Des conditions de détention critiquées
Parce que nos prisons sont toujours surpeuplées et accueillent encore trop souvent les détenus dans des conditions indignes, la France a de nouveau été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme début juillet. Un scandale qui devrait nous imposer des mesures concrètes et une réflexion plus large. […] Les « fouilles corporelles intégrales » ainsi que les conditions indignes de détention nous ont valu cette nouvelle condamnation. […] Nous battons un triste record : 74 513 personnes sont détenues pour 60 666 places ! […] Construire des places de prison ne saurait être « la seule réponse à cette hausse incessante quand tout démontre depuis plus de 40 ans que plus on construit plus on enferme ».
Jeanne-Emmanuelle Hutin, « Prison surpeuplées, le scandale continue ! », Ouest-France, 1er août 2023.
Le pouvoir de contrainte de l’État et les libertés
« Le pouvoir de contrainte de l’État s’exerce à travers le pouvoir normatif (production de règles juridiques contraignantes) et l’usage légitime de la force. Il agit au moyen de la règle de droit (impersonnelle) qu’il édicte lui-même dans une perspective de mise en ordre uniforme de la société. La vie en société – à savoir les comportements et rapports/conflits entre les personnes physiques et/ou morales – suppose en effet l’édiction et le respect de règles de conduite produites par un État […], la production normative de l’État s’inscrit dans un ordre juridique. Autrement dit, le droit de l’État doit respecter l’État de droit : non seulement ses actes sont formellement pris selon une procédure régulière et fondés sur une base juridique, mais ils doivent sur le fond respecter les libertés et droits fondamentaux de ses sujets. »
Nabli Béligh, L’État. Droit et Politique, Armand Colin, 2017.
Les conditions de détention en France dénoncés par des associations
« Dans un rapport publié ce jeudi 16 juin 2022 avec le soutien d’Amnesty International, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) dresse un bilan sévère de l’état des conditions de détention en France. En cause, l’inefficacité des mesures prises par les pouvoirs publics. Alors que le 30 mai 2020, l’État français était définitivement condamné par la Cour européenne des Droits de l’homme pour l’indignité de ses prisons et sommé de prendre des mesures pour mettre un terme à la surpopulation carcérale, l’OIP et Amnesty International appellent à la mise en place en urgence d’un plan national d’action pour atteindre cet objectif. En mai2022, 71 038 personnes étaient détenues en France et le taux d’occupation moyen en maison d’arrêt était de 138,9 %. Dans le rapport publié aujourd’hui, “Dignité en prison. Quelle situation deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l’homme ?”, les conséquences de cette surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt sont détaillées : promiscuité, manque d’intimité, non-séparation des différentes catégories de détenus, augmentation des tensions et violences. Il est fait état de conditions de vie dégradées et indignes dans des établissements pénitentiaires dont une proportion importante est vétuste et insalubre. “L’hiver, j’ai les cervicales qui se bloquent à cause du froid en cellule. Je suis obligée de mettre deux pyjamas, un peignoir et un bonnet pour me réchauffer. Les murs sont mouillés d’humidité”, témoigne ainsi une femme incarcérée. Le rapport révèle aussi la détérioration importante des conditions de prise en charge des personnes détenues, les carences en matière d’offre d’activité et de travail, de préparation à la sortie, de prise en charge sanitaire, et les conséquences sur l’insertion ou la réinsertion. Une situation aggravée par la surpopulation des prisons et deux ans de crise sanitaire, dont les effets sont venus bouleverser le quotidien des personnes détenues et de leurs proches. »
« L’OIP et Amnesty International appellent à un plan national d’urgence contre l’indignité en prison », 16 juin 2022
Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour améliorer les conditions de détention
Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il incombe au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin.
L’objet de la question prioritaire de constitutionnalité
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 9 juillet 2020 par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale, relatifs à la détention provisoire.
Les critiques formulées contre ces dispositions
Il était reproché à ces dispositions d’être entachées d’incompétence négative, faute d’imposer au juge judiciaire de faire cesser des conditions de détention provisoire contraires à la dignité de la personne humaine, et de méconnaître à ce titre le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, celui de prohibition des traitements inhumains et dégradants, la liberté individuelle, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée. […]
Le cadre constitutionnel
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il ressort du Préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle.
Décision no 2020-858/859. QPC du 2 octobre 2020 du Conseil constitutionnel sur les conditions d’incarcération des détenus