
L'Union européenne soutient le programme HSR [High Speed Railway : lignes à grande vitesse ferroviaire]. Elle le fait à sa manière, c'est-à-dire qu'elle propose aux Etats-membres des directives à transférer dans leur droit national et qu'elle prévoit des enveloppes destinées au financement de nouvelles infrastructures à vocation internationale ainsi qu'au développement de nouvelles technologies. Ce soutien est légitimé par 2 raisons principales : l'intégration géopolitique et la défense de l'environnement (...). L'expansion du territoire de l'UE pose de vrais problèmes de cohésion et de gouvernance. Tout ce qui peut rapprocher les citoyens et réduire l'espace-temps est donc une opportunité. En 1994, lors du sommet d'Essen (Allemagne), l'UE avait dévoilé le 1er programme du réseau transeuropéen de transports (RTE-T). Il concernait principalement le fret ferroviaire, alors en grande difficulté. Une deuxième mouture du projet avait suivi en 2003 et, de retouches en amendements, une trentaine de projets RTE-T ont été établis, tous modes confondus. La grande vitesse ferroviaire se fraye un chemin dans ce programme, soit directement avec une volonté affichée, soit opportunément en profitant de certaines infrastructures, comme le tunnel sous la Manche (1994), le pont de l'Oresund (2000) ou encore les nouvelles traversées alpines en Suisse (2007 à 2019). Dans tous les cas de figure, l'UE participe au financement des grands travaux.
Raymond Woessner, "L'Europe de la grande vitesse ferroviaire, diversités nationales et logiques métropolitaines", Géoconfluences, 2014
Discours d'inauguration du Tunnel sous la Manche de François Mitterrand
Grâce à la fructueuse collaboration entre les Etats et le secteur privé, par le système de la concession, un prodigieux travail d'imagination, d'invention, de précision a permis qu'aujourd'hui cet ouvrage impressionnant puisse exister (...).
Nous avons désormais une frontière terrestre, Madame. Calais n'est plus qu'à une demie-heure de Folkestone et Londres n'est plus qu'à trois heures, bientôt 2h30, plus tard sans doute moins encore, de Paris (...). A terme, cette liaison à grande vitesse reliera également Londres à Bruxelles, puis Amsterdam et Cologne, sans oublier la suite que le siècle prochain décidera. Cette réalisation est donc un atout majeur pour le renforcement de l'Union européenne, un élément décisif dans l'élaboration et la mise en oeuvre du marché unique, un pas supplémentaire pour le rapprochement entre les peuples eux-mêmes (...).
Ce nouvel axe de communication préfigure de manière exemplaire une Europe à la pointe de la technologie. Elle pourrait faire tellement plus, unie et solidaire, et c'est cette solidarité entre les Etats membres qui la composent, qui symbolise l'Europe.
Allocution de François Mitterrand à Coquelles, en présence de la reine Elisabeth II, 6 mai 1994
Expliquez-nous... la zone euro
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La portée historique du passage à l'euro
Le passage à l'euro, au 1er janvier 2002, sera le couronnement d'un long chemin. Quand les citoyens auront entre les mains les pièces et billets en euros, nous aurons atteint notre but, en dépit d'une forte résistance politique et d'obstacles importants (...). La monnaie est plus qu'un simple moyen de paiement. Elle a également quelque chose à voir avec notre identité politique et culturelle (...). Ainsi se développe, tout naturellement, un sentiment communautaire qui ne pourra que renforcer la cohésion des Européens.
La construction de l'Union politique n'est pas encore achevée. Nous devons, dans les années à venir, élargir cet édifice et le doter d'un toit capable de résister aux intempéries. C'est dans notre intérêt à tous, car le monde du XXIème siècle recèle quantité de dangers nouveaux contre lesquels aucun pays européen ne peut plus se prémunir seul. Il ne s'agit pas seulement de sécurité militaire. Les risques économiques sont eux aussi énormes ; le meilleur moyen d'y faire face, pour nous Européens, c'est de disposer d'une monnaie commune solide.
Helmut Kohl (chancelier allemand de 1982 à 1988), "L'euro, clé de la maison commune", Le Monde, 14 décembre 2001

