Vers l'intégration à la filière agroalimentaire ?
Afin de répondre à la demande croissante de bière en Éthiopie, Boortmalt Malting (1) va ouvrir une malterie dans le parc industriel de Debre Berhan. Cet investissement ouvre des opportunités pour développer la culture de l'orge de malt, qui pourrait améliorer les moyens de subsistance de 20 000 à 40 000 petits exploitants agricoles dans le pays et aider l'Ethiopie à éradiquer la pauvreté. Boortmalt est un acheteur fiable et important qui peut renforcer la chaîne de valeur de l'orge en créant des liens avec lesagriculteurs, les coopératives et les intermédiaires. Malgré la construction denombreuses brasseries ces dernières années, l'Ethiopie couvre moins de 50% deses besoins en malt. L'arrivée de Boortmalt va accroître la motivation des petits exploitants en créant des opportunités durables pour écouler leur production et en les liant aux industries de transformation agroalimentaire. D'ici 5 ans, l'Ethiopie pourra satisfaire sa demande intérieure et commencer à exporter de l'orge de malt.
D'après Boortmalt Malting Set to Open Malt Factory in Ethiopia, newbusinessethiopia.com, 26/11/2017L'engouement pour le teff, atout ou problème ?
C'est ce que les anglophones nomment superfood. Le teff, une graine cultivée depuis environ 3000 ans en Éthiopie, est pleine de nutriments : riche en fer, en minéraux, sans gluten. En apparence, l’intérêt mondial soudain pour le teff devrait être une excellente nouvelle. Une croissance de la demande signifie plus de ventes et lance un cercle vertueux, dont les producteurs éthiopiens de teff devraient être les premiers bénéficiaires. Mais les choses ne sont en réalité pas si simples. Le gouvernement éthiopien craint de subir à son tour les effets d'une « fièvre du quinoa » qui empêche les habitants de Bolivie et du Pérou de consommer cette graine à cause de la hausse de son prix.
En Éthiopie, 1 habitant sur 10 a eu besoin d'une aide alimentaire en 2016, selon les chiffres gouvernementaux. Une hausse du prix du teff pourrait donc avoir des conséquences désastreuses.
D'après C. Belsœur, « Avec le succès du teff, l’Éthiopie craint d'être victime de la fièvre du quinoa », Slate Afrique, 14/10/2016
La marchandisation des terres agricoles
On assiste depuis une vingtaine d'années à un envol des investissements internationaux dans le foncier agricole (1), qualifié d'accaparement des terres (ou land grabbing), avec, en toile de fond, une menace pesant sur la souveraineté alimentaire de la nation ou d'un groupe de pays. Sur la période 2002-2018, plus de 45 millions d’hectares de terres ont été appropriés par des
étrangers. La période récente laisse concevoir un plafonnement du processus. L'impact des mouvements paysans de contestation a exercé un effet notoire.
Dans leur grande majorité, les investisseurs sont d'abord des entreprises cotées en bourse (18%), d'autres entreprises privées (16%) et les fonds d'investissement (15%). Viennent ensuite des Etats à hauteur de 20%, puis les entrepreneurs individuels pour 7%. Les transactions réalisées sont majoritairement destinées aux cultures dont la production peut être orientée vers les agrocarburants ou vers des usages alimentaires (canne à sucre, maïs, soja et huile de palme).
Mais les répercussions humaines peuvent être importantes. C'est pourquoi la vague d'investissements directs dans le foncier attise parfois les rapports de force et bloque les réformes agraires visant à faciliter l'accès à la terre pour les paysans qui en sont dépourvues. En acquérant des hectares de terres cultivables, majoritairement dans les pays de l'hémisphère Sud, les
investisseurs font de la marchandise échangée - la terre - un objet de transactions, une chose inerte, échappant ipso facto aux relations sociales qui, jadis, furent le substrat d'identités, d'équilibres, de croyances…
Thierry Pouch, économiste et chercheur, « L'appropriation des terres agricoles, nouvelle étape de la mondialisation », L'économie politique, n°78, avril 2018
(1) Ensemble des surfaces relavant d’une propriété (publique ou privée) mises en valeur à des fins agricoles