Les régimes totalitaires en fonctionnement
THEME 1 : FRAGILITES DES DEMOCRATIES, TOTALITARISMES ET SECONDE GUERRE MONDIALE (1929-1945)

Chapitre 2 : Les régimes totalitaires
Consigne : A l'aide des documents proposés dans votre onglet, répondez aux différentes questions puis complétez la partie de la carte mentale correspondant à votre groupe de travail
QUESTIONS :
1) Montrez que dans un régime totalitaire la violence est une violence d’État

2) Montrez le rôle politique de la violence et de la terreur.

3) Quels sont les instruments de cette terreur ?

4) Quelle sont les populations ciblées par ces politiques de terreur ?

5) Les degrés de violence et d'application de la terreur sont-ils comparables au sein des 3 régimes totalitaires ?

ITALIE : Le quotidien d’un prisonnier politique italien
Antonio Gramsci membre fondateur du Parti communiste italien, a été arrêté en novembre 1926 et condamné pour ses activités antifascistes. Jusqu’à sa mort en 1937, il est emprisonné dans différents lieux.
Arrêté le 8 au soir à 10 heures et demie et conduit immédiatement en prison, je suis parti de Rome, le matin du 25 novembre, très tôt. Le séjour à Regina Coeli a été la période la plus mauvaise de ma détention : 16 jours d’isolement absolu dans une cellule, discipline très rigoureuse (…). Le 19 novembre me fut communiqué sans plus d’explication l’arrêt qui m’infligeait 5 années de déportation (…). Je sus seulement le 24 et par une voie indirecte que j’aurais à purger ma peine dans une île italienne.
Ma destination exacte ne me fut communiquée officiellement qu’à Palerme. Je pouvais être envoyé à Ustica, mais aussi à Favignana, à Pantelleria ou à Lampedusa (…). Je voyageai en compagnie de Molinelli, Ferrari, Volpi et Picelli (1),qui avaient été arrêtés eux aussi le 8. Ferrari fut détaché à Caserta et dirigé sur les îles Tremiti ; je dis bien détaché parce que même dans le wagon nous étions liés ensemble à une longue chaîne.
Antonio Gramsci, Lettres de prison, le 19 décembre 1926
(1) Molinelli et Volpi sont des députés socialistes ; Ferrari et Picelli sont des députés communistes.

ITALIE : La violence fasciste :

Le neveu de l’ancien président du Conseil Francesco Saverio Nitti, raconte comment fut pillée la maison de ce dernier.

Le soir du 29 novembre 1923, sous les yeux du gouvernement, une expédition armée envahit la maison du président Nitti (1). On a su depuis que cette agression avait été directement organisée par Mussolini. Toute la famille était réunie et l’heure du repas était proche, quand 500 fascistes forcèrent la porte, et avec des bombes et des revolvers à la main, envahirent la demeure. […] Ces fascistes étaient dirigés par des officiers de la police gouvernementale qui feignaient d’agir comme modérateurs. Tous les meubles furent en peu de temps détruits. Avec de gros pieux de fer, tables, glaces, armoires furent mises en pièce. Mais tout ce qui avait de la valeur, argent, bijoux, tableaux et jusqu’aux vêtements fut volé […]. Par pur hasard, le président du conseil Nitti ne fut pas découvert et tué.

Francesco Fausto Nitti, Nos prisons et notre évasion, Librairie Valois, 1930 (trad. Jean Guyon-Cesbron).
(1) Opposant politique au fascisme.
ALLEMAGNE : Le camp de concentration de Dachau

Couverture du magazine nazi Illustrierter Beobachter daté du 3 décembre 1936.

Ce magazine propose un reportage sur le camp de Dachau, premier camp de concentration, ouvert en 1933.

 
ALLEMAGNE : La Nuit de Cristal : une politique d’État meurtrière
Les historiens estiment à plusieurs centaines le nombre total de victimes juives de l'événement. S'y ajoutent près de 30 000 personnes arrêtées et déportées dans les camps.
 

ALLEMAGNE : La Gestapo

Le principe politique national-socialiste de totalité, qui correspond à notre vision organique et indivisible de l'unité du peuple allemand, ne souffre la formation d'aucune volonté politique en dehors de notre volonté politique. Toute tentative d'imposer - voire de préserver - une autre conception des choses sera éradiquée comme un symptôme pathologique qui menace l'unité et la santé de l'organisme national (…). C'est à partir de ces principes que le national-socialisme, pour la première fois en Allemagne, à développer une police politique que nous concevons comme moderne, c'est à dire répondant aux besoins de notre temps. Nous la concevons comme une institution qui surveille avec soin l'état de santé politique du corps allemand, qui repère à temps tout symptôme de maladie et qui situe et élimine les germes de destruction qu'ils soient issus d'une dégénérescence interne ou d'une contamination volontaire par l'étranger. Voilà l'idée et l'éthique de la police politique dans l’État raciste de notre temps, conduite par le Führer.

