Depuis longtemps, le Parlement européen ne représente pas ses électeurs européens aussi bien que les parlements nationaux. Cela est dû au système électoral : dans chaque pays, ce sont les partis nationaux qui présentent des candidats aux élections européennes. Et ils mènent des campagnes nationales sur des thèmes nationaux. Ensuite, au Parlement européen, les acteurs en scène ne sont plus les partis nationaux mais des groupes parlementaires européens (le Parti populaire, les socialistes, les Verts…), qui sont des coalitions souples composées de partis nationaux idéologiquement proches. Le choix des électeurs est donc mis de côté : ceux-ci votent pour des partis qui ne jouent aucun rôle au Parlement mais en revanche, les partis qui sont de fait actifs sur la scène européenne n'ont pas été élus en tant que tels et l'électeur ne peut pas leur demander de rendre des comptes. De fait, le lien direct entre l'électeur et son député est brisé.
Une autre raison est le manque d'un véritable espace public européen. On parle beaucoup de l'Europe mais ce sont toujours des discours nationaux sur l'Europe et non un débat proprement européen. Cela veut dire que le Parlement européen est plus éloigné de ses électeurs que les parlements nationaux. Les préconditions sociales d'une démocratie vivante manquent en Europe.
Le double « non » exprimé en 2005 à l'occasion de la ratification du « traité établissant une Constitution pour l'Europe » par les peuples français et néerlandais, suivi du rejet par l'Irlande du traité de Lisbonne, a également contribué à alimenter les discussions sur la légitimité du projet européen et, en particulier, sa relation aux citoyens. Si les études des attitudes des citoyens portaient jusqu'alors principalement sur les déterminants du soutien des citoyens à l'Union européenne, elles s'intéressent plus récemment, à partir du début des années 2000, aux logiques de rejet de l'intégration européenne. Le concept d'« euroscepticisme » participe ainsi d'une réflexion où les résistances à l'intégration européenne sont désormais envisagées.
[…] Loin d'être devenus majoritairement plus eurosceptiques, les citoyens sont à présent principalement, et avant tout, plus ambivalents et indifférents face à l'intégration européenne.
Dans la période qui suit la difficile ratification du traité de Maastricht, on assiste en effet à un renforcement de la catégorie neutre, composée des citoyens indifférents et indécis.
Les analyses ont permis de démontrer que la baisse des opinions favorables au processus d'intégration s'est accompagnée d'une augmentation du nombre de citoyens indécis et indifférents et, dans une moindre mesure, des citoyens dits « eurosceptiques ». En 2010, la catégorie des citoyens indécis qui considéraient que l'intégration européenne n'était « ni une bonne ni une mauvaise chose » comptait un tiers des citoyens de l'Union européenne.
Le problème est que la grande majorité des études sur les attitudes des citoyens à l'égard de l'intégration européenne ne prend pas en compte, en tant que telle, cette catégorie intermédiaire caractérisée par l'indécision et l'indifférence.