Le renforcement du pouvoir royal (XVIème-XVIIème siècle)
THEME 3 : L'ETAT A L'EPOQUE MODERNE : FRANCE-ANGLETERRE
Chapitre 5 : L'affirmation de l'Etat dans le royaume de France
A partir du corpus documentaire qui vous est proposé, relevez différents arguments permettant d'affirmer les 2 idées suivantes :
- On assiste à partir du XVIème siècle à un renforcement du pouvoir et de l'autorité royale
- Même si elle se renforce, l'autorité royale rencontre un certain de limites et de freins.
Questions d'analyse pour vous aider à dégager les arguments :
1) Quel est le rôle du Parlement ? Quelles sont les relations entre le pouvoir royal et les membres du Parlement ?
2) Identifiez les différentes dispositions prévues par l’ordonnance de Villers-Cotterêts. En quoi ces dispositions permettent-elles de renforcer l’autorité royale ?
3) En quoi la fonction des officiers est-elle à la fois un atout et un handicap dans l’affirmation de l’autorité royale ?
4) Pourquoi la souveraineté du roi doit-elle être absolue pour Jean Bodin ?
5) En quoi la cérémonie du sacre confère-t-elle une autorité supérieure à la personne du roi ?
Un roi au-dessus des lois ?
Le roi était sur son trône au Parlement de Paris tenant son lit de justice (1). M. Claude Guillard, président du Parlement s'adresse au roi :
"Nous ne voulons discuter de votre puissance, ce serait une espèce de sacrilège et savons bien que vous êtes par-dessus les lois et que les lois ne peuvent vous contraindre, mais nous entendons dire que vous ne devez par faire ce que vous pouvez mais seulement ce qui est en raison bon et équitable, qui n'est autre que justice."
Le roi était sur son trône tenant conseil étroit, auquel était présent : le roi de Navarre, le duc de Vendôme, le comte de Saint-Paul ; Antoine Duprat, archevêque de Sens et chancelier (2), les sires de Montmorancy, grand maître de France ; De Brézé, grand sénéchal de Normandie ; l'archevêque de Bourges ; messieurs F. Robertet, chambellan ; messires N. de Neuville et J. Robertet, secrétaires de ses finances.
Quand les membres du Parlement se sont sont trouvés devant le roi, il leur fit dire : "le roi vous défend que vous vous mêliez de quelque façon d'autre chose que la justice. Le roi défend au Parlement d'user de limitation, modification ou restriction sur ses ordonnances et édits".
Après cette lecture, le roi s'est levé et s'est retiré accompagné des membres de son conseil.
d'après le procès-verbal du lit de justice tenu par le roi, 24 juillet 1527

(1) Séance au Parlement de Paris, quand le roi vient en personne faire enregistrer une décision
(2) Chef de la justice
L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539)
En aout 1539, François 1er promulgue à Villers-Cotterêts une longue ordonnance comprenant 192 articles. Elle est destinée à réformer en profondeur l'Etat, et notamment l'administration de la justice.

François, par la grâce de Dieu, roi de France, faisons savoir, à tous présents et à venir, que pour pouvoir au bien de notre justice, raccourcir les procès et soulager nos sujets, nous avons, par un édit perpétuel et irrévocable, statué et ordonné (...) les choses qui s'ensuivent :
Art. 50 : Les sépultures doivent être enregistrées par les prêtres qui doivent mentionner la date du décès
Art. 51 : Aussi sera fait un registre, en forme de preuve, des baptêmes et par l'extrait dudit registre, on pourra prouver le temps de majorité ou de minorité.
Art. 52 : Et enfin qu'il n'y ait aucune faute auxdits registres, il est ordonné qu'ils seront signés par un notaire.
Art. 53 : Et les prêtres seront tenus de mettre les registres pour chaque année par-devant le greffe le plus proche du bailli ou du sénéchal(1) pour y être fidèlement conservés.
Art. 110 : Afin qu'il n'y ait aucun doute sur le sens des arrêts de nos cours souveraines (2), nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement qu'il n'y ait aucune incertitude ni besoin de demander leur interprétation.
Art. 111 : Nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres cours inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres actes de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés en langage maternel français et non autrement.
D'après l'ordonnance de Villers-Cotterêts (aout 1539)

(1) Officier royal qui rend la justice
(2) Juridictions statuant en dernier ressort comme le Parlement


Les officiers : les fonctionnaires de l’Etat royal

« Pour administrer le pays, la monarchie dispose,au début du XVIème siècle, d’un ensemble de corps d’officiers (1), mêlant étroitement les attributions judiciaires et administratives et organisés en hiérarchies. Les membres de ces corps, pourvus de leurs charges par lettres royales, sont inamovibles (2). Ils ont donc la sûreté de leur emploi et jouissent d’une réelle indépendance par rapport au pouvoir (…). Le souverain multiplie ces charges (il est vrai qu’il les vend, ce qui gonfle ses ressources), accepte peu à peu l’hérédité des offices (3). Assurant à moindres frais l’administration, les corps d’officiers montrent rapidement leurs inconvénients. Agissant collégialement et lentement, ils échappent au contrôle du pouvoir, retardent ou déforment l’exécution des ordres royaux et sont sensibles aux pressions locales. »

B. Benassar, J. Jacquart, Le XVIème siècle, Armand Colin, 1990


1. Nom donné aux titulaires des offices royaux, à savoir les fonctionnaires
2. Ne peuvent pas être renvoyés
3. Transmission d’un office au sein d’une même famille
La souveraineté absolue définie lors des guerres de Religion
« La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République (1). […] Disons ce que signifient ces mots puissance absolue […]. Il faut que ceux-là qui sont souverains ne soient aucunement sujets aux commandements d’autrui, et qu’ils puissent donner loi aux sujets, et casser ou anéantir les lois inutiles, pour en faire d’autres : ce que ne peut pas faire celui qui est sujet aux lois […]. C’est pourquoi la loi dit que le prince est absous de la puissance des lois […].
Quant aux lois divines et naturelles, tous les princes de la terre y sont sujets, et il n’est pas en leur puissance d’y contrevenir, s’ils ne veulent être coupables de lèse-majesté divine, faisant guerre à Dieu, sous la grandeur duquel tous les monarques du monde doivent faire joug, et baisser la tête en toute crainte et révérence. […]
Ceux qui ont écrit du devoir des magistrats, et autres livres semblables, se sont abusés de soutenir que les états du peuple (2) sont plus grands que le prince : chose qui fait révolter les vrais sujets de l’obéissance qu’ils doivent à leur prince souverain […] car si le prince souverain est sujet aux états, il n’est ni prince ni souverain. »
Jean Bodin, Les Six Livres de la République, 1576.

(1) Ici, dans le sens d’État
(2) États généraux et Parlements
Le sacre de Henri IV (1594)
Desmaretz, Sacre de Henri IV roi de France, fin XVIème siècle, Paris, BNF

Sur l'estrade du jubé de la cathédrale de Chartes, Henri IV (au centre) habillé des vêtements de sacre, portant couronne, sceptre et main de justice, entouré de l'évêque Nicolas de Thou (à droite) et des 5 autres pairs ecclésiastiques, le chancelier Cheverny (à gauche), le connétable Matignon à l'arrière de l'évêque consécrateur, les 6 pairs laïcs assis au premier plan