L'élargissement vu de l'Ouest
L'entrée de 10 pays dans l'Union européenne en mai 2004 ne s'est pas accompagnée d’un enthousiasme populaire (…). Peur de délocalisations massives dans des pays aux charges sociales bien inférieures et crainte d'une concurrence déloyale de travailleurs venus de l'Est et proposant des salaires plus bas alimentent le discours europhobe (…). Parallèlement au processus d'élargissement, s'est tenu entre 2002 et 2003 la Convention pour l'avenir de l'Europe chargée de rédiger un texte à portée constitutionnelle modifiant les institutions européennes dans la perspective de l'entrée de nouveaux membres (…). Le nouveau traité est signé le 29 octobre 2004 à Rome, quelques mois après l'adhésion des 10 nouveaux membres (…). Le 29 mai 2005, les Français rejettent la constitution européenne (…). Le 1 juin 2005, les Néerlandais en font de même (…). L'Europe à 25 n'a pas d'institutions rénovées capables de la faire fonctionner correctement et, surtout, de lui donner un nouvel élan.
M. Gaillard, « L'Union européenne en crise, 2 004-2017 », L'Histoire, 13 décembre 2017

Les critères d'adhésion à l'UE
En 1993, le Conseil européen (ou Sommet européen), réuni à Copenhague, fixe les conditions que les candidats à l’entrée dans l’UE doivent réunir.
Celles-ci sont complétées lors des sommets de Madrid (1995) et de Bruxelles (2006).

 
Les finalités de l'euro
L'Union européenne utilise l'euro comme instrument de légitimation : en légitimant l'euro, elle se légitime elle-même et légitime le processus de construction européenne dans son ensemble. Or, pour être légitime, l'euro doit inspirer confiance (...). L'UE cherche par là même à créer un sentiment d'appartenance, d'autant plus que, par nature, les instruments monétaires sont des liens sociaux, des symboles d'unité et de rassemblement.
L'introduction de l'euro [le 1er janvier 2002] va bouleverser les référents monétaires que les consommateurs se sont construits dans leur monnaie d'éducation. Notre thèse est que l'euro contribuera à l'émergence d'un sentiment d'appartenance à une même communauté, conduisant ainsi à un renforcement de la légitimité de l'UE. L'euro n'est pas seulement un nouvel instrument technique monétaire, mais aussi le reflet d'une évolution politique dont le succès dépendra de l'évolution des mentalités.
Carole Lager (politologue), L'Euro dans le processus de légitimation interne de l'Union européenne, thèse de doctorat, Genève, 2001
Les défis d'une Union européenne élargie
13 ans après la chute du mur de Berlin et la fin de la Guerre froide, l'Union européenne s'élargit aux pays restés pendant 40 ans de l'autre côté du Rideau de fer (…).
Toutefois, l'élargissement ouvre pour l'Union une période d'incertitude. Premier risque : le traité d'adhésion devrait être ratifié par 25 pays (…). 2ème souci : l'aide financière aux pays-candidats (…). Pour les 10, cette aide représentera 2,5% de leur PIB, soit 120€ par habitant et par an (…). Les pays-candidats ont été mis, globalement, devant une offre à prendre ou à laisser et ont souvent eu le sentiment d'être considérés comme des « citoyens européens de 2ème classe » (…). La lente transposition des règles européennes – « l’acquis » en jargon bruxellois - la multiplication des dérogations et des périodes de transition risquent de favoriser l'émergence d'une Europe à plusieurs vitesses, qui existent déjà avec la zone euro.
A. Leparmentier, L. Zecchini, Le Monde, 13 décembre 2002

Les élargissements de l'UE
 
Le tournant de 2004
«L’Union européenne a vocation à réunir tous les États d’Europe […]. La chute du communisme a ouvert un nouveau champ d’expansion. Le rattachement de l’ex-RDA en octobre 1990 en fut la conséquence directe et quasi-immédiate; il n’a cependant pas été considéré comme un "élargissement" mais comme l’extension du territoire d’un État membre […]. L’élargissement de 2004 constitue donc la première intégration par l’Union européenne d’États anciennement communistes. Elle est massive puisque parmi les dix nouveaux adhérents, huit appartiennent à cette catégorie […].
Ce sont 10 États qui intègrent l’UE. Cela veut dire autant de spécificités, de particularismes, de susceptibilités. Cela rend encore plus urgente la réforme des institutions européennes et entraîne l’ajout de nouvelles langues officielles dans l’UE. De plus, le territoire de l’Union va s’accroître de 23%, sa population de 19 % mais son PIB (en parité de pouvoir d’achat) de seulement 9%. La difficulté ne réside pas tellement dans l’adjonction de vastes territoires ou de nombreux habitants, mais plutôt dans les écarts de développement entre anciens et nouveaux membres.
En revanche, la proximité culturelle n’est pas contestable. Si l’on abandonne la lecture bipartite de l’Europe née de la guerre froide, on s’aperçoit alors que l’Europe médiane a avec l’Occident des liens plus étroits qu’avec la Russie.»
J.-C. Boyer et L. Carroué, «Un tournant pour l’Europe», L’élargissement de l’Europe, TDC n°873, 1er avril 2004