Werner Best, juriste et lieutenant-colonel SS, « Die Geheime Staatspolizei », Deutsches Recht (Le droit allemand), avril 1936

ALLEMAGNE : La Nuit de Cristal, début de la Shoah
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ALLEMAGNE : La Nuit de cristal : Un déchaînement de violence contre les Juifs
« [Le 10 novembre], j'ai frappé à la porte et j'ai demandé à [Suzanne] Stern [âgée de 81 ans] de s'habiller. Elle s'est assise sur le canapé. Quand je lui ai demandé si elle avait l'intention de suivre mes instructions et de s'habiller, elle a répondu qu'elle ne s'habillerait pas et ne viendrait pas avec nous. Nous pouvions faire ce que nous voulions, “Je ne quitterai pas ma maison, je suis une vieille femme”. J'ai sorti mon arme de service de ma poche et j'ai incité la femme encore cinq ou six fois à se lever et à s'habiller. Stern a crié haut et fort dans mon visage avec mépris et insolence : “Je ne me lèverai pas et je ne m'habillerai pas”. Au moment où elle a crié “Faites de moi ce que vous voulez”, j'ai ôté la sécurité de mon arme et tiré une fois. Stern s'est effondrée sur le canapé.
Elle s'est penchée en arrière et a porté ses mains à sa poitrine. J'ai alors tiré une deuxième fois, en visant la tête […]. J'ai rempli mon devoir. Je souligne que je ne regretterai jamais cet acte tant que je vivrai. »
Déposition d'Adolf Heinrich Frey, chef des SA d'Elberstadt (Saxe-Anhalt) lors de son interrogatoire par la police le 14 novembre 1938. Il ne sera pas poursuivi pour son crime (trad. C. Tarricone et A. Perrot).
ALLEMAGNE : L'État nazi organise la violence antisémite
« Mesures contre les Juifs à prendre dans le courant de la nuit.
En raison de l'assassinat du secrétaire de légation vom Rath à Paris, des manifestations sont attendues dans tout le Reich ce soir, du 9 au 10 novembre 1938. Les ordres suivants sont donnés pour traiter ces événements. […]
a) Ne peuvent être menées que des actions qui ne menacent pas la vie ou les biens des Allemands (par exemple, l'incendie de synagogues uniquement lorsqu'il n'y a pas de menace d'incendie aux alentours).
b) Les magasins et les résidences des Juifs ne peuvent être détruits que sans être pillés. […]
d) Les citoyens étrangers, même s'ils sont juifs, ne peuvent pas être agressés.
2. Les manifestations en cours ne devraient pas être empêchées par la police, mais seulement surveillées pour assurer le respect des directives. […]
5. Dès que le cours des événements de cette nuit permettra aux policiers désignés d'être utilisés à cette fin, de nombreux Juifs – en particulier des Juifs aisés – doivent être arrêtés dans tous les districts […]. Immédiatement après les arrestations, les camps de concentration appropriés devraient être contactés pour placer les Juifs dans des camps le plus rapidement possible. »
Télégramme envoyé par Reinhard Heydrich, major général des SS et chef de sécurité nazi, le 10 novembre 1938 (trad. C. Tarricone et N. Herrig).
URSS : La Grande Terreur

En juillet 1937, Staline ordonne un grand massacre d’État afin d’éliminer tous ceux qu’il considère comme des ennemis du régime soviétique. Entre août 1937 et novembre 1938, 1,5 million de personnes sont arrêtées et 750 000 sont exécutées.

Strictement confidentiel :

Préparez un lieu secret, si possible dans une cave du bâtiment du NKVD (1), où les condamnés à mort seront exécutés. Les exécutions auront lieu la nuit. Avant l’exécution, vous vérifierez soigneusement l’identité de l’individu exécuté. Les corps seront enterrés dans une fosse commune creusée à l’avance dans un lieu secret. […] En aucun cas, il ne sera fait appel à des fonctionnaires de police ordinaires ni à des militaires. Toutes les personnes impliquées dans le transport des corps, du creusement et du recouvrement des fosses signeront le document spécial les engageant au secret sous peine d’arrestation immédiate.

Directive envoyée par Popachenko, un des dirigeants régionaux du NKVD à un responsable des opérations de répression 2 août 1937.


(1) Organisme d'Etat dont relevait la police politique
URSS : Prisonniers au travail dans un camp du Goulag (1937)
 
URSS : Une terreur à l'échelle du pays
 
URSS : L'invention des coupables
Moscou impose des quotas d'arrestations par nationalités.
« Petrov me demanda ce que j'avais comme matériaux dans mon district sur les nationaux. Je lui répondis que je n'avais rien. Sur ce, Petrov me dit de chercher dans les entreprises, les bureaux de renseignements et en général dans toute administration tenant des registres, des listes de nationaux et à partir de ces listes préparer des mandats d'arrêt incriminant systématiquement à chacun l'accusation d'espionnage. Puis il me donna un chiffre minimal d'individus à arrêter dans un premier temps. Quand je lui fis remarquer que dans le cours de l'instruction, on risquait d'avoir du mal à alimenter l'accusation d'espionnage, Petrov me dit : “Faites ainsi : écrivez vous-même le protocole, imaginez en fonction du lieu où travaillait l'individu le type d'espionnage qu'il pouvait faire, ou bien incriminez-lui des actes de diversion. Allez-y, ne craignez rien, nous ne serons pas regardants. Si l'individu ne veut pas signer le protocole, battez-le jusqu'à ce qu'il signe […].” Je procédais donc ainsi : les nationaux […] étaient arrêtés à partir de listes recueillies et confectionnées dans les entreprises et les administrations. »
Témoignage de A. V. Kouznetsov, chef du NKVD du district de Kountsevo (près de Moscou), 3 février 1939 (trad. A. Voilin).
URSS : La Grande Terreur : un épisode violence parixystique
D'après Nicolas Werth, "Les crimes de masse sous Staline (1930-1953)", sciencespo.fr, 2009

Au-delà des "grandes purges", la Grande Terreur vise surtout les ex-koulaks et les nationalités de l'Urss, soupçonnés d'espionage