L'Inde, une grande puissance agricole
L'Inde est aujourd'hui le premier pays producteur du thé, de lait et de protéagineux. Elle occupe le 2e rang pour la production de riz (dont elle est la première exportatrice), de blé et de canne à sucre (…) et atteint l'autosuffisance alimentaire dès 1977 (…). Pourtant encore 1/5 de la population est encore sous-alimentée et le revenu de la majorité des agriculteurs reste faible (…).
Delhi adopta en 1968 [la révolution verte] reposant à la fois sur la diffusion de variétés à haut rendement, le recours aux engrais chimiques et le développement de l'irrigation (…). Les paysans bénéficiaient d'un prix minimal pour l'achat de leur production (…).
Les variétés cultivées depuis la révolution verte nécessitent intrants et irrigation (…). Mais les ressources en eau souterraines
s'épuisent et les forages sont de plus en plus profonds, créant une inégalité d'accès flagrante entre les agriculteurs qui peuvent investir et ceux qui doivent payer le propriétaire de la pompe pour obtenir de l'eau. Les intrants chimiques et pesticides ont aussi contaminé les sols (…). Les subventions du gouvernement et les prix agricoles ont baissé (…). 13 000 à 16 000 paysans se suicident chaque année, soit un taux supérieur de 30% au taux national.
Lucie Dejouhanet, « De la révolution verte aux OGM : quel bilan ? », Documentation photographique, 2 016
Des paysans endettés par la diffusion des OGM
Shankara s'est suicidé (…). On lui avait promis des récoltes et des rentrées d'argent incroyables, s’il passait de la culture de semences traditionnelles aux OGM. Séduit par ses promesses, il a emprunté l'argent afin d'acheter des semences transgéniques. Mais les récoltes ne furent pas de rendez-vous et il se retrouva dans la spirale de l'endettement et sans revenu.
Village après village, des familles se sont endettées. La différence de prix est vertigineuse : 15€ pour 100 g de semences OGM, par rapport à moins de 15€ pour 100 kilos de semences traditionnelles. Mais les vendeurs ainsi que le représentant du gouvernement avait promis aux paysans qu'il s'agissait de « semences magiques » avec des meilleures plantes, sans
parasites et insectes. La surface indienne plantait en GM a doublé mais les semences ont été infestées par le ver de la capsule, un parasite vorace.
Dans le passé, lorsqu'une récolte était mauvaise, les paysans pouvaient toujours conserver des graines et les replanter l'année suivante. Cela n'est pas possible avec les OGM qui ont été modifiés génétiquement afin que la plante ne puisse plus produire de semences viables.
D’après C. Berdot (trad. d’un article d’Andrew Malone, Daily Mail, 3/11/2008), » Inde : des milliers de cultivateurs se suicident, ruinés par les OGM », amisdelaterre.org
Un grand pays rural qui s’urbanise lentement
L’Inde reste majoritairement rurale (on y trouve plus de 600 000 villages dont la taille moyenne dépasse 1200 habitants) (…). Au cours du temps, certains villages tendent à grandir et à développer de nouveaux services et industries, qui attirent de nouveaux habitants. Les villages sont alors intégrés administrativement dans les villes, ce qui compte pour environ 20 à 25% de la croissance urbaine.
D'autre part, l’émigration intérieure reste faible en Inde et concerne majoritairement des migrations de campagne à campagne. Le pays n'a pas connu d’exode rural massif. On estime ainsi que le solde migratoire entre ville et campagne ne participe que pour environ 20% à la croissance urbaine totale. C'est très peu comparé au processus d'urbanisation observé dans le reste du monde au cours du XXème siècle (…).
On peut penser qu’à ce rythme, le taux d'urbanisation n'aura pas passé les 50% au milieu du siècle.
Joël Querci et Sébastien Oliveau, « Le système urbain indien : une construction ancienne en changement rapide », Géoconfluences, 2 015
Les conflits d'usage entre agriculteurs et autres usagers de l'eau
Autour du fleuve Cauvery, les conflits d'usage se multiplient avec les agriculteurs qui dépendent de ce fleuve pour leurs cultures,
particulièrement dans les villages éloignés qu'aucun système d'irrigation ne dessert. Après une grande sécheresse entre 2015 et 2017, n'ayant rien récolté, la majorité de leurs paysans ont dû s'exiler. Mais qui se soucie de l'approvisionnement en eau de ces villages éloignés ? Le développement des grandes cultures commerciales a aggravé ce phénomène. Depuis 10 ans, les agriculteurs se sont davantage tournés vers le riz mais aussi le maïs, la canne à sucre et le coton, dont les prix de vente ont fortement augmenté. Or, ces cultures requièrent énormément d'eau. Face à des conflits que le changement climatique va aggraver, la coopération entre acteurs – villes, industries, agriculteurs - pour partager l'eau ne suffira pas. Modérer la consommation d'eau va s'avérer indispensable, surtout dans l'agriculture, qui représente 90% des prélèvements. Qu'il s'agisse des eaux de surface et, encore plus, des nappes phréatiques, il sera crucial de diffuser des méthodes d'irrigation plus économes que les systèmes actuels.
Alternatives économiques, 3 juillet 2018